Ce qui fait dire aux promoteurs qu’un « creux » pourrait survenir, c’est qu’aucun d’entre eux n’a encore signé de convention pour le logement à 140.000 DH. « Et personne ne signera tant que nous ne serons pas clairement fixés sur le système de péréquation qui sera autorisé », poursuit-il. Un scénario qui se fonde sur le fait admis qu’il faut compter environ trois ans entre le moment où un promoteur entame un projet, et celui où il livre ses premiers logements. En conclusion, selon ce grand promoteur immobilier « entre la fin des livraisons des chantiers pour les logements à 200.000 DH, et le début de ceux à 140.000 DH, il y aura un arrêt de production de logements sociaux ».
L’avenir du logement à 200.000 DH semble en effet plutôt sombre. Sur les 89 conventions signées entre l’Etat et les promoteurs immobiliers, 41 ne sont pas encore entrées en application. « Ce n’est pas parce qu’un promoteur signe une convention qu’elle prend forme. Il y a beaucoup de choses à régler auparavant : l’acquisition du terrain, le montage financier, etc. », justifie une source autorisée au ministère de l’habitat. Et encore, près de la moitié de ces 41 conventions ont été signées en 2007.
« En fait, de nombreux promoteurs, pressentant la suppression des avantages accordés par l’article 19 de la Loi de finances, se sont précipités pour signer avec l’Etat. Ces conventions leur servent un peu de “joker” », explique-t-on.
Et si les promoteurs laissaient tomber les conventions signées avec l’Etat ?
Du côté du logement à 140.000 DH, les privés sont encore très frileux. « Nous attendons de voir ce qui nous sera proposé en terme de péréquation ». La dernière proposition en liste était de céder aux promoteurs des terrains de cinq hectares, sur lesquels une moitié serait réservée aux logements à 140.000 DH, et l’autre à de la promotion libre. Selon le haut cadre à l’Habitat, ce n’est plus qu’une question de jours avant que les termes ne soient définitivement fixés.
Mais, à le croire, les promoteurs laisseront un peu de temps passer, avant de s’engager dans le logement à 140.000 DH. « Tout comme ils l’ont fait avec celui à 200.000 DH, les villes nouvelles ou les villas économiques. Les privés attendent toujours deux ou trois ans, pour voir ce que l’aménageur public réussit à faire, ensuite, ils adhèrent », poursuit-on.
Le risque d’avoir un creux dans la production de logements à faible valeur immobilière totale (VIT) existe donc bel et bien ! « Si les signataires des conventions dans le cadre de l’article 19 honorent leurs engagements, la production de logements à 200.000 DH s’étalera encore sur quelques années. Pendant ce temps, Al Omrane va démarrer le produit à 140.000 DH, jusqu’à obtenir l’adhésion des privés », rassure-t-on, côté ministère.
Et si les privés laissaient tomber les conventions déjà signées ? A dire vrai, auprès de l’Habitat, on ne s’inquiète pas. La mort du logement à 200.000 DH ? « Et après, répond-on, ce produit a écrémé et, aujourd’hui, soit il est demandé par des ménages pauvres qui aimeraient bien payer 140.000 DH et qui se saignent pour l’acheter en réalité à 300.000 DH, soit, à défaut, par des ménages de la classe moyenne - 8000 à 18.000 DH de revenu mensuel par ménage - qui sont prêts à payer 500.000 ou 600.000 DH pour un logement de standing plus élevé.
C’est l’absence d’offre adéquate qui crée la pression sur les logements à 200.000 DH et qui a abouti ces dernières années à des dérives dans le système : noir, spéculation, achats multiples pour une même famille... ». En d’autres termes, selon l’Habitat, plutôt que de partir du produit, il faut s’intéresser, en amont, à la nature de la demande et y répondre.
Mais cela empêchera-t-il le creux de l’offre en logements à faible VIT ? « Les opérateurs publics de l’Habitat y pourvoiront dans un premier temps avec des logements à 140.000 DH en attendant que le privé s’y mette », affirme-t-on au ministère. Quid de l’offre en logements pour la classe moyenne ? « Reste à encourager les promoteurs à construire des appartements qui lui seraient dédiés, à des VIT aux alentours de 400.000 à 500.000 DH. Des dispositions incitatives devraient en ce sens figurer dans la prochaine Loi de finances... »
Source : La vie éco - Marie-Hélène Giguère