Marocmétrie s’est appuyée, pour cette enquête nationale, sur un échantillon représentatif de 767 foyers ruraux et urbains, équipés d’un audimètre et d’une télécommande. Celle-ci permet aux enquêtés de signaler quotidiennement la chaîne qu’ils regardent (2M, Al Oula, Arriyadia…), le nombre des téléspectateurs, présence d’invités... L’audimètre est connecté à un téléviseur, une prise de téléphone…
Premier constat : les Marocains sont accros à la télé ! De fin mars à fin août 2008, un individu, âgé de 5 ans et plus, passe quotidiennement une moyenne de 3h17mn devant le petit écran. Durant le Ramadan -du 2 au 22 septembre-, il faut compter 50 minutes de plus ! Plus surprenant encore, « il y a en moyenne, par jour et par foyer, un téléviseur allumé pendant plus de 8h et plus de 9h pendant le mois sacré », souligne le directeur exécutif de Marocmétrie, Younès Alami.
Par rapport aux Français, la durée d’écoute quotidienne enregistrée entre fin mars et fin août est de 3h10 mn par téléspectateur. C’est presque la même moyenne qu’au Maroc. En revanche, les foyers hexagonaux ne regardent la télé que 5h16mn par jour.
L’équipe de Marocmétrie a constaté aussi une « saisonnalité de l’audience TV durant l’été ». Le score le moins élevé est enregistré en août, soit 2h55 minutes.
C’est en septembre, coïncidant avec la rentrée scolaire et Ramadan, que culmine l’audience TV (4h07mn). Ces chiffres relatent la durée d’écoute par individu. C’est-à-dire la moyenne du temps passé à regarder la télé, quelle que soit la chaîne, par les 767 foyers.
Qu’en est-il des pics d’audience ? Pour le mois d’avril et de mai, ils se manifestent vers 13h40mn. Un horaire où généralement les chaînes publiques, notamment Al Oula et 2M, programment leur Journaux télévisés et surtout les feuilletons égyptiens. Pendant le Ramadan, ce pic se déplace vers la période du ftour, 19h30mn. Avant le passage à GMT+1 (avril-mai), l’audience culmine en fin de soirée (22h). Et suite à son adoption, elle plafonne vers 23h. Certains vont grincer des dents ! Car des résultats laissent pour le moins perplexes ! « Sur d’autres tranches horaires en soirée, les chaînes publiques cumulent toujours une part d’audience supérieure à 50% », selon l’enquête. Entre 21h et 22h30mn, par exemple, la chaîne de Aïn Sebaâ accapare un peu plus de 25% de l’audience. Elle est suivie par Al Oula (15,2%), 2M Monde, Al Maghribia, Arriyadia et TVM international. L’on peut toujours considérer que les téléspectateurs, surtout durant le Ramadan, ont un besoin de proximité par rapport aux programmes TV.
Pourtant, même en dehors de cette période, l’engouement ne se tarit pas ! Cette fois-ci c’est une enquête de terrain, réalisée du 8 au 21 juillet sur un panel de 3343 personnes, qui le confirme. Le recours à un questionnaire s’explique « par le fait que les chaînes de Nilesat ne sont pas signées ».
Autrement dit, leur mesure d’audience n’est pas soumise -comme c’est le cas pour 2M ou Al Aoula- à un audimètre. « Les chaînes publiques représentent plus de 48% de part d’audience. Pendant le mois sacré, ce pourcentage grimpe à plus de 50% en journée et plus de 60% entre 19h et 21h », est-il indiqué. Une quinzaine de chaînes dites « étrangères » et essentiellement arabes se partagent le reste de l’audience. MBC 2, MBC 4, Al Jazeera sont en tête de liste. Et c’est Medi 1 Sat qui est en queue de peloton ! Peut-on classer celle-ci comme chaîne étrangère ? Sachant qu’elle compte des actionnaires marocains, tels que Maroc Telecom, et qui, de plus, a son siège à Tanger. Marocmétrie va rectifier le tir en classant ses chaînes comme étant « privées » au lieu « d’étrangères ». L’on se demande aussi pourquoi France 24 ou TV5 n’ont pas été intégrées dans cette liste. L’on mélange chaîne crypté (Canal +) et chaîne claire ? Il aurait été appréciable que cette enquête ne se limite pas au mois de juillet.
Top 10
Le palmarès des parts d’audience des programmes diffusés durant le Ramadan sur Al Aoula et 2M est assez révélateur. Pour la première chaîne, la série marocaine « Youm ma yachbah youm », l’émission de divertissement « Naghma watay » et le film égyptien « Harim Karim » s’adjugent respectivement les trois premières places. Les magazines de société comme « Moudawala » sont également assez prisés par les téléspectateurs. Même constat pour 2M. Une sitcom aussi médiocre que « Mbarek ou Massoud » parvient à scotcher devant le petit écran près de 5 millions de téléspectateurs, soit 41% de part d’audience… l’émission de société, « Al Wajh Al Akhar », relativement iconoclaste, et la série marocaine « Rommana ou Bartal » viennent juste derrière. « Seules sont prises en compte dans ce palmarès les émissions d’une durée supérieure ou égale à 10 minutes », souligne le directeur exécutif de Marocmétrie, Younès Alami. Un constat : les Marocains raffolent des productions locales (séries et films).
Ces chiffres révèlent aussi un décalage dramatique : le débat qui secoue l’opinion, sur le rôle du service audiovisuel public et la médiocrité de sa programmation, ne rejaillit pas dans les résultats de Marocmétrie. Statistiques et polémiques font deux. La part d’audience n’intègre pas la qualité d’une émission. En Allemagne, c’est pourtant le cas. Chez nous, le but ultime est de déceler les plages horaires les plus rentables pour un annonceur. L’on peut très bien deviner, tant que cette logique prime, à quoi ressemblera la télévision publique de demain !
Comment ça marche ?
Marocmétrie a un panel de 767 foyers équipés d’un audimètre et d’une télécommande. Chaque membre dispose d’une touche noire -elles sont une douzaine au total- pour déclarer sa présence dans une pièce où un téléviseur est allumé. Même les invités ont droit à leurs propres touches (10) -couleur verte-. Les enfants dès l’âge de 5 ans sont aussi pris en compte par la mesure d’audience. Les touches bleues réservées aux hommes et roses aux femmes.
L’audimètre est connecté simultanément sur le téléviseur, le magnétoscope, décodeur numérique ou analogique, prise de courant et de téléphone. Si l’ensemble des membres du foyer s’absentent 4 jours ou plus, ils doivent le signaler : ils éteignent le téléviseur et appuient sur la touche absence. Le watermarking ou « tatouage numérique » a été appliqué à l’audimétrie. Il permet d’identifier une chaîne avec certitude et transmettre dans les locaux de Marocmétrie trois données : horodatage (heure et type de diffusion live ou différé), canal de diffusion (satellite, hertzien, internet), et le contenu (feuilleton, magazine, émission de divertissement…). La direction panel et étude traite ces éléments quotidiennement et mensuellement avant de les publier.
Source : L’Economiste - Faiçal Faquihi