Michel Pelissier : ’Intégration et gestion de la diversité culturelle’

3 décembre 2004 - 16h38 - Monde - Ecrit par :

Michel Pelissier, préfet et président de la Sonacotra était présent à la 31ème conférence internationale du Réseau Habitat et francophonie qui s’est tenue qui à Casablanca. Il vient de publier un ouvrage réalisé avec Arthur Paecht sur "Les modèles d’intégration en question : enjeux et perspectives" qui regroupe les interventions prononcées lors du colloque organisé le 18 juin 2004 au Palais du Luxembourg à Paris.

Michel Pelissier est président de la Sonacotra créée en 1956 pour loger les immigrés. "Structure originale, société d’économie mixte dont l’Etat détient la majorité du capital, la Sonacotra créée par Eugène Claudices Petit logeait à l’époque les immigrés célibataires. Ces immigrés maghrébins sont aujourd’hui au nombre de 70.000 dont près de la moitié ont plus 55 ans faisant face à cette douloureuse et lancinante question de l’intégration ou du retour.

Dans l’ouvrage intitulé "Les modèles d’intégration en question" publié sous votre direction et celle d’Arthur Paecht, vous rappelez que les immigrés maghrébins représentent 53% des 70.000 personnes logées par la Sonacotra. Ces immigrés vieillissent dite-vous et 47% de ces résidents ont plus de 55%

La société a évolué sans eux. Au Maroc, leurs familles ont évolué également sans eux. Quand ils viennent pour quelques semaines ou quelques mois, ils sont bien accueillis. Mais ils ont pris des habitudes de vie qui ne sont pas forcément des habitudes de vie de la société marocaine.

Ils ont laissé au foyer un certain nombre d’amis qu’ils veulent revoir. Ceux qui sont malades ont en France des facilités d’accès aux soins, qu’ils n’ont pas au Maroc, car la plupart sont originaires de zones rurales éloignées. Les immigrés qui sont logés à la Sonacotra, dans la plupart des cas, ne sont pas originaires de Rabat ou Casa mais du Nord, de l’Atlas Quand ils reviennent dans leur village, celui qui est diabétique par exemple ne peut pas consulter le médecin aussi facilement qu’il le fait à Paris ou à Marseille. Cet immigré veut donc revenir voir ses amis et voir le médecin. En France, il dispose de la gratuité des soins pour nombre de pathologies ; or, c’est à partir de cinquante ans que les pathologies se révèlent.

Il y a des pathologies liées à l’âge et on a besoin de voir son médecin.

Il y a une semaine, une délégation de la Caisse régionale d’assurance-maladie du sud-est , basée à Marseille, a dépêché une équipe auprès de la CNSS pour l’informer des droits des retraités marocains ayant travaillé en France. La plupart d’entre eux sont rentrés au pays. Qu’est-ce qui empêche les autres de le faire ?

Il y a deux problèmes qu’il nous incombe de régler. Une partie des revenus des travailleurs âgés n’est versée que si le travailleur réside en France.

C’est ce que l’on appelle les retraites non contributives que l’on donne même quand il n’y a pas d’ancienneté dans les trimestres.

On pourra résoudre cette question en changeant les textes et la loi. Il y a un deuxième problème, pour une retraite minimale, de l’ordre de 800 à 1000 euros, il n’y a pas d’impôt si cette retraite est perçue en France. Si elle est perçue au Maroc, elle est imposable. A partir de là, il n’y a pas forcément un intérêt pour le retraité marocain qui vit en France de revenir au Maroc.

Là, il y a sans doute sur le plan bilatéral, une réflexion à mener pour voir si l’on peut trouver une réponse à ce problème. Il y a eu un colloque en septembre dernier présidé par Mme Kiegel qui est professeur de philosophie auquel a participé Mme Ollin ministre de l’Intégration et Mme Chekrouni ministre des MRE. Il y a une réflexion qui commence et à laquelle est associée la Fondation Hassan II. Les choses avancent, mais aucun des deux pays ne pourra régler la situation tout seul. La solution est dans chaque pays, en France et au Maroc.

C’est à l’image de ces vieux Marocains qui ont vécu 25 ou 30 ans en France qui ont conservé leurs attaches au bled et qui en même temps ne sont jamais tout à fait bien, ni ici ni ailleurs.

Le devoir que nous avons nous Français, est un devoir de reconnaissance. Il faut tout faire pour que leurs choix soient respectés. Il y a ceux qui choisiront de vivre en France parce que les liens avec la famille sont distendus et tant qu’ils le pourront, ils feront l’aller-retour. Il y a les autres, ceux qui choisissent de rentrer. Pour ceux-là, il faut que l’on réfléchisse ensemble pour les aider. Nous avons pris des contacts avec la CIFM et ERAC Sud pour voir comment ils peuvent accéder à un logement à des prix raisonnables. Nous travaillons dans ce sens, en respectant, je le répète, le libre choix de chacun.

Farida Moha - Libération

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