15.000 subsahariens au Maroc candidats au "hrig"

30 mai 2008 - 13h18 - Maroc - Ecrit par : L.A

Selon des experts en matière d’immigration clandestine au Maghreb, 15.000 ressortissants d’origine Subsaharienne, dont majoritairement des Nigérians (suivis des Maliens, des Sénégalais, des Ivoiriens,…) ont pris leurs quartiers au Maroc dans l’attente du feu vert d’organisations de « passeurs ». La ville de Casablanca regroupe à elle seule environ 85% des membres des ménages de migrants subsahariens. La majorité d’entre eux rejoignent le Maroc par voie terrestre.

Toutes ces données mettent en relief ce phénomène (et les difficultés) pour le Royaume dans sa lutte contre le “hrig”. Ainsi, la catastrophe humaine survenue dans la nuit du 28 au 29 avril dernier au large de nos côtes méditerranéennes pose avec acuité la problématique de la gestion politique et sociale des flux migratoires clandestins entre les rives nord/ sud du Maroc. Le rôle de « gendarme » de l’Europe qu’on veut donner au Maroc n’est pas de tout repos et comporte des risques…

Revenons à la tragédie au large des côtes d’Al Hoceima provoquant le naufrage d’un zodiac et la mort par noyade de 29 clandestins. La gravité des accusations portées par les rescapés (d’abord relayées par le quotidien espagnol El Païs) a conduit une ONG, l’Association des Familles et des Victimes de l’Immigration clandestine (AFVIC), a mener une enquête indépendante dont les conclusions mettent en cause un membre de la Marine Royale.

Rappelons d’abord les faits qui ne sont contestés par aucune partie. Deux « pateras » (embarcations de type zodiac) étaient interceptées vers 2 heures du matin avec chacune 60 migrants à bord par deux patrouilleurs marocains. L’une des embarcations de fortune a fait naufrage. C’est là que les explications divergent. Alors que les autorités marocaines nient toute responsabilité dans ce drame certains rescapés portent des accusations accablantes. L’embarcation pneumatique qui a sombré, entraînant dans la mort près de la moitié de ses passagers, aurait été volontairement percée par un militaire marocain à l’aide d’un objet tranchant après le refus d’obtempérer aux sommations des patrouilleurs.

Selon le rapport de l’AFVIC, « parmi les passagers se trouvait le « connexion man », personne qui a en sa possession l’argent des passagers. Pour information, les témoins ont confirmé avoir payé chacun la somme de 1250 euros. Selon les témoignages, le « connexion man » a menacé verbalement le conducteur de la patera de le jeter à la mer s’il obéissait aux injonctions des marins marocains ». Toujours selon les témoignages recueillis par ce rapport « en l’espace de quelques minutes, un côté du zodiac s’est dégonflé, provoquant le chavirement de l’autre côté de l’embarcation. Un agent aurait alors lancé aux migrants : « Vous pouvez continuer votre route pour l’Espagne maintenant… ». « Une autre équipe de la marine royale est venue nous secourir mais c’était déjà trop tard, beaucoup de morts… On nous a jeté une corde, c’est avec cela qu’on nous a sauvés ». Cette arrestation par la force aurait entraîné un mouvement de panique. Certains auraient tenté de se rattacher au zodiac et ils ont péri noyés. Un deuxième navire de la Marine royale aurait rejoint le lieu du drame et tenté de porter secours aux victimes et assistance aux rescapés. Un témoin rapporte l’arrivée d’un navire de la Guardia civile, information qui n’a pas pu être confirmée auprès des autres témoins.

Enquête ouverte par le ministère de la Justice

« Nous nous sommes comptés à notre arrivée à Al Hoceima, nous étions 31 survivants », indique un rescapé. Le bilan est donc de 29 morts ou disparus parmi les passagers de cette seconde pateras, dont 4 femmes (dont une femme enceinte) et 4 enfants (1 fillette, 2 jumelles et 1 garçon), tous originaires de pays d’Afrique subsaharienne (Mali, Nigeria, Congo, Ghana, Cameroun, et Côte d’Ivoire). Selon deux témoins ivoiriens, V.C âgé de 39 ans et L.A âgé de 37 ans, les 31 survivants du naufrage ont été ramenés à terre par deux autres bateaux des forces de sécurité marocaines. Dix corps ont été repêchés et transportés par ambulance à la morgue de l’hôpital d’Al Hoceima. Les 19 autres personnes sont à ce jour portées disparues ».

Différentes ONG, dont Amnesty International, demandent aux autorités marocaines de faire toute la lumière sur les circonstances de cette catastrophe. De son côté l’AFVIC déclare avoir eu l’assurance de la part du ministère de la justice qu’une enquête serait ouverte.

Ce drame, après tant d’autres, relance une fois encore le débat sur le problème de l’immigration clandestine à partir du territoire marocain et à destination de l’Europe. En dépit des efforts déployés sur les deux rives de la Méditerranée, la situation demeure complexe et critique. Chaque année, des milliers de subsahariens tentent l’aventure au prix de leur vie et de conditions d’existences pitoyables. Pour preuve, la tragique histoire de « Pat », une jeune nigériane, survivante du naufrage d’Al Hoceima, mais dont la fillette âgée de trois ans a perdu la vie, noyée, au cours la traversée. Une mort qui a bouleversé les membres d’ONG de Casablanca. En effet, l’enfant atteinte de tuberculose osseuse avait été soignée grâce aux efforts de Médecins Sans Frontières (MSF) dans une clinique de la ville. Elle avait pu surmonter la maladie, mais n’a pas survécu à cette aventure désespérée.

Combien ça coûte ?

L’analyse du coût d’un voyage révèle une concentration sur la tranche se situant entre 1000 et 2000 euros, soit 10.000 et 20.000 Dh. Près de deux tiers des migrants ont recours à l’épargne personnelle fruit de leur travail. Le restant exerce la mendicité pour pouvoir financer leur « voyage ». C’est le cas de « Pat » qui a avoué avoir mendié durant plus de 2 ans afin de collecter la somme de 1250 euros (environ 14.000 dirhams), montant nécessaire au financement du « connexion man ». Autre information de taille, la majorité des candidats à l’immigration clandestine ne sont pas informés sur les risques courus.

Source : Nouvelle Tribune - Rachid Hallaouy

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