Immigration : la politique des faux-semblants

9 mai 2003 - 13h27 - France - Ecrit par :

Nicolas Sarkozy concède quelques avancées pour mieux mettre en œuvre une politique répressive : stopper l’arrivée des étrangers, les expulser plus vite, précariser ceux qui vivent en France.

En matière d’immigration, le gouvernement poursuit l’idée de ses prédécesseurs : la maîtrise des flux migratoires. Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur, s’est chargé de mettre en oeuvre cette politique (dont l’expérience a montré l’inefficacité) et, pour l’instant, il le fait avec une certaine habileté. En effet, tout en lançant une série de mesures répressives, il prend soin de donner ponctuellement satisfaction aux organisations des droits de l’homme, acceptant des revendications auxquelles le gouvernement Jospin était totalement sourd. On le voit avec la double peine (qui concerne les étrangers condamnés à faire de la prison et qui sont expulsés une fois leur peine accomplie) : sans la supprimer, Nicolas Sarkozy annonce que des catégories de personnes seront non-expulsables.

En réalité, la politique concernant les étrangers repose sur trois idées-force : empêcher l’arrivée des « indésirables, les expulser plus vite et en plus grand nombre, précariser le séjour de ceux qui vivent en France.

L’accès au territoire français doit donc devenir plus difficile pour tous les migrants. Le projet de loi sur l’asile, signé par Dominique de Villepin mais d’inspiration sarkozienne, donne le ton. Les quelques améliorations - l’Ofpra devient le bureau unique, la protection est étendue aux personnes persécutées par des autorités non étatiques (des Algériens menacés par les islamistes, par exemple) - ne peuvent cacher un recul considérable avec l’introduction de notions telles que l’« asile interne alternatif » (une personne qui aurait accès à une protection sur une partie de son territoire d’origine ne peut demander l’asile), la désignation de « pays sûrs », l’instauration de protections au rabais. Et au-delà de la loi, Sarkozy met en place un dispositif redoutable, que les associations appellent « l’externalisation des problèmes ». Les pays d’émigration devraient empêcher le départ de leurs ressortissants : le Sénégal ou la Roumanie sont priés, non de respecter les droits de l’homme, mais d’empêcher leurs ressortissants maltraités (opposants politiques, Roms...) de fuir. Contre espèces sonnantes ? On envisage aussi d’envoyer des antennes de police dans certains aéroports (Bamako, Dakar, etc.), de renforcer les pouvoirs de police des compagnies d’aviation (pour refuser l’embarquement à certains voyageurs). Mieux, la France et l’Europe testent la création de camps aux frontières de l’Union (Albanie, Maroc), où les postulants (réfugiés, exilés, demandeurs d’asile) seraient parqués, en attendant de savoir s’ils sont admis au séjour.

Dans le même temps, le projet de loi sur le séjour des étrangers facilite les expulsions. La méthode a été expérimentée sous une forme particulière avec le vidage de la zone d’attente de l’aéroport de Roissy : sans que les avocats ou les associations aient pu avoir connaissance de leur situation, des personnes arrivées d’Afrique ont été mises dans un avion affrété spécialement pour leur retour.
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