Affaire Morad : Saint-Hippolyte choisit le camp des gendarmes

17 mars 2003 - 09h36 - France - Ecrit par :

A Saint-Hippolyte-du-Fort, le conseil municipal a voté une motion de soutien à sa brigade de gendarmerie et à son peloton de surveillance et d’intervention. Les policiers municipaux ont distribué aux commerçants des feuilles blanches avec en-tête de la mairie pour permettre aux habitants d’approuver ce soutien.

Presque tous les commerçants les ont posées sur le comptoir. Entre trois cents et quatre cents habitants ont déjà signé le texte qui dit : « Suite aux événements qui se sont déroulés ce week-end, la population veut témoigner toute sa sympathie et son soutien dans les moments difficiles que vous traversez. »

Les « événements », c’est la mort, dimanche 2 mars, de Mourad, 17 ans, tué par une balle tirée par un gendarme de Saint-Hippolyte-du-Fort, à l’issue d’une course-poursuite. Le procureur de la République de Nîmes a ouvert deux informations judiciaires, l’une concernant les cambriolages commis dans la nuit du 1er mars par Mourad et ses deux copains, l’autre visant la gendarmerie pour coups mortels. A Valdegour, la cité de Nîmes où Mourad vivait, des voitures ont brûlé et une marche a été organisée pour demander « que justice soit faite ». La famille de Mourad a déposé plainte.

« Il y en a trop ». A Saint-Hippolyte-du-Fort, 3 500 habitants dans le Gard, une marchande de fruits et légumes résume : « Bien sûr que les gens signent. C’est normal, non ? C’est un geste naturel sur lequel il n’y a pas lieu de s’étendre. » D’ailleurs, le maire n’a pas le temps. Le coiffeur coiffe. La femme du libraire ne veut pas en parler et ne veut pas non plus que son époux s’exprime, même s’il préside l’association des commerçants, laquelle a publiquement mis en cause en décembre les gendarmes, « pas assez présents sur la commune. En réalité, « à Saint-Hippo, on ne parle que de ça ». Le village a été victime de sept cambriolages en une nuit il y a quinze jours et, la veille de la tragique course-poursuite, le bijoutier avait été réveillé en pleine nuit par des cambrioleurs. Il avait tiré. Sans compter les voitures volées. Le boucher relève qu’en signant certains commentent : « Il y en a trop. » Trop de quoi ? « De vols et d’Arabes. » « C’est normal que la mairie fasse quelque chose. On dirait que c’est eux, les Marocains, qui ont raison », explique une commerçante.

Assis sur un banc devant le terrain de boules, Jacques et Salvador, retraités, ont signé : « Je tiens à conserver la gendarmerie. » Elle est menacée ? « J’en sais rien, mais le gendarme est menacé alors qu’il a fait son devoir », explique Jacques. « A 17 ans, moi je travaillais et la nuit j’étais au lit parce que j’étais fatigué », ajoute Salvador. Jacques et Salvador sont « révoltés qu’il se trouve des gens pour soutenir les délinquants ». Salvador se souvient qu’il y a quelques mois, la voiture de son fils a disparu le temps du dîner. Il l’a retrouvée trois jours après, « le moteur cramé ». Il ajoute : « Ils n’ont que des grosses voitures, et pas un ne travaille. »

A Saint-Hippolyte, où l’église et le temple se tutoient, les militaires sont logés à côté d’une ancienne caserne, le Maringot, devenue propriété d’un Niçois. Il loue uniquement à des Marocains employés dans les vignes et chez les maraîchers. De leurs fenêtres, les gendarmes voient « des Audi, des Volvo, des BMW et des Mercedes ». Les habitants commentent : « Ça tourne, c’est jamais les mêmes. » Les dernières élections municipales ont mis un terme à un long règne de la gauche et élu un maire UMP, né au Maroc, et « une poignée de gens d’extrême droite qui n’ont pas l’étiquette mais en ont les idées », estime Benoît, un néorural. A quelques jours du premier tour de la présidentielle, deux jeunes, de retour d’un meeting de Le Pen à Marseille, avaient entonné dans un café des chants nationalistes et abreuvé des Arabes d’insultes racistes. Le premier adjoint au maire, accompagné de ses fils et de son équipe d’ouvriers, avait débarqué avec des manches de pioche, officiellement pour calmer le jeu. Deux gendarmes avaient bousculé les beurs. La rixe avait été évitée de justesse, grâce à l’intervention du peloton d’intervention. L’incident s’ajoutait à d’autres.

Entre eux. Arrivée il y a un an et demi de Paris, Hélène Ramdani, candidate suppléante des Verts aux législatives en 2002, s’étonne : « Pourquoi n’y a-t-il pas un mot pour la famille du jeune homme ? » Mère de deux jeunes enfants, elle a découvert avec surprise que Saint-Hippolyte avait un club de boules, de pêche et de foot, mais pas de bibliothèque. Elle avait proposé ses services au maire. « C’est très bien. On a beaucoup de problèmes avec les jeunes Arabes ici », lui avait-il répondu. Christiane, militante à la Croix-Rouge, est elle aussi choquée : la municipalité a refusé à l’organisation caritative une subvention pour un atelier d’alphabétisation à destination de la communauté musulmane. Arrivés à la fin des années 70 avec le regroupement familial, les musulmans sont un peu moins de trois cents. Et vivent entre eux. Ce jeudi soir, leurs fils aînés sont quelques-uns sur la place principale. Enervés. « Le jour où il y aura des émeutes dans le village, le maire saura d’où ça vient. »

Tolérance. Ce jeudi soir, on fait salon au tabac-presse. « Il faut arrêter de nous traiter de racistes. Il faut arrêter de dresser les gens les uns contre les autres. Quand je remonte les bretelles à un gamin qui a volé une revue, je ne regarde pas s’il est marocain ou français. La dernière fois que c’est arrivé, le gamin m’a insultée en arabe. Je l’ai repris. Un quart d’heure plus tard, il est venu s’excuser. C’est un travail d’éducation », estime la patronne. Elle a aussi vu deux jeunes Français quitter son commerce en marmonnant : « Ils veulent tuer tous les jeunes en France. » Animateur dans une association, Hassan constate : « Nos pères ont vécu seuls, loin de la vie des villages, avec l’idée qu’ils repartiraient. Ils ne pouvaient pas nous aider à nous intégrer. Ils avaient déjà appris à vivre entre eux. » Pour arranger les choses, Hélène Ramdani voudrait organiser une réunion publique. A froid. Les Cévennes ont une longue tradition d’accueil et de tolérance.

Libération ( France)

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