Durant ces quelques années, la condition de la femme marocaine a connu une évolution rapide et profonde tant sur les plans économique que social. Par son dynamisme, la femme a prouvé sa pleine capacité à jouer, aux côtés de l’homme, un rôle déterminant dans la construction d’un avenir prometteur pour ce pays.
Malheureusement, les femmes demeurent confrontées à des problèmes majeurs inhérents à leur statut juridique au sein de la famille. La question du statut personnel reste la principale revendication des marocaines.
La polygamie est conçue telle une blessure pour nous mais tel un droit pour l’homme marocain. Seulement, à ceux qui nous reprocheraient notre côté sentimental et notre éternelle jalousie féminine, nous répondrons que ce droit entraîne des injustices si profondes, si bouleversantes pour la famille et pour notre dignité, qu’il serait peut-être temps de le revoir.
Aicha a consacré toute sa vie à son foyer et à son époux. Après 27 ans de mariage, Monsieur a décidé de se remarier avec une jeune femme de vingt trois ans et contraint sa première femme à approuver son remariage sous peine de… « Par crainte d’être mise à la porte, j’ai accepté de vivre sous le même toit que ma rivale et de supporter toutes ces insultes et ces moqueries, à l’égard de mon âge et de ma culture assez limitée. Mon mari croit tous ses mensonges et n’accorde aucun crédit à mes paroles. Il la préfère et privilégie le bien de ses enfants en n’offrant que le minimum pour les miens. Non seulement, je dois aujourd’hui régler les chamailleries des enfants mais je dois aussi supporter toutes les violences de mon mari et de sa deuxième épouse. Je suis tellement malheureuse de me voir aujourd’hui reléguée au statut de bonne dans une maison où j’ai été la seule maîtresse des lieux. J’aurai bien aimé que mes parents m’aient offert la possibilité de suivre des études pour subvenir aujourd’hui aux besoins de mes enfants, aux miens, et partir loin de toutes ces injustices quotidiennes… »
Un témoignage pareil vous attriste mais vous donne à réfléchir. Ce que Aicha vit actuellement, peut être votre quotidien ou le mien car instruites ou non, nous sommes toutes soumises à ce statut. Soit nous approuvons mais nous sommes meurtries dans notre féminité soit nous refusons et nous divorçons. Mais dans les deux cas, ne sommes-nous pas lésées ?
Je vous propose d’étudier ensemble ce qu’est la polygamie pour savoir si ces ignominies commises à notre encontre sont le fait de l’Islam ou d’une interprétation que l’homme a bien voulu s’accréditer à notre détriment ?
Qu’est-ce que la polygamie ?
La polygamie est une règle, instaurée bien avant l’apparition de le l’Islam, qui autorisait de multiples unions. A cet égard, nous pouvons rappeler que le roi Salomon avait plusieurs princesses pour femmes. Le harem de David, son père, était aussi célèbre. Bien avant, Abraham et Moïse étaient tous deux polygames.
L’Islam, à son tour, n’a fait que réglementer un ordre déjà existant. Dans un contexte où l’homme pouvait se marier autant qu’il le désirait, l’Islam a restreint cette pratique à quatre épouses, ce qui était déjà une révolution contre les mœurs. Mais en plus de ces restrictions, La chariaâ musulmane a soumis la polygamie à des conditions draconiennes.
Conditions pour être polygame
Oui, Monsieur, il existe des conditions. Ne croyez pas qu’il suffit de faire tourner la marmite pour penser entretenir plusieurs foyers ou encore rassembler toute la famille dans une seule pièce pour répondre aux caprices de votre fief !
Etre polygame signifie être équitable et juste. Le Coran est tout à fait explicite à ce propos : « épousez deux, trois ou quatre femmes parmi celles qui vous sont agréables. Cependant, si vous craignez de ne pas être équitable, n’épousez qu’une seule… »
Et oui, nous retrouvons le mot « équité » dans le verset coranique. Un mot qui semble échapper à tous les prêcheurs de la Foi et à tous les misogynes empressés d’assoire leur virilité machiste.
Ce mot, chers messieurs, n’est pas incongru mais comporte la solution à des milliers de maux dont souffrent les femmes, mères de votre progéniture.
Par équité, l’Islam, qu’il vous plait de scander à torts et à travers pour arrêter nos revendications, veut dire que vous devez consacrer les mêmes droits à chacune de vos épouses, que vous devez accorder à chacune le temps qui lui revient et l’attention qu’elle requiert, que vous devez offrir les mêmes avantages financiers pour vos femmes et vous ne devez en violenter aucune !
De telles prescriptions, accordons-nous, sont impossibles à observer par un seul homme. L’iniquité fait partie de la nature humaine. C’est là où le verset 129 de la même sourate vient confirmer cet état de choses et vous rappelle votre incapacité à être juste : « jamais vous ne pourrez être équitables à l’égard de vos épouses même si vous vous forcez à l’être. Ne vous penchez pas sur l’une au point de laisser l’autre en suspens… »
Nous venons à en déduire que si l’Islam a autorisé la polygamie, c’est uniquement dans le cadre d’une exception. Soit votre première femme est atteinte d’une maladie incurable et qu’au lieu de la divorcer, vous pouvez vous marier avec une deuxième tout en restant juste, soit parce-que votre première épouse ne peut avoir d’enfants ou si réellement, à cause de pulsions propres, vous préférez ne pas succomber au péché de la fornication… Mais la norme reste la monogamie.
Ce que vous, les femmes, deviez savoir face aux maris polygames ou désirant l’être
Votre futur mari ne peut vous forcer à devenir sa seconde épouse. Il doit vous informer de son statut préalable d’homme marié et à vous, de faire votre choix.
Si vous êtes déjà mariée, votre époux ne peut vous joindre une autre épouse. S’il ne vous informe pas, vous pouvez saisir immédiatement le juge qui prononcera la dissolution de votre mariage.
Vous pouvez aussi, faire privilégier sur votre contrat de mariage, un droit d’option qui vous permet de vous séparer de votre mari au moment où ce dernier décide de contracter un nouveau mariage.
Votre époux ne peut vous obliger à vivre sous le même toit que sa seconde épouse. Dans tous les cas, vous pouvez traduire votre mari en justice et si une quelconque injustice est à craindre entre vous et ses autres femmes, le juge refusera l’autorisation de la polygamie (arrangez-vous dans ce cas, de trouver un juge scrupuleux d’appliquer les textes tels qu’ils sont édictés !)
Finalement, la polygamie est aujourd’hui une pratique bien désuète au regard de notre siècle, avec toutes les contraintes économiques et sociales qu’elle entraîne. Néanmoins, certaines personnes persistent à ne pas tenir compte de ces paramètres, ce qui est bien regrettable.
Certains pays l’ont interdite mais comme une laïcité totale dans notre pays est impossible puisqu’il est obligatoire de se conformer aux principes du Coran et de la Sunna dans notre vie privée et publique, nous rappelons, aux esprits rétrogrades et fermés à l’idée de reconnaître à la femme un quelconque statut d’individu entier, que la chariâa a toujours eu un impact positif concernant les droits de cette dernière. Ne lui a-t-elle pas reconnu le droit à l’éducation, le droit à la propriété, à l’estime et à la dignité ?
Linda Rfaly pour menara Femmes