Le Moyen-Orient, nouvelle terre d’immigration des Marocains

26 septembre 2007 - 11h50 - Maroc - Ecrit par : L.A

Ces cinq dernières années ont vu apparaître une nouvelle tendance : une immigration massive aux EAU, et plus spécialement à Dubaï. Cet Emirat, un des endroits les plus prospères de la planète, attire de plus en plus de cadres étrangers, dont des Marocains. « Dubaï est le premier Emirat du Golf à avoir instauré le système des zones franches (ZF). Ceci a encouragé de nombreuses multinationales européennes et américaines, avec des besoins considérables de compétences et de qualifications, à venir s’y installer », affirme Mohamed Amine Zahr, jeune dirigeant d’une filiale de Delta Plus à Dubaï, multinationale spécialisée dans les équipements de protection individuelle.

« Auparavant les entreprises avaient peur du système du sponsor national, qui s’approprie obligatoirement 51% des nouvelles créations. Les ZF constituent une dérogation à ce système », précise-il.

D’après Zahr, par rapport aux autres nationalités, les Marocains sont très demandés à Dubaï. Ils sont trilingues, voire plus, dynamiques et bosseurs. « Actuellement, les étudiants marocains en Europe, qui à l’issue de leurs formations cherchent des opportunités d’emploi, sont envoyés dans des filiales au Moyen-Orient, notamment à Dubaï dans les ZF, pour des postes de responsabilité », fait remarquer Zahr. « Aujourd’hui les MRE qui dans un contexte de forte concurrence trouvent difficilement un emploi, s’orientent de plus en plus vers cette région », ajoute-t-il.

Et de plus, la tendance à l’immigration des cadres et personnes qualifiées à Dubaï n’en est qu’à ses débuts. Et pour cause, les avantages y fusent. D’après Zahr, la rémunération se fait sous forme de packages, comprenant un salaire de base variant de 20.000 DH à 200.000 DH, en plus de nombreux avantages : un logement, une voiture (carburant compris), des billets d’avion aller/retour, un téléphone portable avec abonnement et une assurance maladie. Certains packages comprennent même la prise en charge de la scolarité des enfants. La valeur du package peut aller, selon les contrats et les fonctions assurées, de 40.000 DH à 400.000 DH.

Toutefois, ces avantages sont accordés selon les conditions d’émigration, affirme Bachir Hamdouch, consultant à la fondation Hassan II pour les MRE, et directeur d’une étude menée par l’observatoire de la fondation sur les Marocains du monde, à paraître vers la fin de cette année. D’après lui, ceux qui émigrent dans le cadre d’un contrat expatrié préétabli peuvent bénéficier de ces avantages. Par contre, ceux qui sont recrutés sur place, peuvent ne pas en bénéficier en totalité. De plus, ils dépendent largement de leur sponsor national. « Le système du sponsorship (Al Kafala) est valable dans la majorité des pays du Golfe. Les immigrants doivent nécessairement avoir un sponsor national qui garantit leur séjour et garde tous leurs papiers. Ce qui donne lieu, dans de nombreux cas, à des abus », affirme Hamdouch. « Dans certains cas, le sponsor pourrait interdire le territoire à l’immigré en ayant une autorisation du ministère de l’emploi », ajoute-t-il.

Néanmoins les avantages sont très attrayants et captent de plus en plus de « cerveaux ». « Quand on parle au Maroc de Marocains résidant dans le Golfe, on pense immédiatement à ceux qui travaillent dans l’hôtellerie, la restauration, l’esthétique, ou pire dans les réseaux de prostitution », note Zahr. « Or, les choses sont en train de changer. Actuellement il y a de plus en plus de cadres, d’investisseurs, de banquiers et d’ingénieurs », ajoute-t-il. D’après lui l’image des Marocains dans cette région est très négative, de part et d’autre. Ceci est principalement dû au manque d’intérêt du Royaume et à sa faible présence dans la région. « Le Maroc ne fait pas beaucoup d’efforts d’information ou de promotion de son image dans ces pays. Alors qu’il y a beaucoup d’opportunités à saisir, et beaucoup de partenariats à développer », regrette Zahr.

