
Chaque Ramadan, la question du jeûne pendant les menstrues revient hanter les femmes musulmanes. La réponse n’est jamais claire, noyée dans un tabou tenace.
Pour « préserver la mixité », la mairie de Nantes refuse les demandes réitérées des Jeunes musulmans de France. L’association, installée dans le quartier de Bellevue, sollicite des créneaux séparés pour les garçons et les filles dans une piscine.
NANTES. « Depuis le collège, je ne vais plus à la piscine. » Hanan, une Nantaise de 25 ans, vêtue d’un jean et la tête couverte d’un voile noir, souhaite aller à la piscine dans un créneau réservé aux femmes « par pudeur et par conviction religieuse ». Depuis deux ans, l’association des Jeunes musulmans de France (1), à laquelle elle appartient, a écrit plusieurs fois à la mairie. Elle veut obtenir des tranches réservées aux garçons « pour qu’ils pratiquent le water-polo » et aux filles, pour « l’aqua-gym ».
La municipalité socialiste a refusé : « La mixité est, pour nous, le meilleur vecteur de l’intégration, explique l’adjointe à la Jeunesse et aux Sports, Marie-Françoise Clergeau. On veut éviter le risque du communautarisme. Et la séparation des garçons et des filles dans les écoles, que l’on voit réapparaître aux États-Unis. Nous pensons que c’est un retour en arrière. »
Hanan n’est pas d’accord : « Ce n’est pas du communautarisme, simplement une demande de filles des quartiers, de toutes origines et religions. Des adolescentes notamment, pas toujours à l’aise avec leur corps, qui ne souhaitent pas se montrer devant des garçons. »
« Plutôt les aider à vivre ensemble »
Combien de femmes sont-elles dans le cas d’Hanan ? Difficile d’y répondre. Le phénomène est sans doute limité au regard des 690 000 entrées enregistrées chaque année dans les piscines nantaises. Hanan indique qu’une trentaine de jeunes femmes se retrouvent déjà dans un gymnase un soir par semaine pour pratiquer des sports collectifs entre filles.
« Dans les piscines, on voit beaucoup de Maghrébines avec leurs enfants », nuance Malik, un animateur, la trentaine. « Jamais aucune n’a demandé d’horaires séparés. Je ne comprends pas ce débat. Au Maroc, d’où je suis originaire, toutes les piscines que je connais sont mixtes. » Hédia, animatrice dans les cités, elle-même musulmane, âgée de 35 ans, est fermement opposée à des créneaux séparés : « Il faut plutôt aider les ados à vivre ensemble. »
En France, Lille, Strasbourg et Sarcelles ont accordé des créneaux aux femmes dans les piscines, à la demande d’associations musulmanes ou juives.
Pour Najib, le secrétaire général des Jeunes musulmans nantais, « les activités mixtes, sportives et culturelles dans le quartier deviennent de fait masculines parce que les garçons ont tendance à prendre tout l’espace. Un créneau pour les filles serait une réponse à cette exclusion. » Justement, pour que chacun vive en bonne entente dans les piscines, la mairie de Nantes y a mis en place une dizaine de médiateurs.
Selon Najib, la dénomination Jeunes musulmans a desservi leur demande. « J’aurais fait la même réponse à une autre association », répond Marie-Françoise Clergeau. À Nantes, une seule dérogation a été accordée... aux naturistes, deux heures par semaine, dans une piscine de la ville.
Jacques SAYAGH. Ouest-France
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