Le mariage slaoui... des traditions en voie de disparition

18 juillet 2002 - 14h24 - Culture - Ecrit par :

Le mariage slaoui se démarque nettement de ceux des autres villes du Maroc à travers des pratiques et des rites qui font partie de la mémoire populaire de cette ville, malgré les vicissitudes du temps.

Les spécificités du mariage slaoui donnent toute la mesure de la richesse du patrimoine culturel des familles slaouies et l’effet du temps et les mutations sociales n’ont pu avoir raison de cet héritage dont les mères et grand-mères slaouies sont jalousement dépositaires.
Quand un jeune Slaoui voulait demander la main de la fille que ses parents ou la marieuse lui ont choisie, sa mère, en compagnie de sa sœur et ses tantes rend visite aux parents de la fille, selon les convenances admises dans ces milieux, pour faire la connaissance de la fille, recueillir son avis et se mettre d’accord sur les dispositions des fiançailles.
Quelques jours après et avec l’approbation des parents de la fille, les parents du futur mari effectuent une autre visite chez la famille de la future épouse, apportant un cadeau symbolique, sous forme de bijou en plus d’un plateau de henné, un sac de sucre en pain, du lait et des dattes, dans ce qui est convenu comme étant la cérémonie du « R’cham » de la fiancée avant de finaliser les fiançailles : « Kmalt Laâtia ».
Juste après la prière d’Al Asr et avant la lecture de la Fatiha, les deux familles se mettent d’accord sur la valeur de la dot, sur la date de la conclusion du mariage et sur celle des noces.
Entre « Kmalt Laâtia » et la nuit des noces, le mari comble sa fiancée de cadeaux et particulièrement à l’occasion des fêtes religieuses en vue de lui témoigner ses bons sentiments et lui signifier qu’il tient à honorer son engagement. Bien que le mari ne voie pas sa fiancée, il supplée à cette absence en se faisant une image d’elle à partir des descriptions de sa mère et de ses sœurs. La fille procède de même pour se faire une idée de son prince charmant.
La fille garde tous les présents qu’elle reçoit de son fiancé en plus des cadeaux que lui offrait sa mère depuis son bas âge. Sa mère veille à mettre tous les accessoires ou « chouar », appelés « dhaz » dans d’autres régions, dans un coffret en velours rouge, couvert d’un tissu brodé. Le « chouar » comprend généralement des nappes, des serviettes, des couvre-lits, des robes et caftans traditionnels cousus à la manière rbatie.
A 15 jours du jour J, les proches de la fille procèdent à la préparation des accessoires du « chouar » dans une ambiance festive ponctuée de youyous et de louanges au Prophète Sidna Mohammed. Deux jours après, une vieille femme, appelée communément « arrada » et réputée auprès des familles de la ville pour sa connaissance des subtilités du cérémonial du mariage, vient se mêler de la partie. La « arrada » se fait tremper les mains de henné par la mère de la fille, reçoit une somme d’argent en guise de rétribution pour ses services et quitte les lieux tambours battants, gerbe de fleurs et de menthe à la main, sur fond de youyous et d’exultations de joie.
Le mercredi suivant, le mari envoie une somme d’argent à sa fiancée en guise de frais de bain, pour elle et ses parentes. Avant d’aller au hammam, le jeudi, la fille se fait imprégner les cheveux de henné mêlé à l’eau de rose et autres essences (girofle, lavande). Son déplacement se fait pompeusement sous forme de défilé de la maison jusqu’au hammam, au rythme des youyous qui fusent des maisons voisines, avec des filles portant des bougies, des pains de sucre destinés à la « tayyaba », la femme qui se chargera de la propreté de la mariée dans les règles de l’art.
Entre-temps, sa mère aura exposé le « chouar » aux voisins et amis qui prodiguent youyous et formules de bénédiction pour chasser le mauvais œil.
A une heure tardive de la nuit de jeudi, deux hommes en compagnie de deux femmes transportent le « chouar » à la chambre où aura lieu la nuit des noces. A partir de ce jeudi, la fille observera une retraite « nbita » dont l’intimité n’est pas partagée que par des amies célibataires qui lui tiennent compagnie en guise de soutien moral.
Le même jour, le mari va au hammam en compagnie de ses amis et reçoit un présent de sa fiancée sous forme de malle remplie d’accessoires de toilette, d’une pyjama et d’habits traditionnels, ainsi que des cadeaux pour ses futurs beaux-parents.
Le lendemain, la mariée sacrifie au rite du henné et effectue, les yeux voilés et en compagnie de ses amies, le tour des saints de Salé en particulier Sidi Abdellah Ben Hassoun. A ce moment, la famille du mari apporte la grande offrande, généralement deux moutons, des tissus de grande qualité, deux paires de chaussures, deux sacs à main, des bijoux, ainsi que deux récipients en émail ; l’un empli de miel pur avec amendes grillées et sésame, et l’autre de lait. La fille se retire, les yeux toujours couverts, dans une chambre isolée et reçoit deux adouls (notaires) pour conclure l’acte de mariage. La cérémonie est sanctionnée par un dîner copieux à base de pastilla, de poulet grillé et de viande accompagnée de pruneaux et de cocktail de fruits.
Le samedi, le mari célèbre le rituel du rasage « hssana », en présence des parents et des amis, sur fond de musique andalouse et de malhoun. La cérémonie est souvent agrémentée de verres de thé et de pâtisseries distribués par des barbiers sollicités à l’occasion.
L’heureux élu endosse ensuite, sous les acclamations des amis, le « jabador » (costume traditionnel brodé) et la djellaba et se dirige vers la maison de sa fiancée pour lui tenir compagnie. Auparavant, cette dernière aura accompli le rite de la « Barza » au cours duquel elle se fait draper, tour à tour et par les bons soins d’une maquilleuse, de cinq caftans. La cérémonie est généralement égayée par un orchestre féminin de musique andalouse ou un orchestre d’hommes... aveugles pour soustraire aux regards indiscrets le charme des femmes parées de leurs plus beaux atours.
La nuit des noces arrive. Le mari ramène sa fiancée chez lui avec une « vizir », une proche parente de la mariée, chargée de la mettre à son aise. Le lendemain, le jour de « sbouhi », la famille du mari organise un festin en l’honneur des parents de la mariée qui apportent souvent le « ftour » (fruits, confiseries), le cadeau du père (une chaîne d’or généralement), ainsi que les cadeaux des amis et des parents. La jeune mariée, dans sa belle allure, se dirige ensuite à la cuisine pour préparer une alose sous le regard de sa belle-mère qui veut en avoir le cœur net sur les aptitudes culinaires de sa belle-fille. Chez les slaouis, l’alose est un porte-bonheur pour les jeunes mariés.
Le 7ème jour, appelé « lahzam », la jeune mariée met une ceinture, symbole de maturité et d’accès au cercle des femmes mariées.
Ainsi, le mariage slaoui aura achevé, dans le détail, les jours consacrées par les traditions qui, hélas, ont tendance aujourd’hui à s’uniformiser dans toutes les régions du pays au risque de perdre de leur pittoresque et de leur charme.

Nadia Abram pour Albayane

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