France : des saisonniers marocains se révoltent

12 juillet 2010 - 17h46 - France - Ecrit par : Jalil Laaboudi

Cette fois-ci c’est en France dans les Bouches-du-Rhône d’où nous parviennent les cris de colère de 18 Marocains qui ont pu obtenir gain de cause.

Ils font partie des milliers d’ouvriers saisonniers qui viennent chaque année en France du Maghreb ou de l’Europe de l’Est pour participer aux récoltes de fruits de manière tout à fait légale à travers l’Office français de l’immigration et de l’intégration, pour subir une forme d’esclavage légalisé, souligne une militante syndicale française.

Réputée pour sa production de fruits, comme les pêches, cerises, nectarines, etc. une quarantaine d’ouvriers saisonniers se dirigent chaque année vers Entressen, où ils travaillent dans les récoltes de fruits du mois d’avril au mois d’août afin de subvenir aux besoins de leurs familles durant le reste de l’année.

C’est le jeudi 24 juin que ces dix-huit ouvriers marocains de l’exploitation décident de mettre fin à la tyrannie de leur patron. En cause, le retour de deux d’entre eux de chez le médecin. Dès qu’ils rentrent l’employeur commence à les insulter avant de passer aux gifles, étranglement, jets de vaisselle au visage, rien ne semblait pouvoir l’arrêter. N’en pouvant les ouvriers marocains décident de mettre un terme à cette situation. Ils font constater les blessures des ouvriers maltraités à l’hôpital, puis portent plainte auprès des services de police, avant de se diriger vers un syndicat.

Le jour même, les syndicalistes contactés accompagnés des ouvriers marocains se dirigent vers l’exploitation pour discuter avec l’exploitant. Ils y trouvent un comité d’accueil des plus chaleureux, composé d’un groupe d’hommes (des exploitants de la région), armés jusqu’aux dents de masses et de bâtons.

La rencontre se termine mal, quelques ouvriers et le représentant de la CGT sont blessés, la police tarde à venir et ce n’est qu’après cet évènement que leur histoire sera divulguée au grand public.

Toutes les raisons étaient bonnes pour punir son troupeau, c’est ainsi que l’exploitant appelait ses ouvriers. Durant des années, ils s’étaient habitués aux insultes et aux fréquentes punitions. Le patron français aimait s’entendre dire aux ouvriers : "Celui qui ne me préviendra pas la veille qu’il sera malade le lendemain sera puni, quinze jours dans sa chambre.", "Tu fumes une cigarette ? Tu as trop d’argent, dans ta chambre !", "Tu me regardes dans les yeux ? Dans ta chambre !". Et bien entendu, chaque jour de punition était déduit du salaire mensuel.

Alors que les ouvriers n’avaient que six mois pour gagner de quoi faire vivre leurs familles durant le reste de l’année, ils ont été obligés de se taire, pour ne pas subir les foudres de leur patron.

Sur les 300 heures de travail dans les champs, seules 110 à 130 étaient comptabilisées et payées, pas d’heures supplémentaires et de fréquentes menaces de non renouvellement de contrat. A savoir que la loi française donne le droit aux exploitants agricoles des Bouches-du-Rhône de recruter les employés par nom. Les salariés sont obligés de rentrer au Maroc avec leur contrat en poche, sinon ils ne pourront pas revenir l’année d’après.

Sous-payés, maltraités, disponibles car logés sur place, leurs titres de séjour ne sont valides que grâce à leurs contrats, ils se sont finalement révoltés après des années de mauvais traitements.

Pendant une dizaine de jours, les dix-huit ouvriers marocains ont été nourris et logés grâce à la solidarité régionale en attendant la confrontation avec leur patron à la direction du travail d’Aix-en-Provence le 5 juillet qui a reconnu les violations à la législation.

D’après les dernières nouvelles, les ouvriers marocains sont de retour à l’exploitation, ils ramassent des fruits dignement et leur patron n’arrête pas de leur dire "s’il-te-plaît", mais reste à savoir si leurs contrats seront renouvelés pour l’année prochaine.

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : France - Agriculture - Emploi - Esclavage moderne

Ces articles devraient vous intéresser :

Le roi Mohammed VI en France ?

L’invitation lancée par Emmanuel Macron à Mohammed VI pour le Salon International de l’Agriculture à Paris, du 22 février au 2 mars, ressemble à une tentative de déminer un terrain glissant. Si le roi du Maroc accepte, ce sera sa première visite...

Maroc : Trop de centres commerciaux ?

Au Maroc, la multiplication des malls soulève des inquiétudes. Les fermetures de plusieurs franchises enregistrées ces derniers temps amènent à s’interroger sur la viabilité de ce modèle commercial.

Tourisme : le Maroc affiche ses ambitions

Lentement mais sûrement, le Maroc fait un grand pas vers la concrétisation de son ambition d’accueillir 26 millions de visiteurs d’ici 2030, avec un objectif intermédiaire de 17,5 millions de touristes et la création de 200 000 emplois d’ici 2026.

Le Maroc contraint de réorienter sa production agricole

Face à la sécheresse et au stress hydrique d’une part, et à l’inflation d’autre part, le gouvernement marocain est contraint de revoir sa politique agricole et alimentaire pour garantir l’eau et le pain.

Intermarché bannit la fraise marocaine

Afin de valoriser des produits de saison et du terroir français, le groupement Les Mousquetaires, qui chapeaute les enseignes Intermarché et Netto, a pris une décision radicale : bannir les fraises et les cerises de ses étals durant les mois de...

Chute historique des exportations d’olives marocaines

Les exportations d’olive marocaine sont en net recul alors que les importations sont en hausse. Le déficit commercial s’est creusé.

Pastèque et sécheresse : le casse-tête marocain

Faut-il continuer à produire de la pastèque rouge qui nécessite une importante quantité d’eau et épuise les sols, alors que le Maroc connaît la pire sécheresse depuis quatre décennies ? La question divise les producteurs, exportateurs et...

Auto-entrepreneur au Maroc : voici le guide fiscal 2024 (pdf)

La Direction générale des impôts (DGI) vient de publier un guide sur le régime fiscal de l’autoentrepreneur. Un document qui reprécise les conditions d’obtention de ce statut ainsi que les avantages fiscaux y afférents.

Le Maroc limite la production de pastèque

Face à la pire sécheresse qu’il connaît depuis quatre décennies, le Maroc prend des mesures pour réglementer la production de pastèques qui nécessite une importante quantité d’eau.

Un agriculteur espagnol attaque la famille royale marocaine

Le Tribunal de l’Union européenne a entendu mardi les arguments de l’entreprise Eurosemillas, spécialisée dans la production de semences sélectionnées, qui demande l’annulation de la protection communautaire des obtentions végétales pour la variété...