La chanteuse marocaine Manal Benchlikha est critiquée pour ses propos envers ses collègues qu’elle accuse de l’imiter dans l’espoir d’obtenir le succès que rencontrent ses dernières œuvres musicales, publiées sur YouTube.
Ni Paillettes, ni habit d’apparat, chevelure en offrande aux vents, Saïda Fikri se présente à son public simplement comme à un membre de la famille. Elle a enfilé ses Jeans en vitesse tant elle a hâte de se confier à son public comme on se fie à un ami. Mais pour ceux et celles qui la découvrent pour la première fois, ils ont l’impression d’être en présence d’une des de ces troubadours qui n’avaient qu’une guitare en bandoulière pour les accompagner sur les sentiers-griots.
Saïda Fikri n’est pas le produit cocotte minute d’une star académie ni la conséquence concertée d’une campagne marketing. Elle est l’aboutissement d’un long processus de travail et d’échange entre une artiste et son cœur. Cas unique au Maroc, Saïda Fikri a dérogé à la règle non écrite, règle qui consiste à faire chanter aux femmes des paroles écrites et composées par des hommes. Elle est donc la seule artisane de ses œuvres, ce qu’on appelle dans le métier une auteure, compositeure, interprète.
Cette liberté en fait une frondeuse qui aborde les thèmes même les plus tabous de la société marocaine, sans complaisance. Elle est authentique, contemporaine avec une grande sensibilité aux drames familiaux, à l’exil ainsi qu’à tous les autres maux de notre époque : Intolérance, racisme, guerre, misère et aspiration profonde pour la paix. C’est une artiste engagée.
Depuis 1992, Saïda Fikri s’est révélée à nous au fur des années en laissant ses mélodies nous charmer un par un comme ce fut le cas tout dernièrement au populaire marché Jean-Talon :
Deux marocains se sont croisés devant l’affiche annonçant le premier spectacle de Saïda Fikri à Montréal. Un des deux avoue volontiers ne pas reconnaître cette femme sur l’affiche. Le deuxième, choqué et vexé lui jette au visage ’’comment peux-tu ne pas connaître la colombe de la chanson marocaine ? Comment peux-tu ignorer des chansons telles que ’’Salouni al adab’’, ’’Mésiria’’ et ’’Liam’’.. ?’’ Il s’est mis aussitôt à fredonner joyeusement cette dernière entre les effluves des olives et les odeurs piquantes des merguez. Soudain l’autre reconnaît l’air de la chanson et le refrain lui revient. Sentiment connu, comme lorsqu’on rentre chez-soi.
Déjà avec la chanson-titre de son premier album ’’Nadmana’’ paru en 1994, l’artiste donnait voix à toutes ces femmes sans voix. Nadmana (Celle qui regrette) est un hommage à toutes ces femmes injustement oubliées, abandonnées et humiliées.
Cette liberté de style et d’expression, Saïda Fikri la revendique dans chacune de ses chansons. Miséria en est le parfait exemple. Une voix, une guitare et des mots qui tracent sans détour le portrait universel d’une société ou règne encore injustices, inégalités et le patriarcal abus de pouvoir.
Depuis qu’elle s’est expatriée aux États Unis en 1998, Saïda Fikri a goûté à l’exil avec tout ce que cela veut dire. Expérience qui a enrichi son répertoire et l’a amenée à chanter en plusieurs langues. Elle n’en fait pas sa marque de commerce, puisque la langue de son peuple demeure le terreau de son inspiration.
Son répertoire a évolué au grès de ses explorations musicales et c’est ainsi que ses chansons sont devenues un métissage d’emprunts intercontinentaux. Si on décèle les différentes couleurs de la diversité harmonique au Maroc : Gnawi, Amazigh, Jebli, Haouzi... on y retrouve aussi le désire d’intégrer les sons et les rythmes des différents courants qui ont marqué l’évolution de la musique du monde : Bleus, Reggae, Raï, Oriental (cherki), Pop, Folk, Hip hop...
La voix est belle, fluide, une note plutôt aigue comme éternelle juvénile et le timbre hindi qui évoque la superbe voix de Asha Parekh ou de Sharmila tagor. Une voix qui porte le texte et incarne l’émotion, passant de la mélancolie à l’espoir en l’espace du temps que sa guitare accorde au rythme et à l’humeur.
Une colombe marocaine est de passage à Montréal pour la première fois, accompagnée de cinq musiciens new yorkais. Comme de milliers de marocains Saïda est partie ailleurs pour accomplir sa destinée et comme dirait notre ami Abdellatif Bouhid ’’Saïda… pour que l’espoir obtienne une autre chance’’.
Mohamed Lotfi et Majid Blal
Saida Fikri à Montréal
Samedi 26 avril 2008 à 21h00
Au Kola Note - 5240 avenue du Parc (coin Fairmount)
Infos : 514-274-9339
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