Eurostat, institution relevant de la Commission européenne chargée de produire et diffuser des statistiques communautaires, a dévoilé le nombre de Marocains ayant obtenu les permis de travail temporaire en 2023.
A l’occasion du soixantième anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, le Maroc intensifie ses efforts de lutte contre la mendicité professionnelle. Mais pour ceux, nombreux, qui trouvent cette pratique lucrative, une réinsertion dans la société n’offre que peu d’attraits.
Alors que le Maroc s’apprête à se joindre à la communauté internationale pour célébrer la Journée des Droits de l’Homme le 10 décembre, le ministère du Développement Social, de la Famille et de la Solidarité a réactivé sa campagne de lutte contre la mendicité dans le cadre de son plan stratégique visant à réduire la pauvreté d’ici 2012.
Les Nations Unies affirment que la Journée des Droits de l’Homme 2008, placée sous le thème "Dignité et Justice pour tous", renforce la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme comme un engagement envers la dignité humaine, la non-discrimination, l’égalité et la justice. La Journée des Droits de l’Homme 2007 avait marqué le début d’une année de commémoration du soixantième anniversaire de la Déclaration.
La même année, le ministère du Développement Social avait lancé une stratégie visant l’intégration familiale, institutionnelle et économique destinée à mettre un terme à la mendicité. Dans le cadre de cette stratégie, le ministère avait signé des accords de mise en oeuvre de petits projets générateurs de revenu et demandé l’application de sanctions pénales à l’encontre des mendiants professionnels, en particulier ceux qui exploitent des enfants, des handicapés et des personnes âgées.
Pour promouvoir cette campagne et le programme d’éradication de la mendicité, le gouvernement a dévoilé le 26 septembre les résultats d’une nouvelle enquête, dont les chiffres montrent qu’il existe 196.000 mendiants au Maroc, dont 49 pour cent de femmes.
Cette étude, rendue publique au centre social Tit Mellil de Casablanca, montre également que 62,4 pour cent de ces mendiants sont des professionnels, disposant de comptes en banque et de biens immobiliers achetés avec l’argent provenant de la mendicité.
"Mendier porte atteinte à la dignité des personnes, à l’image du Maroc et au projet de société moderne que s’est fixé le Maroc", a expliqué Nouzha Skelli, le ministre du Développement Social, de la Famille et de la Solidarité. En s’attachant aux objectifs de la Déclaration Universelle, le gouvernement a adopté une approche fondée sur les droits pour combattre le phénomène de la mendicité professionnelle qui utilise souvent les enfants des rues pour demander la charité.
Éradiquer ce phénomène ne sera pas chose aisée, expliquent les experts, au vu de l’ampleur des profits. "Si j’allais travailler comme femme de ménage, cela exigerait des efforts physiques et j’en tirerais au mieux soixante dirhams", a expliqué Fatna N., une mendiante professionnelle, à Magharebia. Au lieu de cela, explique-t-elle, elle mendie dans la rue et récolte environ deux cents dirhams par jour sans efforts.
Mohammed C., un fonctionnaire, explique : "Certains sont de vrais mendiants, sans travail ni famille. Mais il y a aussi ceux qui ont leurs propres salaires et des terres agricoles qui leur appartiennent." "Ils sont devenus accros à la mendicité", explique-t-il, "parce qu’elle leur assure un revenu quotidien d’environ 200 dirhams, soit 6000 dirhams par mois, ce qui est bien plus que le salaire d’un fonctionnaire de neuvième classe."
En réalité, le revenu moyen tiré de la mendicité est encore plus élevé. Selon ce rapport, les gains journaliers d’un mendiant s’échelonnent entre 500 et 700 dirhams, ce qui, cumulé, donne entre 15.000 et 20.000 dirhams par mois. Il n’est donc pas surprenant que la plupart de ces mendiants refusent de rester au centre social Tit Mellil dans le cadre du programme de réinsertion mis en place dans le cadre de la stratégie de lutte contre la mendicité.
Abdelkrim Sebbar, le directeur général de ce centre, a expliqué à Magharebia que la somme totale entre les mains des seuls mendiants de Casablanca était de plus de deux millions de dirhams. Ce montant se répartit sous forme de billets pour environ 1,4 million de dirhams et de 500.000 dirhams détenus sur des comptes bancaires. A quoi viennent encore s’ajouter pour près de 150.000 dirhams de bijoux.
Une mendiante de 68 ans a refusé pendant des années de fréquenter les toilettes publiques par peur de se voir voler son argent et ses bijoux, indique l’étude. En quatre ans seulement, elle a pu récolter 120.000 dirhams en argent liquide — et six bracelets en or. En plus de ses revenus tirés de la mendicité, son revenu mensuel régulier est d’environ 5500 dirhams. Outre un immeuble à Casablanca dont elle est propriétaire, elle reçoit 2000 dirhams chaque mois en paiement du loyer d’un atelier de mécanique. Elle possède une autre boutique que son fils loue pour 500 dirhams par mois. Son autre fils, immigré en Allemagne, lui envoie 3500 dirhams par mois. Malgré tout cela, elle continue de mendier.
Un autre, un homme de 70 ans, a été arrêté lors d’une campagne anti-mendicité à Casablanca avec 160.000 dirhams en sa possession. Il avait réussi à accumuler cette somme en quelques années seulement. Il possédait également une maison.
Le même rapport cite le cas d’une mendiante de 63 ans qui possédait un compte bancaire avec 320.000 dirhams, une maison dans un quartier très branché de Casablanca, de l’argent liquide, de l’or, et dont les fils, banquier et courtier, lui envoient régulièrement de l’argent.
Il est clair que ces mendiants sont tout, sauf pauvres. "Recourir à la mendicité peut s’expliquer par la nécessité, mais poursuivre cette activité relève d’une addiction à l’argent facilement gagné", explique Khadija Amiti, sociologue, à Magharebia. "Nous devons rechercher les raisons réelles et cachées derrière ce comportement répété et continu en dépit des harcèlements et des insultes dont ces personnes sont l’objet."
Combattre la mendicité nécessite également des mesures de protection des enfants de la rue, a expliqué le ministre Skalli devant la Chambre des représentants, mardi 2 décembre. Les ministères de la Santé, de l’Education Nationale, de la Justice, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle, ainsi que les associations locales et les ONG doivent collaborer pour résoudre ce problème, a-t-elle expliqué aux députés. Son ministère forme déjà des équipes spécialisées dans le suivi des enfants des rues, a-t-elle ajouté.
Des unités de protection des enfants victimes de maltraitance, d’exploitation et de violence ont été mises en place à Casablanca et Marrakech, et le ministre envisage d’étendre cette expérience dans l’ensemble du royaume.
Mais de nombreux Marocains doutent que cette stratégie soit efficace. Ahmed Moujib, employé, a perdu tout espoir de voir toute mesure ou programme gouvernemental parvenir à réduire le problème endémique de la mendicité. "Plus ils parlent de certaines mesures, plus le nombre de mendiants est important ; c’est comme s’ils défiaient l’Etat", déclare-t-il avec dédain. Ce n’est pas d’une nouvelle politique dont on a besoin, explique-t-il à Magharebia, mais plutôt d’une meilleure sensibilisation des citoyens, qui doivent arrêter de donner l’aumône aux mendiants.
"Ils devraient penser plutôt à donner l’aumône aux familles pauvres qui en ont vraiment besoin mais qui ne recourent pas à la mendicité par respect pour leur dignité", conclut-il.
Source : Magharebia - Imane Belhaj
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