L’association Matkich Waldi (Touche pas à mon enfant) demande à la justice de condamner à des « peines maximales » un ancien ambassadeur marocain, poursuivi pour prostitution de mineures.
De petites mains toutes rouges et abîmées à force de travailler de longues heures, le crâne rasé, des fillettes mal nourries et mal logées, battues, ligotées et même brûlées sont autant de traces de violences exercées sur les enfants domestiques au Maroc, et dénoncées à IPS par Habiba Hamrouch, une ancienne domestique.
"J’en ai vu de toutes les couleurs depuis que j’étais placée en 1990 dans une famille comme bonne (domestique)", se rappelle Habiba. "C’est un très mauvais souvenir et j’ai détesté mon père pour ce qu’il a fait de moi, une pauvre petite bonne qui n’a droit à rien ; j’avais juste huit ans quand j’ai commencé à travailler".
Selon Habiba, le sort de ses deux soeurs n’était pas meilleur car elles étaient également placées comme domestiques. "Ma mère, une femme soumise (à son mari), ne pouvait rien faire, sauf pleurer en silence car on était vraiment dans le besoin...", ajoute-t-elle, aujourd’hui âgée de 22 ans et mariée.
Pour des groupes de la société civile, ceci est un drame humanitaire à une époque ou on parle beaucoup des droits de l’enfant et de la lutte contre la maltraitance des mineurs.
"C’est scandaleux de voir de petites filles en âge de scolarisation placées comme domestiques ; leur place est sur les bancs de l’école avec un livre entre les mains et pas une serpillière ou un balai beaucoup plus grand que leur taille", déclare Fouzia Tawil, une activiste de l’Association de défense des droits de la femme et de l’enfant, basée à Casablanca, la capitale économique marocaine. "Des petites filles malades et chétives sont toutes à la merci de leurs bourreaux, entre la vaisselle, le ménage et la garde d’enfants ; leur enfance est volée", dit-elle, indignée, à IPS.
La contre-partie du soi-disant travail de ces fillettes, est une misère payée à leurs parents. "Je n’ai jamais vu le petit rond tout le temps que j’ai travaillé jusqu’à l’âge de 17 ans", affirme Habiba qui a quitté ses employeurs pour se marier et vivre enfin une vie comme elle en rêvait.
Aujourd’hui, Habiba a deux enfants, une fille de dix ans qui va à l’école et un garçonnet de deux ans. "Ma petite Sanaa est ma revanche, je ferai tout pour qu’elle fasse des études ; moi-même, je suis des cours d’alphabétisation pour pouvoir assurer un suivi à mes enfants", confie Habiba à IPS, heureuse des résultats scolaires de sa fille qui passe en classe supérieure avec une bonne moyenne.
Elles étaient 22.000 fillettes âgées de moins de 18 ans, qui travaillaient comme domestiques dans les grandes villes marocaines comme Casablanca et Rabat, la capitale, au début des années 2000. Environ 59 pour cent d’entre elles avaient moins de 15 ans, toutes issues des milieux pauvres et analphabètes, selon un sondage réalisé en 2001 par le Haut commissariat au plan, un organisme officiel du Maroc, avec l’appui du Fonds des Nations Unies pour l’enfance. Ce sont les statistiques les plus récentes sur ce sujet encore tabou dans ce pays d’Afrique du nord.
L’organisation de défense des droits de l’Homme, ’Human Rights Watch’ (HRW), basée à New York, a dénoncé en 2005 le calvaire de ces petites filles en situation indésirable au Maroc. Selon HRW, elles travaillent jusqu’à 126 heures par semaine et subissent des violences physiques et sexuelles de la part de leurs employeurs.
Onze pour cent des enfants au Maroc, âgés de six à 15 ans, travaillent, ce qui représente l’un des taux les plus élevés au Moyen Orient et en Afrique du nord, a affirmé Clarissa Bencomo, chercheuse chargée à HRW des droits de l’enfant dans cette région et auteur d’un rapport de 2005, intitulé ’A la maison : Hors la loi’.
Généralement et par pudeur, les fillettes n’osent pas aborder le harcèlement sexuel dont elles sont souvent victimes, un problème qui reste tabou, mais, Hafida Hosman* a bien voulu en parler. Agée aujourd’hui de 18 ans, elle raconte à IPS, avec une haine affichée, son expérience chez ses ex-employeurs. "J’avais 14 ans quand ma mère m’a donnée à une famille riche de Rabat ; leur fils, un adolescent de 16 ou 17 ans, usait de tous ses moyens pour abuser de moi en l’absence de ses parents sans que je puisse me plaindre".
Hafida ajoute comme pour se libérer d’un lourd fardeau. "Même son cousin, un sale morveux, ose me pincer les fesses à chaque fois qu’il débarque à la maison. Ils étaient tellement gâtés que personne ne me croira ; et puis, ils sont les seigneurs et se permettent tout". Elle dit à IPS qu’elle a pu se sauver avec l’aide d’une voisine.
Inter Press Service - Amina Barakat
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