Maroc : en attendant la loi, les cultivateurs de cannabis entre espoir et réserve

21 avril 2021 - 11h20 - Maroc - Ecrit par : J.D

Traditionnellement cultivé depuis des siècles dans la clandestinité au Maroc, le cannabis fait objet d’une procédure législative devant autoriser son usage médical et thérapeutique.

Cette initiative fortement saluée par certains cultivateurs, constitue par contre, un véritable objet de craintes pour d’autres partagés entre l’espoir de vivre mieux et la crainte du démantèlement de leur secteur d’activité. L’enjeu est de taille pour le Royaume, classé premier producteur mondial de résine de cannabis par l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime dans son rapport 2020.

Auréolé par la future loi, Mohamed Morabet, agriculteur marocain de cannabis à Ketama, pense que la nouvelle législation pourra lui permettre de vendre sa production « la tête haute » après des décennies de semi-clandestinité. « Nous allons enfin sortir de la clandestinité après avoir vécu dans la peur et le chantage », se réjouit un autre cultivateur sur une ère où ont récemment été semées les graines de kif, première richesse de la région de Ketama dans le nord du Maroc.

Fadoul Azouz, un autre cultivateur sexagénaire, se demande si les prix de vente ne vont pas chuter avec la loi. Il en veut pour preuve le prix du kilo de haschich qui a dégringolé jusqu’à 1 500 dirhams (moins de 150 euros) en raison d’une « lutte accentuée contre le trafic de drogue ». En revanche, des statistiques officielles rendues publiques par la MAP, laissent entrevoir une nette progression du chiffre d’affaires allant de 4 % actuellement à 12 % après l’adoption de la loi. « C’est comme si nous étions en liberté provisoire », revient à la charge Mohamed Morabet, qui, rapportant chiffres du ministère de la Justice cités par le député Mustafa Brahimi, affirme que quelque 58 000 cultivateurs sont recherchés par les autorités.

L’autre inquiétude des cultivateurs a trait à la délimitation de la zone où la production sera autorisée. À ce sujet, les cultivateurs de Chefchaouen et de Ketama espèrent que la légalisation se limitera aux « régions historiques » situées en zone montagneuse et exclura les plantations plus récentes des plaines voisines, sur des terres plus faciles à cultiver et à irriguer. Certains appellent même à réfléchir à la légalisation du cannabis « récréatif », toujours prohibé. « Si certains États américains l’ont légalisé, pourquoi pas nous ? », interroge Abdallah Al Jout, président d’une association locale favorable à la réforme de légalisation du cannabis récréatif.

En attendant que la loi ne fixe les acteurs sur la liste des régions autorisées, les volumes nécessaires pour la production à caractère médical, pharmaceutique et industriel, la teneur autorisée en THC, la principale molécule psychoactive du cannabis, interdites depuis 1954, les cultures de cannabis couvraient en 2019, au total, 55 000 hectares et font vivre entre 80 000 et 120 000 familles dans le Rif, d’après les estimations officielles.

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Drogues - Agriculture - Maghreb Arabe Presse

Aller plus loin

Maroc : qui pourra cultiver et produire le cannabis ?

Dans un exposé devant la commission de l’Intérieur, des collectivités territoriales, de l’habitat et de la politique de la ville à la Chambre des représentants, le ministre...

Légalisation cannabis au Maroc : une instance scientifique pour orienter

Les autorités marocaines ont mis en place samedi à Tanger, une instance consultative scientifique chargée de faire des orientations techniques dans le cadre de la mise en œuvre...

Légalisation du cannabis : voici les revendications des petits cultivateurs

Les cultivateurs du cannabis des provinces d’Al Hoceima et de Chefchaouen ont décidé de fédérer leurs énergies pour défendre leurs droits, en attendant la promulgation de la...

Lutte contre la drogue : le Maroc appelle à une coopération internationale

Le Maroc a saisi l’occasion de la 64ᵉ session de la Commission des stupéfiants (CND) à Vienne, pour appeler à une coopération sous-régionale, régionale et internationale très...

Ces articles devraient vous intéresser :

Sentiment d’insécurité au Maroc : un écart avec les statistiques officielles ?

Au Maroc, la criminalité sous toutes ses formes est maitrisée, assure le ministère de l’Intérieur dans un récent rapport.

Le Maroc s’oppose catégoriquement à la décision de la Cour de justice européenne

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu vendredi une décision concernant les accords agricoles et de pêche entre l’UE et le Maroc. Rabat conteste fermement cette décision, la jugeant non applicable et entachée d’erreurs.

Le Maroc contraint d’importer du blé

Le Maroc se tourne une fois de plus vers le marché international pour augmenter ses importations de blé afin de compenser la baisse considérable de sa production durement touchée par la sécheresse cette année.

Huile d’olive au Maroc : enfin la baisse des prix ?

Le Maroc est en passe de surmonter la crise oléicole. Après années de sécheresse, la filière oléicole se remet doucement en ordre de marche, mais il y a à craindre d’autres risques et aléas.

Maroc : la pastèque sacrifiée pour préserver l’eau ?

Des associations locales de la province d’Al Haouz ont sollicité Rachid Benchikhi, le gouverneur de la province, pour qu’il interdise la culture de pastèques et de melons.

Des Marocains réduits à l’esclavage dans le Lot-et-Garonne

Vingt travailleurs marocains ont été exploités dans des conditions indignes par une agricultrice du Lot-et-Garonne. Attirés par la promesse d’un contrat de travail et d’une vie meilleure, ils ont déboursé 10 000 euros chacun pour rejoindre la France.

« L’Escobar du désert » fait tomber Saïd Naciri et Abdenbi Bioui

Plusieurs personnalités connues au Maroc ont été présentées aujourd’hui devant le procureur dans le cadre de liens avec un gros trafiquant de drogue. Parmi ces individus, un président de club de football.

Le Maroc contraint de réorienter sa production agricole

Face à la sécheresse et au stress hydrique d’une part, et à l’inflation d’autre part, le gouvernement marocain est contraint de revoir sa politique agricole et alimentaire pour garantir l’eau et le pain.

Le plan ambitieux du Maroc pour ne plus manquer d’eau

Face à la pression croissante sur ses ressources en eau, le Maroc met les bouchées doubles pour développer des solutions innovantes. Ahmed El Bouari, ministre de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural, des Eaux et Forêts, a annoncé...

Maroc : la question des dattes algériennes arrive au parlement

Le groupe Haraki à la Chambre des Représentants a interpellé le ministre de l’Agriculture, Mohamed Sidiki, sur les dattes notamment d’origine algérienne qui ont inondé le marché marocain avant le début du mois de ramadan.