Retraite fiscale, le Maroc durcit le ton

9 juin 2007 - 00h00 - France - Ecrit par : L.A

La ruée actuelle des étrangers à Marrakech s’explique aussi par l’espoir caché qu’ont certains de changer de résidence fiscale et donc d’échapper à l’imposition de leur revenu dans leur pays. Ces touristes d’un genre « nouveau » ont souvent une interprétation erronée de la résidence fiscale, critère fondamental d’appréhension de l’impôt. Le plus grave est que certains « consultants » au Maroc leur font croire que le Royaume est un paradis fiscal et qu’en y achetant un appartement ou un ryad, ils se mettraient à l’abri du Fisc dans leur pays.

Les équipes de la direction générale des Impôts à Bercy surveillent particulièrement cette « émigration » vers Marrakech, notamment. Rien à voir avec l’exil des contribuables imposables sur la grande fortune.

Cette problématique de résidence fiscale sera l’un des points débattus au séminaire sur les conventions fiscales organisé ce mercredi 6 juin à Casablanca par la branche marocaine de l’Association fiscale internationale (IFA). Au sens de la législation marocaine, plusieurs conditions doivent être remplies pour une résidence fiscale : avoir son foyer d’habitation permanent au Maroc ainsi que le centre d’intérêts économiques et justifier la présence de manière continue ou discontinue de 183 jours dans l’année dans le Royaume.

Les traités fiscaux entre Etats – le Maroc en a conclu 59 à ce jour dont 35 sont en vigueur – accompagnent le mouvement de globalisation et l’internationalisation des entreprises. Quelques groupes marocains se déploient aujourd’hui à l’international, en Afrique et depuis peu en Europe, notamment les banques.

Les conventions fiscales constituent surtout un instrument de sécurisation de l’investissement. Elles ont pour objectif de prévenir la double imposition et de lutter contre l’évasion fiscale. Elles font partie des garanties que demandent les investisseurs dans la phase de prospection.

Mais, en pratique, se posent fréquemment des problèmes d’interprétation. Le plus courant concerne la qualification des établissements stables, « un casse-tête chinois », confirme Abdelwaret Kabbaj, expert-comptable et président de la section marocaine de l’IFA. Cette question est d’autant plus complexe que la loi fiscale marocaine ne donne pas de définition d’un établissement stable. Dans la doctrine, cette notion renvoie à « une installation fixe d’affaires par le biais de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité ». Trois caractéristiques de cette définition : une installation d’affaires, la fixité et l’exercice partiel ou total de l’activité.

Mais ce schéma ne ressort pas toujours des structures via lesquelles se déploient les grands groupes mondiaux au Maroc. Certains peuvent choisir par exemple le bureau de représentation. Quid de son statut fiscal, sachant qu’il ne dégage pas de chiffre d’affaires ? Peut-il être assimilé à un établissement stable, c’est-à-dire soumis au droit fiscal commun ? C’est l’un des sujets de controverse entre le Fisc et les experts qui conseillent les entreprises. Pour l’administration des Impôts, à partir du moment où un bureau de représentation fait de la prospection ou qu’il signe des contrats d’affaires, il est requalifié automatiquement en établissement stable.

Deuxième point sensible dans l’application des conventions : la retenue à la source sur les prestations de services réalisées par une entité (physique ou personne morale) non résidente à une entreprise ou un contribuable résidant au Maroc. La pomme de discorde est l’assimilation de toute prestation de services à une redevance et donc soumise à une retenue de 10% à la source. Les entreprises françaises et espagnoles sont les plus exposées à ce « bug ». C’est une requête quasi récurrente dans les Chambres de commerce et à laquelle le Fisc répond par la politique du traitement au cas par cas.

Globalisation oblige, chaque Etat cherche à se prémunir contre la tentation du « shopping » fiscal des multinationales via les prix des prestations intragroupe. Comme ses homologues européens, le Fisc marocain place sous surveillance les prix de transfert, qui peuvent être utilisés comme levier de transfert camouflé de dividendes vers la terre la plus « clémente ». Ce sera aussi le prochain thème du séminaire de l’IFA Maroc. Ça tombe bien, car cette association regroupe aussi des fonctionnaires des Impôts en plus des praticiens de la fiscalité.

Qu’est-ce que l’IFA ?

L’Association fiscale internationale (IFA) est une organisation non gouvernementale et non sectorielle en matière de fiscalité. Créée en 1938, elle compte 51 branches à travers le monde. Elle est composée de 11.000 membres de tous horizons (experts-comptables, fonctionnaires d’Etat, etc.) L’IFA joue un rôle dans l’étude et la promotion du droit fiscal international ainsi que des aspects économiques et financiers de la fiscalité.

Au Maroc, cette association détient une branche. Celle-ci a été constituée en juin 2006 ; elle n’a pas de but lucratif. En plus des caractéristiques générales qui lient les deux entités, son objet intègre les spécificités attachées à l’Etat comme la réalisation de manifestations ayant pour objet : la comparaison du droit fiscal et ses rapports avec l’économie et les finances publiques (au niveau national et international). L’IFA Maroc compte 224 membres dont 160 ont renouvelé leur adhésion.

L’Economiste - My Ahmed Belrhiti

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Sujets associés : France - Marrakech - Politique économique - Impôts - Evasion fiscale

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