La réforme du Code de la famille passe mal chez les salafistes. Prêcheurs et imams de mosquées sont en colère contre le ministre de la Justice Abdellatif Ouahbi.
« Tu es répudiée ». Cette phrase n’a plus la cote dans les ménages marocains. Et pour cause, le divorce serait en régression depuis l’entrée en vigueur du nouveau code de la famille, selon les derniers chiffres communiqués par le ministère de la Justice.
En 2004, année d’entrée en vigueur du nouveau texte, le divorce a même chuté de 40,09% par rapport à 2003. La chute s’est poursuivie en 2005 et 2006. Culminant à une moyenne de 50.000 actes avant 2004, le nombre de divorces se cantonne dans une moyenne annuelle de 28.000 cas depuis cette date.
Comment expliquer cette tendance ? Les chiffres reflètent-ils vraiment la réalité ? Fatouma Benabdenbi, sociologue, estime que le recul du divorce s’explique essentiellement par le climat de confiance instauré par le nouveau code de la famille. « Il est clair que la confiance chasse le conflit », lâche cette sociologue. Rachid Diouri, avocat au barreau de Casablanca, explique pour sa part que les procédures de divorce ont peut être régressé, « mais le ministère a fourni des statistiques brutes et ne les a pas segmentées en fonction des zones urbaines et rurales ».
L’avocat qui traite de nombreux cas de divorce estime que la proximité des tribunaux dans les villes et le degré d’instruction des femmes impliquent que ces dernières s’adressent plus volontiers au juge qu’en zone rurale. « Je pense qu’il est difficile de dire que c’est le nouveau code de la famille qui a constitué un frein aux divorces », insiste Diouri.
Selon lui, la régression du nombre des divorces peut également s’expliquer par l’attitude des juges « qui utilisent des artifices de procédure pour mettre la pression sur les maris surtout quand il s’agit de demande de divorce rijîi (ndlr : première répudiation) ». Les juges de la famille, poursuit Diouri, insistent sur la présence personnelle de l’épouse et misent beaucoup sur la tentative de conciliation qui est d’ordre public et l’intervention du conseil de la famille. « Toutes ces mesures sont de nature à décourager les prétendants au divorce », ajoute Diouri. Si le divorce diminue, il reste néanmoins fortement marqué par une grande proportion de la procédure du khol’ (répudiation moyennant compensation), soit 32,5% de l’ensemble des actes de divorces enregistrés en 2006 (28.239). Cette dominance du khol’, Diouri l’explique par l’ignorance des femmes qui n’hésitent pas à recourir à ce genre de divorce, « pour se libérer ».
Signalons que le divorce Khol’ est prévu par les articles 114 à 120 du code de la famille. Il s’agit d’un divorce par compensation. Celle-ci est octroyée par l’épouse pour obtenir rapidement sa liberté. Selon l’article 118 « tout ce qui peut faire légalement l’objet d’une obligation peut valablement servir de contrepartie en matière de divorce khol’ sans toutefois que cela donne lieu de la part de l’époux à un abus ou un excès ».
Après le khol’, c’est le divorce Rijîi (révocable) qui vient en seconde position avec 25,7% des cas en 2006. Cette procédure a néanmoins régressé par rapport à 2005, année au cours de laquelle elle avait représenté 27,8% des cas de divorce, soit 8.273 cas contre 7.276 en 2006.
Pensions alimentaires en tête du peloton
La plupart des procédures judiciaires devant les tribunaux de famille concernent les pensions alimentaires. Celles-ci accaparent 16.069 des affaires sur un total de 66.392 pour l’année 2006. Le divorce vient en seconde position avec 10.806 dossiers. Selon Rachid Diouri, avocat agréé près la Cour suprême, « il est tout à fait normal que cette procédure soit en haut du tableau des affaires traitées par les tribunaux de la famille. Et ce, en raison de la résistance des ex-époux à payer amiablement les sommes auxquelles ils sont condamnés ». En outre, explique Diouri, « les mesures d’exécution sont lentes à mettre en œuvre et les hommes en profitent pour ne payer que contraints et forcés ».
L’Economiste - Naoufal Belghazi
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