« Quand j’ai voulu renouveler mon passeport à l’ambassade du Maroc à Dubaï, les fonctionnaires n’ont pas cru que j’étais directeur comptable. Ils m’ont demandé de ramener mon DESS obtenu en France, de le traduire et le certifier au Maroc dans je ne sais quel ministère. J’ai fini par les laisser inscrire la fonction qu’ils voulaient. Ils ont mis comptable », raconte Hassan Fadili, actuellement directeur logistique chez Sanofi Aventis à Dubaï.

Rappelons qu’aujourd’hui les MRE sont un peu plus de trois millions, éparpillés aux quatre coins de la planète. Les plus nombreux, et aussi ceux qui transfèrent le plus de fonds vers le Royaume sont installés en Europe. Mais depuis quelques décades de nouvelles destinations concurrentes, notamment l’Amérique du Nord et le Moyen-Orient ont émergé. Il faut dire que plusieurs conventions d’immigration ont été signées avec plusieurs Etats arabes, dont l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis (EAU), la Jordanie, la Libye, le Qatar et l’Iraq. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, le pays arabe qui accueille le plus de Marocains est la Libye. Selon les statistiques du ministère des Affaires étrangères de 2004, ce pays comptait 120.000 Marocains, suivi des EAU (plus de 30.000) et de l’Arabie Saoudite (près de 28.000). Et encore ce ne sont que les chiffres officiels concernant les migrants déclarés.

Dans les autres régions du monde, le Canada apparaît depuis près de 10 ans comme la destination la plus prisée d’Amérique du Nord. La migration vers les Etats-Unis est quant à elle en baisse depuis 2001. Dans les autres régions comme l’Afrique subsaharienne, les Marocains sont peu nombreux. Ils travaillent surtout dans le commerce, au Sénégal, en Côte d’Ivoire et en Guinée. Ces autres Marocains du monde sont pratiquement dans l’ombre.

Retourner au Maroc, pourquoi faire ?

Beaucoup de jeunes cadres marocains à Dubaï n’envisagent pas de retourner au Maroc à court ou moyen terme. Pour la plupart, les opportunités offertes ne sont pas satisfaisantes, et la valorisation des compétences absente. « Je n’envisage pas actuellement de revenir au pays. Peut-être plus tard pour réaliser mon propre investissement », déclare Fadili. « Tous mes amis qui sont rentrés au Maroc l’ont regretté. Ils ont eu des salaires largement inférieurs à ceux qu’on leur avait promis. Les gens là-bas ne sont pas sérieux », souligne Othman El Ayadi, Trader chez HSBC Bank à Dubaï. « Actuellement je n’envisage pas de projets de carrière au Maroc. J’y ai déjà eu des entretiens, mais le résultat était décevant », déclare Zahr. « Un des grands groupes du pays m’avait proposé de gérer une agence avec près de 200 personnes. Mais le salaire offert ne dépassait pas les 8.000 DH », ironise-t-il. Hamdouch estime pour sa part que ces dernières années, l’on assiste à un reflux des MRE au Maroc. « Le Royaume offre désormais des opportunités qui n’existaient pas il y a 5 ou 6 années », affirme-t-il. « Les Marocains résidant au Moyen-Orient ne sont pas perdus pour le Maroc. Ne trouvant pas de repères là-bas, ils finissent tous par revenir, après avoir amassé de quoi faire des projets personnels », déclare-t-il. « Dans ces pays, près des 2/3 de la population sont des étrangers. Ils vivent pratiquement entre eux », ajoute Hamdouch.

Secteurs et transferts

Même s’ils ne sont pas nombreux, Les MRE des pays arabes ont contribué en 2006, selon les statistiques de l’Office des Changes, à 6% de l’ensemble des transferts MRE. Les EAU suivis de l’Arabie Saoudite se taillent la part du lion dans ces transferts, avec plus de 60%. La part de la Libye, malgré son nombre élevé de Marocains, est négligeable. Ceci est dû au fait que la majorité des migrants sont des ouvriers dont le salaire est modeste. D’un autre côté ce pays impose des restrictions aux transferts de fonds. D’après une étude réalisée par l’observatoire de la Fondation Hassan II pour les MRE, à paraître fin 2007, les Marocains installés au Moyen-Orient s’illustrent principalement dans la musique et l’art. Les moins férus ont préféré l’hôtellerie/restauration et le commerce. La coiffure et l’esthétique sont suivies par l’administration (justice, sécurité, etc.). La catégorie la plus faible de migrants s’oriente vers les chantiers ou les travaux domestiques (EAU et Arabie Saoudite).

L’Economiste - Ahlam Nazih

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