« Jeudi dernier (le 24 février, NDLR), nous avons été réveillées à l’aube par le bruit des bombes », témoigne Doha, 23 ans. Depuis le début des tensions entre la Russie et l’Ukraine, elle partage son appartement, sis au centre de Kharkov, avec sa cousine et une amie marocaine, rapporte Le Courrier de l’Atlas. Après l’invasion russe, elles se voient contraintes de se réfugier dans la station de métro la plus proche, Naukova. « C’était bondé. C’était l’horreur. On avait peur, on avait froid. On pleurait. Et au milieu de cette foule, j’ai été agressée sexuellement. Des mains s’étaient glissées sous mes vêtements. J’ai failli être violée. Alors on a décidé de ne pas rester et de retourner à l’appartement. Quitte à mourir autant que ce ne soit pas parmi une foule déchaînée transformée en cannibales. De toute façon, les Ukrainiens avaient ordonné aux étrangers de sortir de la station de métro, comme si nous ne méritions pas d’être à l’abri », raconte-t-elle.
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Une fois retournées à l’appartement, les trois étudiantes réfléchissent sur comment quitter l’Ukraine. « Notre vie était devenue un film, sauf que c’était la réalité. On recevait des vidéos montrant des bombardements, des quartiers dévastés à côté de chez nous », poursuit Doha. Les trois jeunes filles réussissent à arriver à la gare de Kharkov évidemment bondée, en ce samedi, vers 6 heures du matin. Dans la foulée, un de leurs amis marocains se joint à elles. « Quand le train est arrivé à quai, tout le monde criait ‘push push push’. C’est un miracle que nous ayons réussi à monter tous les quatre. Les gens donnaient des coups. C’était chacun pour soi. Ma cousine a perdu connaissance sur le quai dans la bousculade. J’ai dû redescendre du train pour la tirer et l’aider à monter. Une fois à bord, on nous a annoncé que le train allait à Kiev. Autant dire l’enfer tant les nouvelles qui nous en parvenaient étaient effrayantes. On a tout fait pour redescendre mais c’était impossible. Donc pendant six heures, nous étions dans un train qui nous emmenait à la mort. Nous en étions persuadées. J’ai commencé à faire une tachycardie tant mon état de stress était intense ».
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Le train entre en gare de Kiev où il reste bloqué six heures en raison des bombardements de l’armée russe, avant de redémarrer en direction de Lviv, non loin de la Pologne. Lorsqu’ils sont arrivés à destination, il leur a été conseillé de quitter le territoire ukrainien via Oujgorod, du côté de la Slovaquie, où il y aurait moins d’attente. Doha croise fortuitement une de ses connaissances, un étudiant nigérian. « Il nous propose de monter dans un bus où ne se trouvent que des Africains. Nous réussissons à y prendre place malgré l’opposition violente d’une dame qui ne voulait pas de blancs dans le bus ». Après cinq heures de route, ils débarquent à Oujgorod, où ils vivent un enfer. « […] Une fois la douane passée, tous les Africains ont été enfermés pendant plusieurs heures, puis ils ont fini par nous relâcher sans donner la moindre explication. Il nous fallait alors trouver un moyen d’aller à Beregsurány pour quitter l’Ukraine via la Hongrie », raconte Doha.
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Après un trajet à pied de plusieurs kilomètres dans le froid, la faim et la neige, ils montent dans un train en direction de Budapest. « Mes mains étaient bleues quand nous sommes enfin montés dans le train qui allait à Budapest. À l’arrivée, on a eu un accueil incroyable, lundi (28 février) soir. On ne s’y attendait plus. On ne savait plus que des gens pouvaient encore être gentils et nous offrir à boire et à manger », raconte la jeune fille. De Budapest, Doha prend un vol en direction de Casablanca avec Snowy, son spitz nain.