Quelque 431 000 migrants, dont 31 000 Marocains, ont été expulsés du territoire de l’Union européenne (UE) en 2022, selon un récent rapport d’Eurostat intitulé « Migration et asile en Europe 2023 ».
Entre l’immigration irrégulière, insupportable pour les pays d’accueil, et l’immigration choisie, accusée de piller les régions pauvres de leurs meilleurs éléments, existe-t-il une troisième voie ? Il a été beaucoup question des « migrations circulaires » au Forum sur le travail décent, organisé la semaine dernière à Lisbonne par l’Organisation internationale du travail (OIT) et qui a réuni quelque 300 participants, ministres, syndicalistes et responsables patronaux.
Fort de son expérience de régularisation massive de ses clandestins, et alors que l’Espagne estime à 4 millions ses besoins de main-d’oeuvre immigrée d’ici à 2020, le ministre du travail Jesus Caldera se déclare chaudement partisan de la formule : « Nous avons un programme de coopération avec l’Afrique qui a créé quinze écoles-ateliers répondant aux besoins de ces pays, une main-d’oeuvre qui pourra aussi venir travailler chez nous. En 2006, nous avons procuré 60 000 contrats d’immigration temporaire à des personnes présélectionnées par leurs pays d’origine. »
Les migrations circulaires, une notion encore peu utilisée en France, ont d’ores et déjà reçu leur définition de la Commission européenne : « Tout schéma par lequel la circulation de migrants ou d’anciens migrants, ou des allers-retours entre pays d’origine et (ex-)pays de résidence sont facilités. » L’Espagne y recourt de plus en plus dans le domaine agricole, notamment pour la cueillette des fraises où elle a signé plusieurs dizaines de milliers de contrats individuels avec le Maroc.
En tant que commissaire européen à l’Emploi, aux Affaires sociales et à l’Égalité des chances, le tchèque Vladimir Spidla est très favorable au projet de « carte bleue » (la couleur du drapeau européen) censé favoriser les déplacements temporaires : « Si des Polonais hautement qualifiés vont travailler sur le programme Iter en France, c’est également un avantage pour la Pologne quand ils reviendront. Par ailleurs, il ne faut pas oublier qu’un poste de très haut niveau en induit deux ou trois autres. En Europe, les pays les plus ouverts à la main-d’oeuvre étrangère connaissent les taux de chômage les plus bas. »
Fuite des cerveaux
Les migrations circulaires parviendront-elles à enrayer la fuite des cerveaux particulièrement massive dans le domaine médical ? « On compte plus de médecins issus du Malawi qui exercent à Manchester que dans leur pays d’origine », s’insurge Josep Borrell, président de la commission du développement du Parlement européen.
Les raisons de ces exodes tiennent aux écarts de niveau de vie, alors qu’« environ la moitié des travailleurs du monde touche un salaire inférieur à 2 dollars par jour » selon l’OIT. À cela s’ajoute une invraisemblable déperdition des compétences, comme si les nations s’avéraient incapables d’utiliser leurs hommes. « Au Mexique, à peine 4 % d’une classe d’âge va à l’université, dont la moitié seulement terminera ses études, et seulement 17 % des diplômés travailleront dans un domaine en rapport avec leurs études », regrette Ariosto Manrique, de la confédération du patronat mexicain.
Le Figaro - Jean-Pierre Robin
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