Faut-il espérer une bonne application de la Moudawana en Europe, alors que les juristes européens se plaignent de l’absence même d’une traduction officielle du nouveau code de la famille dans leurs tribunaux ? En attendant que les autorités marocaines se décident à leur en soumettre, les Marocains résident à l’étranger restent partagés entre deux systèmes juridiques complètement opposés.
"La révision de la Moudawana n’est pas une réforme parmi d’autres, c’est une réforme exceptionnelle dans laquelle le Maroc a fait preuve d’une audace exceptionnelle", commente Moustapha El Karouni, avocat au Barreau de Bruxelles. Les Marocains résident à l’étranger sont fiers de l’adoption du nouveau code de la famille. Ils sont fiers du texte. Car, dans la pratique, ils sont encore loin de pouvoir en profiter. Le nouveau code de la famille n’est pas encore applicable dans les pays européens, il n’est même pas reconnu officiellement par les juridictions de ces pays.
Comment les Etats européens vont-il procéder à l’application du nouveau code de la famille ? Vont-ils appliquer le code qu’il est ou sera-t-il adopté à leurs droits internes ? Comment va-t-on gérer le litige au sein des couples mixtes ?... Autant de questions qui restent en suspens entre le Maroc et certains pays européens qui accueillent un grand nombre de nos compatriotes. C’est en vue de trouver des réponses que se sont réunis plusieurs dizaines d’intervenants marocains et européens dans un colloque international à Rabat sous le thème "le Code de la famille en migration. Quelle compréhension et quelle pratique ?
Débattre d’une telle question paraît un non sens en l’absence de la condition indispensable pour l’application du code en question en Europe. A savoir une traduction officielle de la nouvelle version de la Moudawana. Marie-Claire Foblets, de l’université catholique de Louvain à Bruxelles l’a clamé lors du colloque, “Comment se fait-il que l’on ne dispose d’aucune publication concernant le code de la famille marocaine” ? En plus d’une traduction officielle du texte complet du code, cette universitaire belge a appelé les autorités marocaines à laisser pour son pays "un accès à la jurisprudence marocaine. Un échantillon qu’on pourrait prendre pour exemple pour régler les litiges entre les Marocains établis en Belgique". Sans ces conditions de base, il ne peut y avoir une juste application du nouveau code du statut personnel en Belgique ni dans d’autres pays européens.
Devant ces lacunes, les juges européens se retrouvent en train d’appliquer ce code "étranger" selon les principes du droit interne de leurs pays. Ce qui pose la problématique d’une convergence entre deux systèmes juridiques dont les fondements sont complètement différents. Les ressortissants marocains ou d’origine marocaine établis dans les pays européens se retrouvent souvent confrontés au croisement du système juridique marocain et celui de leurs pays d’accueil. D’aucuns parlent de "conflits des lois" évoquant cette question des plus épineuses du droit international privé qui se voit heurter les lois laïques européennes au code de la famille marocaine inspiré de la loi islamique.
Au Pays-Bas, un référendum a été soumis au parlement hollandais pour reconnaître le nouveau code de la famille marocaine, a assuré Mohamed Ben Maimoun, élu municipal à Amsterdam et membre du comité central de la gauche verte. Ajoutant que "le ministre de la Justice a remis cette question à la prochaine réunion du comité mixte maroco-hollondais, sachant que ce comité ne se réunit plus depuis des années pour diverses raisons".
Lamia Bouzbouz - La Gazette du Maroc