Rivalités et jalousies maghrébines...

16 décembre 2002 - 13h45 - France - Ecrit par :

Jacques Chirac est venu en coup de vent au Maroc début décembre en visite privée. Le roi Mohammed VI avait invité le président français au repas traditionnel qui marque la rupture du jeûne du ramadan. La presse française n’a guère commenté l’événement, sinon pour rappeler que des inondations catastrophiques avaient frappé le Maroc. Les journaux algériens, en revanche, ont eu une lecture politique de l’escapade. "Quotidien indépendant" francophone, El Watan a même choisi de l’annoncer à la "une", sous le titre : "Chirac opte pour Mohammed VI".

Qu’est ce qui motive ce jugement catégorique appuyé par plus d’une demi-page de commentaires ? La brève déclaration d’un porte-parole du ministère marocain des affaires étrangères qui, rendant compte de l’entretien entre les deux chefs d’Etat, a dit que, outre les "questions internationales d’intérêt commun", ils avaient évoqué "les moyens d’approfondir les relations bilatérales dans le cadre d’un partenariat stratégique d’exception au service des sociétés et des économies des deux pays amis".

Ce qui pouvait passer pour de la langue de bois ou du jargon diplomatique a éveillé la suspicion du quotidien algérien, qui relève qu’un mois auparavant la ministre française de la défense, en "visite de courtoisie" au Maroc, avait déjà évoqué la "coopération privilégiée" entre les deux pays sur le plan militaire.

El Watan est persuadé qu’Alger, à qui Paris ne propose qu’une relation "exemplaire", est moins bien traitée que son voisin. Entre Paris et Rabat, "ce sera nettement différent", et ce déséquilibre contredit la "politique du juste milieu" suivie par la France au Maghreb. "Chaque fois qu’une haute personnalité française entreprend un voyage dans la région, on prend toujours soin, pour ménager les susceptibilités, de prévoir des escales dans chaque capitale. Ce rituel s’est encore vérifié à l’occasion de la visite, en décembre de l’année dernière, de Jacques Chirac. C’était l’Algérie - les intempéries de Bab-el-Oued - qui avait principalement inspiré le déplacement du président français. Mais, pour ne pas incommoder Rabat et Tunis, le président français s’était fait un devoir de faire escale dans ces deux capitales."

"PARTENARIAT D’EXCEPTION"

Derrière un "amour équitablement partagé", El Watan décèle un "désamour franco-algérien". "Comment expliquer, écrit-il, que les relations entre la France et l’Algérie, qui réunissent toutes les conditions objectives pour être hissées à un niveau privilégié (...), ne parviennent pas à franchir ce pas qualitatif ?"

Le "pragmatisme économique" plaide en faveur de liens "privilégiés". Les échanges bilatéraux ont atteint "un niveau record" en 2001 et la France est le "premier fournisseur de l’Algérie, avec plus de 24 % de part de marché". Au Maghreb, "l’Algérie est redevenue le premier marché pour les entreprises françaises". Elle est aussi le "deuxième partenaire de la France hors OCDE, derrière la Pologne et devant la Chine", rappelle le journal, qui ajoute : "La santé financière de l’Algérie, suite au renchérissement du prix du pétrole (...) confère à l’Algérie un atout précieux pour négocier sa place sur l’échiquier régional."

Le "contentieux historique" entre les deux pays ne renseigne pas vraiment sur leurs "relations en demi-teinte". "Le système politique choisi par l’Algérie au lendemain de l’indépendance, l’instabilité politique qui a caractérisé le pays au cours de ces dernières années, les choix économiques nouveaux de l’Algérie basés sur la diversification de ses partenaires" sont des explications guère plus convaincantes, note le journal.

A défaut de trancher, El Watan s’en remet à la visite officielle qu’effectuera en mars 2003 en Algérie le président français pour aller de l’avant. Ce sera la première visite d’Etat depuis l’indépendance de l’ancienne colonie. Mais, conclut le quotidien, "la flamme déclarée par Chirac au roi Mohammed VI en scellant "un partenariat stratégique d’exception" risque, de manière générale, de porter ombrage à (...) une coopération que Paris a toujours voulue, du moins officiellement, à équidistance entre les trois pays du Maghreb".

Jean-Pierre Tuquoi pour Le Monde

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : France - Mohammed VI - Diplomatie - Jacques Chirac

Ces articles devraient vous intéresser :

Aide au logement : gros succès auprès des MRE

Des Marocains résidant à l’étranger (MRE) figurent parmi les 8 500 bénéficiaires du nouveau programme d’aide au logement lancé par le roi Mohammed VI en octobre dernier.

Visite de Macron au Maroc : Rabat contredit Paris

La visite du président français Emmanuel Macron au Maroc, évoquée par la cheffe de la diplomatie française, Catherine Colonna, dans une interview, « n’est pas à l’ordre du jour et n’est pas programmée », a affirmé une source gouvernementale marocaine à...

Cyril Hanouna encense le roi Mohammed VI

L’animateur français d’origine tunisienne Cyril Hanouna a encensé le roi Mohammed VI dont il a salué les efforts consentis suite au puissant et dévastateur séisme qui a secoué le Maroc.

Tollé après la caricature du roi Mohammed VI par Charlie Hebdo

Le Conseil National de la Presse (CNP) a fermement condamné ce qu’il qualifie d’«  acte criminel odieux » du journal français Charlie Hebdo, l’accusant de s’attaquer directement au Roi Mohammed VI.

Lalla Latifa : le palais royal réagit à l’utilisation de fausses photos

Le ministère de la Maison royale, du Protocole et de la Chancellerie met en garde contre l’utilisation de fausses photos de la princesse Lalla Latifa, veuve de feu Hassan II et mère du roi Mohammed VI décédée samedi à l’âge de 78 ans.

Séisme au Maroc : le roi Mohammed VI fait don d’un milliard de dirhams

Un don d’un milliard de dirhams au Fonds spécial destiné à gérer les effets du séisme survenu au Maroc il y a une semaine a été fait par le roi Mohammed VI.

Le Maroc lance un ambitieux programme de reconstruction

Suite au dévastateur séisme qui a secoué six provinces du sud du Maroc, il y a deux semaine, faisant près de 3 000 morts et plus de 5 500 blessés, le Cabinet Royal a annoncé, mercredi, un budget provisoire de 120 milliards de dirhams (environ 11...

Pour le roi Mohammed VI, la clé du développement en Afrique passe par la mer

Le roi Mohammed VI a annoncé lundi, dans son discours de la Marche verte, son intention de « construire une flotte marchande nationale forte et compétitive », afin d’améliorer le commerce sur la côte atlantique.

Sahara : voici la lettre envoyée par Emmanuel Macron au roi du Maroc

Dans une lettre envoyée au roi Mohammed VI et divulguée le mardi 30 juillet 2024, le président français Emmanuel Macron a reconnu la marocanité du Sahara.

Annulation de l’Aïd al-Adha : les Marocains ravis

Dans un message mercredi, le roi Mohammed VI a invité les Marocains à ne pas célébrer l’Aïd al-Adha cette année, en raison des effets de la sécheresse sur le cheptel national. Un appel royal largement salué sur les réseaux sociaux.