Photos de Taoufik autour du cou, le comité de soutien ne s’y trompe pas : c’est bien grâce à une mobilisation exceptionnelle que le lycéen va pouvoir remettre les pieds sur le sol français le 21 avril prochain. « Ça n’était pas gagné au départ, se souvient Bruno Doizy, professeur. Il a fallu qu’on fasse tous ces rassemblements, qu’on soit reçus au ministère, puis qu’on menace de déclencher une grève générale pour que la situation se débloque. »
Lycéen de vingt et un ans, Taoufik El Madroussi est expulsé vers le Maroc le 26 août 2008. Depuis, ses professeurs se sont acharnés à maintenir un lien avec le jeune homme. « Nous avons organisé des cours par correspondance », explique Élise Brultey, sa professeur de français et d’histoire-géographie, qui lui a rendu visite quatre fois au Maroc et donne quotidiennement de ses nouvelles sur le site Internet dédié à son retour. Tous les jours depuis septembre, ses professeurs se bornaient à répéter son nom à l’appel. « Ça nous a aidés à tenir, confie Romain Bergeron, professeur d’anglais et de lettres. Il devait revenir. »
Taoufik a quinze ans quand il arrive en France en 2002. Il y rejoint ses parents et ses six frères et soeurs. « Comme l’appartement était petit, notre père nous a fait venir petit à petit », raconte Abderraham El Madroussi, frère de Taoufik qui a la nationalité française. Malheureusement, à quinze ans il est trop tard pour que le garçon obtienne la nationalité française ou un titre de séjour de droit à sa majorité. En avril 2008, lors d’une soirée d’anniversaire un peu arrosée, Taoufik et des amis sont arrêtés par les forces de l’ordre, alors qu’ils ennuient des passants. Comparution immédiate : huit mois d’emprisonnement dont quatre fermes. À sa sortie, le jeune homme passe directement à la case centre de rétention, avant d’être expulsé.
Symbole de la double peine, Taoufik est aussi l’exemple de ces jeunes devenus sans-papiers le jour de leurs dix-huit ans. Richard Moyon, du Réseau éducation sans frontières (RESF), revient de Lyon où se tenait ce week-end une assemblée générale de ces jeunes majeurs. « La victoire pour Taoufik est énorme, mais c’est le fait du prince, dit-il. Quand la pression est trop forte, le ministre recule. C’est complètement arbitraire, il faut que la loi change. » Depuis la création de RESF, seuls trois lycéens ont ainsi pu revenir en France après avoir été expulsés.
Devant le lycée, quelques élèves saluent l’événement. « C’est pas bien ce que la France a fait, lance Khelifa, seize ans. Je suis content qu’il revienne. Maintenant, il va pouvoir réussir sa vie. »
Source : L’humanité - Marie Barbier