Dans le secteur du sport en plein essor au Maroc, l’informel gagne du terrain. Les professionnels, mécontents, tirent la sonnette d’alarme.
Le geste est très tentant, mais les conséquences, on ne le dira jamais assez, sont très graves. Qui de nous n’a pas, au moins une fois dans sa vie, acheté ou utilisé un CD, VCD ou DVD piratés ? Bien évidemment, ce ne sont pas les vendeurs de ces produits, qui voient leurs recettes se gonfler jour après jour, qui diront le contraire.
Surtout après la disparition des bouquets satellitaires spécialisés en cinéma (TPS et Multivisions) de notre espace audiovisuel.
En effet, coincés, les férus du septième art se sont rabattus sur les films piratés pour assouvir leur curiosité cinématographique et les mélomanes sur les CD, également piratés illégalement, pour écouter leurs chanteurs préférés. Seulement, et comme dit l’adage : "le bonheur des uns fait le malheur des autres".
Que de salles de cinémas sont tombées comme des feuilles mortes à cause de la concurrence déloyale et acharnée du piratage. Les chiffres sont plus qu’éloquents, voire stupéfiants. Le Maroc compte actuellement seulement moins de 70 salles au lieu de 550 dans les années soixante-dix.
Certaines grandes villes, notamment Agadir ou Fès, ne disposent même plus d’une salle digne de ce nom. Que de producteurs de phonogrammes ont également mis la clef sous le paillasson. « Un Tsunami qui ravage tout sur son passage », souligne un producteur en faisant allusion au phénomène du piratage. En effet, seulement une douzaine de producteurs résistent encore à ce fléau, contre quelque 400 sociétés de production qui exerçaient au cours des années 90. Heureusement, la lutte existe et les prises impressionnantes.
Outre les actions qui ont été menées conjointement par le Centre cinématographique marocain (CCM) et le Bureau marocain des droits d’auteurs (BMDA) et qui ont enregistré des prises pharamineuses, l’Association professionnelle des producteurs et éditeurs de phonogrammes (APPEP) a mené ses propres opérations dans une vingtaine de villes à travers le Royaume. 2,1 millions de CD piratés ont été saisis en 2006.
Et cela uniquement pendant la période qui s’étale de la mi-juillet à fin septembre. « Une montée fulgurante par rapport à 2005 qui a enregistré la saisie de quelque 850.000 CD en trois mois », souligne Khalid Nokry, président de l’Appep.
Rabat détient le recors des saisies effectuées par l’Appep avec plus de 500.000 CD. Suivie de Casablanca dont le nombre de CD saisis dépasse 200.000 pièces.
Plusieurs quartiers sont concernés, mais le plus célèbre par le nombre des producteurs est le quartier Sidi Othmane, dans lequel les saisies se sont élevées à 173.000 unités. Berrechid, représente la ville montante dans ce business (80.000 CD en sept opérations en 2006). Selon Nokry, traqués par les autorités, les pirates ont immigré vers cette ville voisine.
Les saisies ont été accompagnées de plusieurs actions en justice. 114 pirates ont comparu devant le procureur dont 27 inculpés.
Les sentences sont variées : entre un an et trois mois d’emprisonnement ferme pour les producteurs, les revendeurs, eux, écopent d’amendes ou de prison avec sursis. « Ce sont les gros bonnets qui inondent le marché par les produits piratés et qui gagnent des fortunes qui nous intéressent parce qu’ils portent un sérieux coup au secteur. Les petits revendeurs ne sont pas aussi dangereux que ça », avait toujours affirmé l’Appep.
Des effets positifs ? Oui, mais pas pour longtemps, répond Nokry. La lutte reste toujours sous forme de campagnes limitées dans le temps. « Les effets sont ressentis au moment de la campagne, les ventes augmentant de 10 à 15 %. Après, les pirates reviennent à la charge et les ventes baissent ».
Face à cette situation, les professionnels comptent sur la future commission interministérielle de lutte contre le piratage et la contrefaçon, qui sera opérationnelle dans les jours qui viennent, pour mener la vie dure aux criminels. Mais, consciente du côté social du phénomène, l’Appep a également proposé de recycler les revendeurs dans le formel. « Si les autorités locales leur trouvent des kiosques, nous pouvons les aider à se procurer de la marchandise originale », souligne le président.
Piratage... intégrisme et pornographie
Selon Khalid Nokry, président de l’Appep, l’association a toujours été convaincue que les pirates font partie de réseaux criminels organisés.
Pour preuves, Nokry cite, entre autres, les saisies de Settat, Benni Mellal, Oujda, Bouznika ou Sbata à Casablanca.
En plus des CD et DVD piratés, la police a aussi saisi des motos volés, de grosses quantités de haschich destiné à la vente, de grosses sommes d’argent liquide comme c’était le cas à Sbata (210.000 DH), des CD de propagande pour des groupuscules islamistes à Oujda, de l’argent falsifié à Settat ou encore des films pornographiques réalisés par les pirates, à Benni Mellal.
Heureusement que dans ce dernier cas, l’enquête de la police a révélé que les images pornographiques n’étaient en réalité que des montages utilisant des visages de filles marocaines et des corps d’actrices étrangères.
Le Matin - Mohamed Akisra
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