Dans certains pays, dont l’Espagne toute proche, la situation est dramatique avec une accumulation sans précédent de logements invendus entraînant dans son sillage une cascade de faillites dans la promotion immobilière. Pour un pays dont le quart du PIB dépend du BTP, le coup est dur.
Fort heureusement, le Maroc, qui peut compter sur un important gisement de logements sociaux, n’est pas encore dans ce schéma, en dépit de l’inquiétude qui gagne des opérateurs dans le résidentiel de luxe. La production des crédits immobiliers, même si elle ralentit par rapport aux années phares, continue de croître. Le Maroc peut aussi s’appuyer sur des fondamentaux qui restent globalement sains. Le taux d’endettement reste bas, moins de 20% du parc immobilier (selon les estimations de MC Groupe Connexion), mais en progression rapide avec l’émergence d’une classe moyenne qui a accès au crédit.
Le marché de la résidence de luxe est particulièrement vulnérable à la crise internationale car ses débouchés proviennent, pour une large part, de la clientèle européenne. Résultat, il devient de plus en plus dur de vendre et en tous les cas, la durée moyenne pour écouler un programme s’est rallongée, affirment des promoteurs à Marrakech.
Qu’ils soient intermédiaires ou investisseurs, la plupart des professionnels interrogés confirment la contagion de la crise en Europe : « Les transactions sont au ralenti même si l’on observe une petite reprise depuis la mi-janvier », relève Bernard Charrière, gestionnaire de patrimoine et directeur général de MC Groupe Connexion. A Marrakech, vitrine marocaine de la résidence de très grand luxe, l’euphorie dans laquelle baignait le marché ces dernières années est en train de s’estomper peu à peu. Malgré tout, les opérateurs se veulent optimistes pariant sur un passage à vide momentané en s’appuyant sur le comportement des investisseurs qui viennent de partout, et qui entendent saisir la « bonne » affaire.
Selon les spécialistes, le marché du très haut standing (la profession ne s’est pas encore accordée sur les critères de catégorisation) est aujourd’hui en surcapacité. La question taboue de la bonne fin de certains projets se pose désormais (certes, à voix basse). Il y a un net retournement des rapports de force. Le contexte est aujourd’hui nettement favorable à l’acheteur, mais pour autant il n’a pas été relevé de grosse décote sur le prix du mètre carré. Du moins, officiellement. Ce « paradoxe » tient au fait que beaucoup de promoteurs se sont peu endettés pour financer leur programme. Ils ont massivement recouru aux fonds propres et peuvent donc temporiser en attendant des jours meilleurs.
Quoi qu’il en soit, la conjoncture actuelle est peut-être un bien pour un mal. « Elle devrait permettre d’assainir le secteur et de le rendre plus sélectif », analyse Robert Azoulay, président du Domaine Royal Palm de Marrakech. Pour lui, « on ne pourra plus vendre n’importe quoi et n’importe où ». S’il se garde bien de les citer, Robert Azoulay vise tous ces « amateurs » qui ont vu dans la promotion immobilière une source d’argent facile. Ceux-là, « qui ont réalisé des produits en dépit du bon sens », vont souffrir, prédit-il. La crise économique, dit-il, va changer les manières de faire dans l’immobilier. « Les notions de pérennité, de respect de l’environnement, d’aménagement du cadre de vie et d’investissement deviendront vitales » à court terme, observe le président du Domaine Royal Palm.
Le marché est en train de s’assainir et la référence du prix au mètre carré devient moins importante, puisqu’il faut de plus en plus comparer des biens comparables en standing, en services offerts, en qualité de syndic également. De grands programmes moins avancés ont de plus en plus de mal à vendre sur plans malgré des spéculateurs qui restent à l’affût. C’est peut-être d’eux que viendra le grand redémarrage.
Source : L’Economiste - A. S.