Une vingtaine de parlementaires marocains sont dans le collimateur de la justice. Ils sont poursuivis pour faux et usage de faux, abus de pouvoir, dilapidation et détournement de fonds publics.
Elles étaient dix-sept. Dix-sept domestiques au service d’une princesse et de ses quatre filles, originaires des Emirats arabes unis, arrivées en Belgique, il y a huit mois, apparemment pour y suivre des traitements médicaux. Deux de ces servantes se sont échappées, il y a quelques semaines, de l’Hôtel Conrad, l’établissement le plus luxueux de Bruxelles.
Elles ont dénoncé l’esclavage dont elles étaient, affirment-elles, les victimes : interdiction de quitter l’étage de l’hôtel loué par la famille, disponibilité obligatoire vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, et, ajoutent-elles, violences verbales et, occasionnellement, physiques.
Une jeune Marocaine a, le visage masqué, témoigné dans divers médias. Elle déclare que vingt personnes au total étaient sous les ordres de la princesse Raouada, membre de l’une des grandes familles princières des Emirats. Leur salaire oscillait entre 150 et 500 euros mensuels, à charge pour elles de se soigner et de s’habiller.
Les servantes étaient originaires du Maghreb, d’Irak, d’Egypte, d’Inde, des Philippines, du Soudan, etc. Regroupées en fonction de leur religion, les musulmanes d’un côté, les chrétiennes de l’autre, elles ne disposaient pas d’assez de lits et se relayaient pour dormir - trois ou quatre heures par nuit. Les passeports des jeunes femmes avaient été confisqués.
Messages menaçants
Les révélations de la Marocaine et d’une autre domestique que les gardes de la princesse tentaient, selon les dires de la domestique, de rapatrier de force, ont provoqué l’ouverture d’une enquête. La police a perquisitionné, mardi 1er juillet, le Conrad et emmené les jeunes servantes. Treize ont demandé à bénéficier de la protection des autorités belges. La loi permet de leur accorder des titres de séjour temporaire et un accueil dans un centre protégé. Si des preuves sont réunies, elles pourront bénéficier du statut de victimes d’une exploitation économique et être aidées dans leurs recherches d’un travail légal. Quatre domestiques n’ont pas voulu accepter l’offre des autorités. Elles ont regagné l’hôtel.
La princesse, qui ne jouit pas de l’immunité diplomatique, pourrait, en théorie, être poursuivie et se voir infliger une peine de deux à trois ans de prison. Les autorités belges ont informé officiellement l’ambassade des Emirats de l’ouverture d’une procédure. On ignore encore si Bruxelles prendra le risque d’un éventuel conflit diplomatique. D’autant que des informations publiées vendredi 4 juillet évoquaient la possibilité que l’ambassade elle-même exploite du personnel africain, asiatique et latino-américain.
La direction de l’Hôtel Conrad, qui affirme n’avoir rien su de ce qui se déroulait dans ses murs, n’est pas visée par l’enquête. Les deux témoins affirment que des membres du personnel, émus par leur sort, avaient proposé de les aider à fuir.
Source : Le Monde - Jean-Pierre Stroobants
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