Ils vont de plus en plus vers « les services, laissant de côté les secteurs traditionnels tels que l’agriculture et l’industrie jugés peu rentables ». Dans cette dernière niche, différentes études montrent que le faible niveau de l’investissement s’explique, entre autres, par les coûts de démarrage élevés. « Des coûts souvent au-dessus de la capacité de financement de la majorité des MRE ».
« Beurgeoisie », une nouvelle génération
Un autre constat, et pas des moindres. Bien que le commerce continue à occuper une place privilégiée dans l’investissement des MRE, sa progression a été bien moindre que les placements dans le tourisme, qui a enregistré une croissance de 138% entre 1998 et 2005. On est en plein dans ce que les experts du CMC appellent la « tertiarisation ». Laquelle s’explique, selon eux, essentiellement par le coût financier que représente par exemple l’ouverture d’un petit commerce. En effet, au cours de ces dix dernières années, ce sont d’autres secteurs du tertiaire, notamment le tourisme qui a drainé une grande partie des nouveaux investissements. Une évolution que l’étude de la fondation Hassan II, consacrée à la question, explique par « l’émergence d’une nouvelle génération de MRE ».
Un concept savamment enveloppé par le CMC dans le néologisme de « beurgeoisie ». Une génération mieux éduquée, plus aisée et dotée d’une fibre plus entrepreneuriale que la précédente.
Ces nouveaux entrepreneurs investissent dans des secteurs comme les technologies de l’information (TI) ; également dans les transports et la Bourse. Ce qui n’étonne guère les enquêteurs du Centre, qui, à coups de constats, arrivent à démêler l’écheveau. « Alors que la grande majorité des MRE investit toujours dans l’immobilier et/ou les petits commerces, cette minorité émergente est à l’affût du profit ». Une minorité qui, selon eux, ne peut être considérée comme des migrants stricto sensu, car ayant vécu toute leur vie à l’extérieur du Maroc.
Des signes qui ne trompent pas. « Il est, dans ces conditions, raisonnable de penser que leurs investissements vont croître avec les opportunités offertes par les accords de libre-échange avec les Etats-Unis et d’association avec l’Union européenne », prédisent les experts. Ce qui les amène à conclure que la tendance actuelle est à la diversification et à la « tertiarisation » de l’investissement MRE.
Un capital faible et des compétences peu importantes
Malgré l’évolution des montants investis et les tendances positives en matière d’investissement, les transferts de MRE peinent à impacter de façon nette le développement économique.
Une récente étude de l’Observatoire des MRE de la fondation Hassan II confirme aussi la prépondérance des petits projets. Près de 40% d’entre eux ont coûté moins de 500.000 DH. Les grands, ceux dont l’investissement est supérieur à 5 millions de DH, ne représentant que 14%. Les plus gros investissements vont essentiellement à l’industrie, alors que les petits projets se cantonnent majoritairement dans le secteur agricole et commercial. Aucun chiffre précis ne permet d’en déterminer les proportions. Mais, selon le CMC, dans les 2/3 des cas, l’investissement est entièrement autofinancé, le 1/3 restant se réalisant grâce au crédit. Considérant uniquement les migrants de retour, plus de 86% des investissements sont autofinancés.
Selon les enquêteurs, la raison de ces disparités tient à ce que le profit n’est pas nécessairement au cœur de la décision d’investissement chez les MRE. Ce qui se traduit par le fait que « les secteurs favoris de ces derniers sont ceux qui nécessitent un capital initial relativement faible et des compétences peu importantes ». Voilà qui donne un début d’explication à la faiblesse de l’investissement traditionnel tourné vers le secteur agricole et surtout les (petits) services.
Qui tire profit des investissements ?
Ce sont les régions à forte émigration (Taza, Al Hoceïma, Taounate, l’Oriental, le Souss et Tadla-Azilal), où les dépôts bancaires composés des transferts vont de 38 à 66%. A noter que, pour dans les régions les plus dynamiques économiquement, Casablanca et Rabat en l’occurrence, ce taux avoisine les 12%, relève l’Observatoire des MRE de la fondation Hassan II. La bancarisation nationale est de 25%, soit environ 7,5 millions de Marocains.
Les enquêteurs du CMC relèvent une nuance quant à la destination des transferts. « Les régions à fort taux d’émigration, et donc à fort taux de transferts, ne sont pas nécessairement les régions les plus attractives ». Il en va ainsi de l’Oriental.
A l’opposé, le gros des investissements va aux régions les plus dynamiques et les moins touchées par l’émigration, Casablanca, Rabat, Marrakech. Ce qui signifie que « les ressources financières des régions les plus faibles économiquement sont orientées vers les régions les plus fortes économiquement », constatent-ils. Voilà qui ressort la question du sous-équipement de certaines régions.
Source : L’Economiste - B. T.