Alors que le gouvernement est en train de plancher sur une réforme du Code de la famille, le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire vient de publier son rapport sur la polygamie dans lequel on apprend que quelque 20 000 demandes pour un deuxième...
Des femmes étrangères vivant en France ne peuvent obtenir de carte de séjour, faute d’un accord de leur mari. C’est le cas de Safia. Battue, elle a quitté le domicile conjugal, et se retrouve hors la loi.
À 33 ans, Safia est sans ressources, sans domicile fixe, sans travail, sans papiers. Le seul bien qui lui reste, ce sont ses enfants : sa petite fille de 2 ans et le bébé qu’elle porte dans son ventre depuis cinq mois et demi. Cette Marocaine, arrivée en France en 1998 avec un visa touristique, s’est mariée trois ans plus tard avec un Marocain en situation régulière. Selon la loi française (voir encadré), elle aurait dû bénéficier du regroupement familial et obtenir, en tant qu’épouse d’un étranger détenteur d’un titre de séjour, le même titre que lui : une carte de résident, valable dix ans. Mais la loi précise également que seule la personne possédant le titre de séjour peut entreprendre, pour son conjoint, ces démarches administratives. Et Nacer refuse.
« Chaque fois que j’en parlais, raconte Safia, il me répétait : "Jamais tu n’auras tes papiers. Après, tu me quitteras." » Pourtant, se lamente cette belle femme, fluette malgré son ventre rond, elle ne l’a pas épousé pour les papiers. Elle le croyait l’homme de sa vie. D’ailleurs, Nacer ne voulait pas se marier tout de suite. Il souhaitait qu’ils se connaissent mieux. « Au bout d’un an de vie commune, ma famille ne comprenait pas qu’on habite ensemble sans être mariés, se souvient Safia, avec amertume. Ils ont menacé de ne plus me voir. On s’est mariés. » Aujourd’hui, Safia a cessé d’espérer que son mari entreprenne les démarches nécessaires à sa régularisation. De toute façon, elle n’a plus droit au regroupement familial. Elle ne répond plus à l’un des critères nécessaires à l’obtention du titre, depuis les lois Pasqua d’août 1993 : la communauté de vie.
Malgré sa situation et l’amour qu’elle éprouve toujours pour son mari, elle a quitté avec sa fille l’appartement confortable de trois pièces qu’elle partageait avec lui depuis trois ans et demi. Pour vivre tantôt chez sa soeur, tantôt chez son frère, qui habitent Asnières. « Dès que mon mari boit de l’alcool, il me frappe, explique Safia dans un filet de voix plaintif. Il devient quelqu’un d’autre. Il boit quand il sort avec ses amis, jusqu’à ne plus pouvoir tenir debout. Quand il rentre, il me réveille, m’insulte et finit par me taper à coups de poing et de pied. » La première fois, c’était cinq mois après leur mariage. Il a continué pendant qu’elle était enceinte, il a recommencé deux mois après l’accouchement. « Seule, je ne sais pas si je l’aurais quitté, se demande-t-elle. Ma fille me dit souvent : "Papa, il est pas beau." Je ne veux pas que les enfants soient traumatisés. »
Pendant deux ans, elle n’a pas osé parler à sa famille de ce qu’elle endurait. « Jamais personne n’avait levé la main sur moi, pas même mon père, justifie Safia, qui laisse perler quelques larmes. J’avais peur. » Elle a souvent quitté l’appartement au beau milieu de la nuit pour se réfugier un jour ou deux chez la mère de son mari. Une femme compréhensive, qui lui rappelait pourtant : « Les hommes, c’est comme ça, faut pas les énerver. » Et Safia, comme si elle avait besoin de se justifier, de répliquer : « Quand il insulte ma famille, c’est plus fort que moi. Je lui réponds, et il frappe. Surtout quand il s’agit de mon père, décédé. Il ne l’a même pas connu. Je préfère encore qu’il me tape, plutôt qu’il m’insulte, qu’il me dise que je suis une moins que rien, parce que je n’ai pas fini mes études, parce que j’ai travaillé comme femme de ménage... Je ne peux pas le supporter. »
Elle n’osait pas non plus porter plainte. « Quand je menaçais d’aller au commissariat, mon mari me répondait : "Tu es sans papiers. Si tu vas voir la police, elle placera ta fille à la Ddass" », explique Safia. « Je ne connaissais pas la loi. Et je veux que mes enfants vivent ici, fassent leurs études ici. Au Maroc, il n’y a pas de travail. » Mais lorsque son mari l’a mise à la porte, en janvier 2003, cela a été le geste de trop. Elle s’est réfugiée chez sa soeur. Aussitôt, son mari est venu lui réclamer sa fille. Cette fois, Safia a appelé la police. Elle a porté plainte, acte médical à l’appui. À l’hôpital, une assistante sociale lui a expliqué que, même sans papiers, elle ne serait pas séparée de son enfant si elle s’en occupait bien. C’est elle qui l’a mise en contact avec l’Asti 92 (Association de solidarité avec les travailleurs immigrés). « Françoise Thibaud, chargée de cette permanence, m’a aidée à faire des démarches pour être régularisée. »
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