Le Maghreb face à l’Union pour la Méditerranée

26 mai 2008 - 23h15 - Economie - Ecrit par : L.A

Remisés, les calculs politiciens et autres étroites considérations idéologiques. Place à la prospective. Pour débattre des enjeux de la création d’une Union pour la Méditerranée (UM), le Haut-commissariat au Plan (HCP) a convié un parterre d’universitaires, de chercheurs, de dirigeants d’institutions internationales, de responsables politiques et de prospectivistes. Objectif : échanger les expériences et les points de vue dans la perspective de la mise en place de l’Union pour la Méditerranée, que les dirigeants du HCP qualifient de « première approche structurante transméditerranéenne ».

Les participants, venus des quatre coins du monde, l’ont répété à l’unisson : l’intégration régionale euro-méditerranéenne est une nécessité vitale pour la paix, la croissance et la prospérité dans la région. Mais, bon nombre de conditions restent encore à remplir avant la naissance d’un tel ensemble. Selon Jean-François Jamet, consultant auprès de la Banque mondiale, « il faudrait d’abord mettre en place des projets clairs, dotés d’un financement conséquent et d’un soutien politique fort ; créer un secrétariat permanent pour une représentation commune des Etats membres ; impliquer la société civile ; réaliser l’intégration intrarégionale... ». A signaler que, malgré les « 37 conventions et accords signés dans le cadre de l’UMA », comme le rappelle Habib Ben Yahia, son secrétaire général de l’UMA, les échanges commerciaux entre pays maghrébins sont, de loin, les plus faibles du monde.

Elément important dans la construction d’un bloc régional, la démographie a été débattu avec force passion par différents intervenants. Comme le relève Brahim Ghanem, délégué auprès du Premier ministre algérien, chargé de la Planification, « en 2007, le Maghreb a une population de 90 millions d’habitants, pouvant atteindre 115 millions en 2030, soit 17% de celle de l’UE, soit encore 23% à l’horizon 2030 ». Chekib Nouira, président de l’Institut arabe des chefs d’entreprises, ajoute que « les moins de 15 ans constituent 35 à 40% de la population et la proportion des jeunes en âge de travailler va encore croître. La population de l’UE vieillit et les naissances (7,3 millions par an) ne compensent plus les décès (8,1 millions par an ». Par conséquent, l’UE sera demandeuse de la main-d’œuvre présente au sud de la Méditerranée.

Autre sujet traité par les orateurs, la sécurité. En effet, la création d’un ensemble régional ne peut faire l’économie de la résolution des différentes tensions qui minent la région. Fouad Ali El Himma, ancien ministre délégué à l’Intérieur et président de la Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Affaires islamiques à la Chambre des représentants, a tenu à mettre en exergue « les actions du Maroc visant à sécuriser le territoire, à garantir un passage sécurisé du détroit du Gibraltar, à sécuriser la ligne maritime atlantique... »

Une autre problématique, d’une actualité brûlante, n’allait pas échapper à l’attention des intervenants du forum. Il s’agit de la sécurité alimentaire dans la zone du Maghreb, au moment où l’on parle d’une vraie crise alimentaire mondiale. « La région n’est pas à l’abri, en particulier dans le domaine des produits alimentaires stratégiques comme les céréales, les oléagineux et les produits laitiers », prévient Belkaceme Hacene Bahloul, président de l’Association nationale des économistes algériens.

Youness Maamar, directeur général de l’Office national de l’électricité (ONE), a expliqué la stratégie du Maroc dans ce domaine et qui consiste en « la promotion de l’investissement et l’accès aux marchés régionaux, la promotion des investissements croisés, la contribution aux objectifs de l’UE de réduction des émissions de CO2 et la capitalisation sur les complémentarités (Maghreb, Europe du Sud, Afrique de l’Ouest) ».

Jean-Marie Aoust, secrétaire général du Comité national des conseillers du commerce, a prôné la naissance d’un nouveau partenariat public/privé (PPP) dans la réalisation des grands projets d’infrastructures. « A ce titre, les accords de Bretton Woods devraient être repensés parce que le groupe de la Banque mondiale et ses sœurs régionales ont été créées dans un contexte dépassé aujourd’hui. Elles doivent maintenant se réformer et devenir de véritables banques de développement au service du codéveloppement ». Au lieu du PPP, on devrait maintenant parler de PPPP (partenariat public/privé/peuple ». Entendre par là, l’implication de la société civile à travers les ONG. A ce niveau, Aoust n’a pas hésité à citer le dynamisme des ONG marocaines. Il faut que la création de l’Union pour la Méditerranée ne répète pas les mêmes erreurs que l’Alena. Puisque le Chili a renoncé, par exemple, à sa souveraineté alimentaire au profit des USA.

De même que pour le Canada qui a renoncé à sa souveraineté énergétique », prévient Dorval Brunelle, directeur de l’Observatoire des Amériques au Canada. Le Maghreb 2030 dans son environnement euro-méditerranéen et dans la perspective de l’Union pour la Méditerranée a permis aux scientifiques et aux experts d’exprimer leurs opinions et dresser l’inventaire des mesures préliminaires à la genèse de ce nouvel ensemble régional. Les dirigeants politiques ont-ils reçu le message ?

Investir dans la formation

Les populations maghrébines doivent relever plusieurs défis. L’un d’eux, et non des moindres, est celui de l’éducation et de la formation. Rachid Sfar, ancien ministre tunisien n’a pas manqué de le signaler : « Les pays du Maghreb devraient commencer dès à présent une vraie mise à niveau des systèmes éducatifs maghrébins. Il faut qu’ils fassent en sorte que 25% de leurs institutions universitaires soient classées parmi les meilleures universités du monde, parce qu’il y a à présent un vrai marché international des compétences ». Pour cela, le responsable tunisien prône la création du Fonds Ibn Khaldun pour la maîtrise du savoir ».

Un casting exceptionnel

Parmi les personnalités présentes au forum Maghreb 2030, Assia Benasalah Alaoui, ambassadeur itinérant ; Abdellatif Jouahri, gouverneur de Bank Al-Maghrib ; Abderrahmane Hadj Nacer, ancien gouverneur de la Banque centrale d’Algérie ; Salah Hannachi, ancien ministre tunisien ; Fouad Ali El Himma, ancien ministre de l’Intérieur, Youness Maamar, DG de l’ONE ; Hassan Abouyoub, ambassadeur itinérant ; Rachid Sfar, ancien ministre tunisien ; Ahmed Benbitour, ancien Premier ministre algérien ; Rachid Benmoukhtar, ancien ministre et président de l’Université Al Akhawayn...

Source : L’Economiste - Hassan El Arif

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