
Le Bureau central d’investigations judiciaires (BCIJ) a réussi à déjouer un plan terroriste dangereux visant le Maroc, commandité par un haut dirigeant de Daech dans la région du Sahel.
Les autorités cherchent à éviter l’amalgame entre terroristes et résidents. Les médias invitent l’opinion publique à respecter la cohabitation.
Les expulsions d’illégaux se sont accélérées ces derniers jours et une vague d’interpellations est observée dans les milieux intégristes.
Groupe islamique combattant marocain (GICM), filière marocaine, vétérans marocains d’Afghanistan... Le Maroc est, depuis le 11 mars dernier, sur le devant de la scène sécuritaire, judiciaire et médiatique européenne. Une position dont il se serait bien passé.
Ainsi, en Espagne, la plupart des suspects détenus dans l’affaire des attentats du 11 mars sont marocains. En France, 13 Marocains, qui seraient liés au GICM, ont été interpellés et mis en examen. En Belgique, une vague d’interpellations frappe les milieux intégristes. En Italie, 161 perquisitions ont été menées, le 2 avril, chez des étrangers soupçonnés d’avoir des liens avec la mouvance terroriste et plusieurs marocains en situation irrégulière ont fait l’objet d’un arrêté d’expulsion.
La suspicion pèse-t-elle désormais sur nos têtes ? Le Maroc exporte-t-il le terrorisme en Europe ? Seule une vue simpliste et superficielle des choses le laisserait supposer. Il suffit de savoir que dans ces quatre pays, les Marocains se comptent par centaines de milliers et représentent la deuxième, sinon la première communauté étrangère (extra-européenne) dans ces pays d’ancienne (France et Belgique) ou de récente (Espagne et Italie) immigration. Le grand nombre assure l’anonymat et permet à certains d’être comme un poisson dans l’eau.
Les réseaux intégristes terroristes recrutent donc « tout naturellement » - si l’on ose dire - des Marocains dans ces pays-là, comme ils recruteraient dans les communautés musulmanes asiatiques (pakistanaises, afghanes) en Grande-Bretagne, parmi les Turcs en Allemagne, ou les Irakiens et Syriens dans les pays européens nordiques... Pour la simple raison que ces communautés sont nombreuses dans ces pays, relativement intégrées et que leurs membres sont très souvent naturalisés. Ce qui facilite beaucoup de choses.
Des actes de xénophobie isolés
L’une des raisons de cette posture espagnole résulte, selon M. Boundi, de la bonne disposition des autorités marocaines à aider l’Espagne dans l’enquête sur les attentats de Madrid. Cela a été souligné, « aussi bien par les médias que par la classe politique, comme la meilleure preuve de la volonté de Rabat de lutter contre le terrorisme. D’ailleurs, les séjours prolongés de responsables marocains de la sécurité ne sont pas passés inaperçus dans les médias madrilènes ».
Le secrétaire général de la plus importante association marocaine en Espagne, ATME, Mostafa Lemrabet, résume cet état d’esprit en une phrase-choc : « Le comportement espagnol a été exemplaire dans sa modération ».
Alors, tout va-t-il pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Un cadre marocain, installé en Espagne depuis de longues années, donne une vision quelque peu idyllique des choses : « Je vis en Espagne depuis des années et j’ai des enfants qui poursuivent leurs études à l’Université de Madrid. Je prends régulièrement le train où ont eu lieu les attentats du 11 mars. Eh bien, je peux vous assurer que je continue à le prendre, tous les jours. Je n’ai rien observé d’anormal, ni entendu des remarques désobligeantes contre les Marocains et les musulmans ».
Pas de changement dans les procédures d’octroi des visas
Mostafa Lemrabet, lui, nuance cette image d’Epinal. Il reconnaît avoir remarqué des inscriptions murales xénophobes au siège de son association, ou même avoir reçu des témoignages de femmes voilées insultées dans les bus ou le métro. Il admet néanmoins qu’il s’agit d’actes isolés ou, en d’autres termes, de « dommages collatéraux » des attentats du 11 mars.
Il n’y a pas eu pour autant d’agressions physiques à caractère raciste ou xénophobe.
Côté marocain, il est indéniable qu’une inquiétude diffuse est perceptible chez nos concitoyens établis en Espagne. Il y a même un sentiment de culpabilité. Un piège dans lequel il faut éviter à tout prix de tomber, affirme M. Lemrabet, avant de poursuivre : « Les Marocains ont été, eux aussi, victimes de ces attentats terroristes. Trois des leurs y ont laissé la vie. L’impact sur notre communauté est indéniablement négatif. Nous devons en minimiser les dégâts en travaillant avec intelligence, en réaffirmant notre adhésion à la démocratie et à la liberté, en étant exemplaires dans notre comportement. Objectif : réinstaurer la confiance mutuelle et sereine entre Espagnols et Marocains ».
De l’autre côté du Détroit, même si l’attaché de presse de l’ambassade d’Espagne à Rabat nous a assuré qu’aucun changement n’est venu modifier le régime d’obtention des visas, il n’en reste pas moins que les autorités consulaires seront à l’avenir très vigilants, voire intraitables.
Dans les pays d’accueil, cette fois-ci, un responsable associatif marocain en Belgique, Ahmed Mahou, est catégorique : « Il est confirmé que les autorités françaises, belges et hollandaises expulsent les immigrés illégaux en affrétant des avions en commun. Seulement cela se fait sans grand bruit, mais régulièrement, plusieurs vols par semaine sont organisés à destination des pays du Sud. Avant les évènements d’Espagne, les différentes polices étaient plus tolérantes et même parfois enclines à relâcher les illégaux arrêtés ; aujourd’hui cette tolérance s’approche du zéro ! » . Des jours difficiles nous attendent.
Chafik Laâbi pour la Vie économique
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