Rencontre avec des familles maliennes d’origine marocaine

2 juillet 2004 - 19h33 - Maroc - Ecrit par :

Les cinq cents habitants du village de Boujebaha, dans les environs de Tombouctou, sont d’origine marocaine. Il y a déjà trois siècles qu’ils s’y sont installés. Ils conservent de nombreux documents et lettres historiques.

Distances

La famille Ben Bara en est l’illustre exemple.
Leur grand-père, Sidi Ali, est né et a habité Tindouf, du temps où cette ville faisait partie du Royaume du Maroc, mais actuellement située de l’autre côté de la frontière algéro-marocaine. Commerçant influent, il avait une grande notoriété. Il entretenait des correspondances régulières avec le Sultan du Maroc. En 1910, il a immigré à Tombouctou pour des raisons professionnelles sans pour autant couper les ponts avec Tindouf, puisqu’il avait toujours son commerce là-bas. Il vivait au nord du Mali, jadis Soudan français, en tant que Marocain et était fier de ses origines.
« La décision du gouvernement français d’incorporer la ville de Tindouf à l’Algérie au début des années cinquante a beaucoup affligé mon grand-père. Il a cessé de se rendre à sa ville natale et il a abandonné tous ses biens », regrette le petit-fils Abderazak Ben Bara, commerçant de son état, âgé de 42 ans et résidant à Tombouctou.
À l’ouverture de l’ambassade marocaine au Mali, en 1960, la famille Ben Bara a été reconnue en tant que marocaine. Le petit-fils garde jalousement le document portant le sceau royal délivré par l’ambassadeur et prouvant ses origines.

Primes

Après l’indépendance de l’Algérie, en 1962, les autorités algériennes ont récompensé des habitants du nord du Mali pour avoir aidé ou accueilli l’Armée de libération algérienne. Ils ont offert des primes aux habitants de Tindouf pour les rallier à leur côté. Ils ont même donné à quelques familles le titre des Moujahidines. Sidi Ali Ben Bara a refusé de revenir à Tindouf, malgré les appels répétitifs du gouvernement algérien. Ce titre lui aurait valu un salaire mensuel et un logement de fonction, mais il a renoncé à tout plutôt que de servir les desseins des ennemis de sa patrie.

Protection

À 220 km au nord de Tombouctou, en plein milieu du désert, se trouve un village nommé Boujebaha. Les cinq cents habitants qui y vivent sont d’origine marocaine. Il y a déjà trois siècles qu’ils s’y sont installés. Jusqu’au début du vingtième siècle, ils ont vécu sous la protection du Sultan du Maroc et ont été exonérés d’impôt. Ils ont toujours entretenu des relations très étroites avec leurs ancêtres marocains et conservent de nombreux documents et lettres historiques. Ces nomades vivent dans le dénuement le plus total. Leurs habitations sont construites en terre et leur village ne dispose d’aucune infrastructure. Ni école, ni hôpital, ni souk.

Passion

La ville qui porte au plus profond de son âme la passion du Maroc, c’est Tombouctou. « Exquise, pure, délicieuse, illustre cité bénie... », comme l’a décrite le chroniqueur Abderrahman Saâdi, auteur du Tarikh es-Soudan. La cité mystérieuse continue à manifester une grande affection pour le Maroc. La mosquée de Sakoré abritait une medersa au rayonnement international où des étudiants de tout le monde musulman venaient compléter leurs connaissances. Des jurisconsultes marocains de Fès faisaient le voyage de Tombouctou pour renouveler leur savoir.
La perle du désert a gardé les traces de la civilisation marocaine. Des familles d’origine marocaine y vivent encore. « On les appelle les familles chérifiennes parce qu’elles ont une descendance royale. Leurs femmes ont conservé l’élégance et le savoir-faire des femmes marocaines. Les habitants de Tombouctou ont une grande affection pour leurs grands-pères. Le report de la visite royale les a beaucoup infligés. Car, ils avaient confectionné des pagnes, des banderoles, des tee-shirts à l’effigie de SM et des drapeaux du Maroc », déclare Diop Aïssa Maïga.
Lors de la Coupe d’Afrique des Nations de football (CAN) qui s’est déroulée au Mali en 2002, les fenêtres et les toits des maisons à Tombouctou étaient ornés du drapeau marocain. Ces manifestations de joie et de soutien au Maroc n’auraient pas pu se faire, il y a une vingtaine d’années sous le règne du dictateur Moussa Traoré, mais aujourd’hui avec le vent de démocratie qui souffle sur le Mali, les cœurs s’ouvrent et les langues se délient.

Synthèse de bladi.net - Maroc Hebdo

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Mali - Immigration

Ces articles devraient vous intéresser :

L’Europe délivre un nombre record de permis de travail aux Marocains

Eurostat, institution relevant de la Commission européenne chargée de produire et diffuser des statistiques communautaires, a dévoilé le nombre de Marocains ayant obtenu les permis de travail temporaire en 2023.

Ouverture exceptionnelle de la frontière entre le Maroc et l’Algérie

La frontière entre l’Algérie et le Maroc a été exceptionnellement ouverte cette semaine pour permettre de rapatrier le corps d’un jeune migrant marocain de 28 ans, décédé par noyade en Algérie.

Un réseau familial marocain démantelé dans le Lot-et-Garonne

Les gendarmes de la Brigade de recherches de Bouliac ont démantelé un réseau d’exploitation d’ouvriers agricoles. Six personnes ont été mises en examen jeudi 12 décembre, dont un couple de Marocains placé en détention provisoire.

Expulsions de France : autrefois protégés, ils sont désormais visés

Depuis la promulgation de la nouvelle loi « asile et immigration » en France, les expulsions sous OQTF visent désormais plusieurs catégories d’étrangers autrefois protégées par la loi.

Des Marocains réduits à l’esclavage dans le Lot-et-Garonne

Vingt travailleurs marocains ont été exploités dans des conditions indignes par une agricultrice du Lot-et-Garonne. Attirés par la promesse d’un contrat de travail et d’une vie meilleure, ils ont déboursé 10 000 euros chacun pour rejoindre la France.

Les Marocains parmi les plus expulsés d’Europe

Quelque 431 000 migrants, dont 31 000 Marocains, ont été expulsés du territoire de l’Union européenne (UE) en 2022, selon un récent rapport d’Eurostat intitulé « Migration et asile en Europe 2023 ».