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Comment l’Europe et surtout la France vivent-elles le fait musulman ? Dans l’état où se trouve aujourd’hui le monde, gouvernements, médias, écrivains et spécialistes renvoient une image défigurée du rapport des Occidentaux à l’islam.
Raccourcis et récupérations politiques prennent souvent le pas sur une analyse scientifique. L’actualité politique mondiale est dominée directement ou indirectement par cette religion qui continue de fasciner le vieux continent mais aussi ses propres détenteurs. “Depuis le XXe siècle et jusqu’à aujourd’hui, l’islam est resté un vecteur de fascinattion quasi permanent”. C’est en tout cas ce qu’en pense Vincent Geisser, 36 ans, éminent chercheur français à l’Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman (CNRS). Au cours d’une conférence organisée par l’Association Al Massar à l’Institut du transport aérien, vendredi dernier à Casablanca, ce chercheur a donné un nouvel éclairage sur le rapport au fait musulman qu’il a situé entre “peur et reconnaissance”.
“L’islam fait l’objet d’un débat passionnel, voire fantasmatique”, dit-il d’entrée de jeu. Face à l’hystérie collective européenne exacerbée par le terrorisme, Geisser appelle les musulmans à éviter deux amalgames. D’abord, la posture victimisante qui fait du musulman l’éternel mal-aimé, ensuite, la négation pure et simple du phénomène d’islamophobie.
Pour mieux comprendre ce phénomène, Geisser fait appel à l’Histoire. “Nous sommes passé d’une peur chrétienne à une peur laïque et sécularisée. C’est une appréhension profondément moderne”, explique-t-il. Dans le temps politique, celui de l’actualité de tous les jours, Geisser évoque encore une fois “la panne de l’imaginaire européen”. Le musulman devient l’éxutoire, le bouc émissaire, l’autre conflictuel qui sert à préserver l’unité idéologique européenne. En Grande-Bretagne, explique Geisser, les restes de l’expérience coloniale déterminent les rapports avec les musulmans britanniques. Ces derniers se renferment sur eux-mêmes et évitent tout contact avec le pouvoir. Tel n’est pas le cas en France où les communautés musulmanes cherchent le dialogue avec l’Etat. Quant aux pays-Bas, ils sont considérés comme un modèle de gestion du pluralisme religieux et culturel. Mais depuis les événements du 11 septembre, la vague d’intolérance a aussi atteint ce pays. L’Espagne par contre n’a pas connu de recrudescence du sentiment d’intélorance suite à ces événements, indique Geisser, ou du moins pas encore. “Il y a moins de crispation en Espagne sur la laïcité mais plus de racisme antimaghrébin”. Après le 11 mai, ce sentiment pourrait aussi s’islamiser.
Musulman light
Pour Geisser, l’ambivalence qui caractérise le rapport de la France au fait musulman pourrait se généraliser à l’ensemble de l’Europe. Autant les musulmans sont tolérés en France, autant ce pays se considère porteur d’une mission d’émancipation à leur égard. Au regard de l’Hexagone, les musulmans n’ont pas encore franchi le Rubicon : “Ils ont besoin de deux fois plus de cours pour comprendre la République”. La France souhaite des musulmans sur mesure. Ce que Geisser qualifie de “musulmans light”. “Une bonne mosquée est celle qu’on ne voit pas et une bonne musulmane est celle qui se plaint de sa famille et qui va le crier sans voile sur les plateaux de télé”, continue-t-il. Sinon, le musulman devient subterfuge et responsable de toutes les crises. “Le voile a été utilisé pour masquer la crise de l’école française”. La canicule a fait 15.000 morts durant l’été dernier. Dès la rentrée, le débat sur la veille et le suivi sanitaires a été détourné par une polémique sur les “musulmanes qui refuseraient de se faire soigner par des gynécos hommes”. Pourtant, 58% des femmes françaises préfèrent se faire soigner par des femmes. Geisser parle alors de “canicule islamique”.
Néanmoins, le fait musulman est reconnu comme un fait européen. Les Français de religion musulmane sont des acteurs sociaux et économiques à part entière. “Il n’y a pas de ghetto dans chaque ville comme c’était le cas pour les Juifs”, souligne Geisser. L’islam s’institutionnalise en Europe et surtout en France, à travers des associations dynamiques qui nourrissent la vie culturelle. L’islam est devenu un stimulant qui “oblige la France à réfléchir sur certaines convictions”.
L’économiste
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