Depuis l’éclatement du scandale de corruption connu sous le nom de « Qatargate », les difficultés pour renvoyer les Marocains déboutés de leur demande d’asile vers leur pays d’origine se sont accrues.
C’est une dépêche de l’Agence France Presse qui l’a annoncé hier : les autorités portugaises, sans en avertir le gouvernement marocain, ont ordonné l’expulsion de 37 Marocains qui, selon un communiqué, séjournaient illégalement dans deux villes proches de Lisbonne. Les deux communes, où l’interpellation de 47 personnes a eu lieu vendredi soir, sont Vila Franca de Xira et Alhandra, qui abritent une importante communauté nord-africaine.
Le responsable de la police des frontières, Cesar Inacio, dépêché spécialement sur les lieux, a communiqué l’information à la chaîne de télévision privée SIC qui l’a diffusée. La décision d’expulser les 37 ressortissants marocains intervient, en effet, dans un climat dominé par la psychose des attentats en Espagne et au Portugal.
Au motif que cette communauté nord-africaine abrite en son sein des « irréguliers », la police des frontières - et non la police de Lisbonne tout court - y a donc effectué une « descente ».
La même source à Lisbonne annonce que « les autorités portugaises portent une plus grande attention aux immigrés clandestins marocains depuis les attentats du 11 mars dernier à Madrid ». Il a indiqué, par ailleurs, que « dix-huit suspects, en majorité des Marocains, sont actuellement en détention dans le cadre de l’enquête sur ces attentats ».
Il convient de souligner que l’interpellation et l’expulsion de ce groupe de ressortissants marocains n’allègent pas le poids des soupçons qui pèsent, à tort ou à raison, sur nos compatriotes installés à l’étranger. En particulier depuis les attentats perpétrés le 11 mars à Madrid et attribués à un groupuscule de Marocains affiliés à Al-Qaïda, dont le chef serait d’ailleurs un Tunisien, Sarhane Ben Abdelmajid.
Il est vrai, nous dit-on de source officieuse, que le Portugal n’est pas le seul pays à opérer une telle politique de ratissage dans les milieux de « l’immigration clandestine ». L’Espagne a commencé la première, suivie de l’Allemagne et de l’Italie.
S’il est vrai, en effet, que des Marocains constituent la majorité des présumés terroristes de Madrid, les « cerveaux » comme l’on dit, relèvent d’autres nationalités, syrienne, jordanienne, tunisienne… Au point que les services de renseignements, mobilisés d’un bout à l’autre de l’Europe, ne savent plus à quel islamiste se vouer…
Preuve en est que, dans l’excitation qui a suivi les arrestations du groupuscule de Madrid, la police a arrêté et relaxé plusieurs d’entre les présumés coupables.
Non qu’il faille mettre en doute les preuves et les pièces à convictions amassées par les services antiterroristes. Mais l’éthique, sans compter ce qu’on appelle le principe de présomption à l’innocence , imposent la nécessité d’éviter l’amalgame et de ne pas céder au méprisant réflexe du faciès.
En un mot, l’immigration quand bien même elle serait en partie illégale - depuis notamment quelques années - ne saurait aucunement être assimilée à un terrorisme quelconque. Autrement dit, tous les immigrés ne sont pas des terroristes potentiels ou " dormants ".
La décision du gouvernement portugais de procéder à l’expulsion dare-dare de 37 citoyens marocains, constitue un grave tournant de nos jours dans le raidissement de la politique d’ouverture des pays de l’Union européenne.
Elle rappelle le fameux " charter " de Charles Pasqua, alors ministre de l’Intérieur en France, qui prit en 1996 la même décision à l’encontre d’une communauté de Maliens embarqués manu militari dans un avion.
Jusqu’ici, les autorités policières portugaises n’ont invoqué, à propos des 37 ressortissants marocains, que leur statut " d’immigrés illégaux " et de clandestins. Ce qui devrait a priori les faire bénéficier à tout le moins de circonstances atténuantes et de leur éviter l’expulsion illico presto.
Lematin.ma - Hassan Alaoui
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