L’été commence et avec lui s’ouvre une parenthèse qui fera bon ménage avec les langueurs aoûtiennes et le farniente des vacances.
En prenant appui sur les vacances de nos concitoyens résidant à l’étranger pour s’orienter dans le sens Europe- Maroc, l’opération Transit des MRE, nous rappelle non seulement à notre devoir, mais elle nous permet aussi de jauger l’inanité de vouloir, vaille que vaille, imposer à nos compatriotes nés sous d’autres cieux, les rigueurs d’un a-priori linguistique où la langue de Molière tient le haut du pavé.
Pour s’en rendre compte, il suffit de voir en quelles langues les commis à leur accueil s’expriment-t-ils et en quelles autres les panonceaux et les documents administratifs le sont-ils.
Imaginez la tête qu’ont du faire des centaines, si ce n’est des milliers de jeunes émigrés titulaires de diplômes supérieurs, mais qui ne parlent que flamand, allemand, italien, portugais, hollandais, etc. face à des fonctionnaires, certes attentionnés, mais qui ne maîtrisent nullement les arcanes de l’une ou de l’autre de ces langues. Imaginez la gêne que certains de nos compatriotes de retour en vacances dans le pays d’origine ont du ressentir en se trouvant obligés, comme de simples analphabètes, de solutionner le problème né de l’incompréhension des langues usitées par les documents administratifs et douaniers en s’en remettant au bon vouloir des aides mis à leur disposition. Pareille situation ne risque-t-elle pas de les marquer d’autant plus profondément que les idiomes utilisés par certains d’entre eux sont, peut-être, plus parlés à travers le monde que ne l’est la langue française.
Faut-il rappeler que le rajeunissement démographique de la population marocaine émigrée en Europe dont on a perçu les premiers signes dès le milieu des années soixante, constitue à la fois le symptôme évident d’un mouvement irréversible vers la consolidation d’une émigration de peuplement et vers l’enracinement des langues et des cultures des pays d’accueil ?
Les conséquences de ce phénomène se font déjà sentir, et se feront encore plus sentir dans les années à venir. L’usage des parlers marocains en diaspora est en déliquescence depuis que la première génération d’émigrés a cédé le flambeau à celles qui l’on suivie. Cette lente décrépitude a donné naissance à une véritable Tour de Babel dont le Maroc doit savoir gérer les conséquences.
Entre autres conclusions des linguistes, il ressort que, par les formes et les figures qu’elle confectionne, la langue influe sur l’organisation de la vie des groupes et des individus.
Nous entendons et nous nous exprimons comme nous le faisons parce que les habitudes linguistiques de notre communauté prédisposent à certains choix d’interprétation et ces habitudes varient d’une communauté linguistique à une autre.
Chaque nation parle comme elle pense, pense comme elle parle et fixe, dans sa langue, des expériences qu’elle transmet aux générations suivantes. Notamment celles issues de ses propres disporas..
C’est par la langue que l’imaginaire collectif de ces dernières se transforme, que leurs comportements se rapprochent de ceux des populations autochtones, que leur vécu quotidien est communiqué instantanément ou mis en forme oralement ou par écrit, ou encore qu’il est transmis tel quel, comme forme de pensée stéréotypée.
Dans la socialisation de l’enfant marocain né sous d’autres cieux, les faits culturels des pays d’accueil sont assimilés via les formes linguistiques où il baigne dès sa naissance. L’apprentissage de la langue est donc également, et en même temps, apprentissage des comportements, des traditions, des modes de pensées et d’action ainsi que de la structure sociale de son pays d’accueil.
La langue conditionne, en effet, les attitudes et prédispose les individus et les groupes à agir, à réagir et à penser d’une manière déterminée.
Aussi, une attention toute particulière doit-elle lui être accordée dans toute communication destinée aux MRE. Toutes les actions entreprises ou à entreprendre dans le cadre de l’opération Transit 2002 devraient s’en imprégner.
Source : lematin