La Fouine se livre en « Aller Retour »

22 novembre 2007 - 00h11 - France - Ecrit par : L.A

A Trappes, dans sa ville du 78, c’est la mascotte. « La Fouine », ce surnom un peu ridicule que lui ont donné ses copains alors qu’il était encore un gamin turbulent, il en a fait son blaze de rappeur. De son vrai nom Laouni, ce personnage du rap français, 25 ans, trimballe son mètre 90 dans des vêtements hip-hop trop larges à point, avec une barbichette comme unique coquetterie pileuse.

Variété. Un jour, il fait le tour des cités HLM qu’il a toutes habitées, en Twingo avec Lorie à fond les enceintes, un autre en Mercedes chantant à tue-tête les Vieux de Jacques Brel. Son goût pour la variété, la Fouine l’a cultivé à l’école de musique de sa ville. Enfant, c’étaient les jours heureux, ses parents étaient ensemble, tout le monde jouait d’un instrument lors des fêtes de l’Aïd.

Du coup, aujourd’hui, à l’heure où il propose son deuxième album, Aller Retour, en concert, c’est forcément avec des musiciens : « Je ne conçois pas la scène autrement. Je peux donner une couleur différente à mes morceaux. En même temps, il y en a certains que je ne jouerai qu’avec mon DJ parce que je veux garder le côté brut, sale de la banlieue. » Car Laouni-la Fouine compose avec ses deux facettes : l’une juste, généreuse, lucide, que l’on découvre sur des morceaux tels que Drôle de parcours, où il raconte l’itinéraire d’un mineur délinquant, jeune père ; Tomber pour elle et ses angoisses de jeune amoureux, qu’il confie à Amel Bent ; ou encore Je regarde là-haut, en hommage à sa mère décédée...

Et puis il y a l’autre facette. Bordélique, grossière, bête comme un émeutier, avec des morceaux comme Reste en chien ou Ma Tabatière , chronique d’un dealer : « C’est vrai, reconnaît la Fouine, mais ça me ressemble, c’est aussi le reflet de ma génération. On est capables d’aller monter les courses d’une maman au huitième étage sans ascenseur, et la minute d’après de s’insulter avec les potes avec une vulgarité dont vous n’avez même pas idée. En même temps, Jacques Brel, aussi, chantait “les Vieux”, puis les “Bonbons”... »

C’est à l’adolescence que ça s’est gâté pour la Fouine, il a été le mineur délinquant qu’il raconte dans Drôle de parcours : « Sauf que mon enfant, je l’ai eu à 19 ans. C’est mon meilleur ami qui a été père avant sa seizième année. Pour le reste, je voulais montrer à quel point c’était dur. On vit comme des adultes alors qu’on est encore des gosses. » Pour Laouni, cette drôle de vie se passe entre 14 et 20 ans. Il est placé d’abord en foyer après avoir été expulsé du collège. Mère au RMI et père absent (parti au Maroc avec l’argent des allocs), il fugue du foyer, cambriole, trafique. A 16 ans, il est condamné à de la prison ferme pour vol à main armée, puis casse avec séquestration, trafic de stupéfiants… Mais Laouni ne frime pas – pas avec la prison en tout cas : « Je n’en ai jamais fait plus de six mois. »

« Crédit ». Finalement il jure que la musique, la naissance de sa fille, l’ont sauvé, mais n’arrive toujours pas à comprendre ce qui s’est passé, et s’interroge à haute voix dans son morceau le Cœur du problème : « Je le cherche encore. Aujourd’hui, je me demande : “Comment j’ai pu faire tout ça ? Comment ai-je pu être aussi violent, aussi bête pour être passé à côté des études ?” Je me foutais de tout, je n’avais rien à perdre. Dans ma chambre, il n’y avait rien à part les trucs que j’avais volés la veille. Dans le frigo, les dons des Restos du cœur. Ma mère essayait de faire tourner la maison avec les 2 000 francs du RMI. Sans Mohammed, l’épicier qui nous faisait crédit, on serait morts de faim. Donner l’envie à des jeunes d’avoir quelque chose à perdre, je pense que c’est ça, le cœur du problème. »

Libération - Stéphanie Binet

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