La société britannique Chariot Oil & Gas a récemment annoncé avoir fait une importante découverte de gaz naturel au Maroc, dans la licence « Loukos Onshore ».
Les craintes s’emparent à nouveau du secteur pétrolier à cause du retour du spectre des arriérés. Fortement réduites à partir de fin 2006-début 2007, lorsque l’Etat s’était engagé à leur verser régulièrement et chaque mois une moyenne d’un milliard de DH, les sommes dues aux pétroliers par la caisse sont, depuis le début de cette année, reparties à la hausse de façon vertigineuse.
A la mi-avril, et selon les données fournies par le Groupement des pétroliers du Maroc (GPM), les arriérés dus par la caisse aux distributeurs (affiliés bien entendus au GPM et qui représentent 86% du marché) ont atteint 5,5 milliards de DH. Le montant suscite d’autant plus de craintes que, l’année dernière à la même époque, le niveau des arriérés était beaucoup plus bas (3,7 milliards de DH seulement).
Ce qui inquiète également les professionnels, c’est la tendance haussière de ces arriérés qui s’est installée depuis décembre dernier. En effet, la Caisse de compensation avait terminé l’année 2007 sur un solde de 4,7 milliards de DH. Lequel solde est passé à 5,5 milliards, puis 5,8 milliards, et 6,5 milliards à fin mars. Et c’est seulement après le déblocage, début avril, d’une enveloppe d’un milliard de DH que le montant a été ramené à 5,5 milliards.
Pourtant, du côté de l’Etat, les versements sont réguliers et mensuels : depuis le début de l’année, ce sont quelque 3,7 milliards de DH qui ont été servis aux sociétés de distribution. Pourtant, même à ce rythme, les professionnels expliquent que ce n’est plus suffisant vu la flambée des cours qui sévit depuis quelques mois. « Dans la situation actuelle, le déficit mensuel est de plus d’un milliard de DH, c’est-à-dire que même avec des versements d’un milliard de DH par mois, la caisse se retrouvera à la fin de l’année avec au moins 10 milliards d’arriérés », expliquent les responsables du GPM que La Vie éco a pu rencontrer.
L’Etat verse un milliard de DH par mois alors qu’il en faudrait deux
En fait, il faudrait des versements mensuels d’au moins 2 milliards de DH pour espérer contenir les arriérés au même niveau que l’année dernière. Démonstration : le solde actuel négatif de la caisse est de 1,7 milliard de DH par mois en moyenne. Sachant qu’il reste encore 9 mois avant la fin de l’année, cela fait un total de 15,3 milliards de DH, soit 21 milliards de DH si l’on tient compte des arriérés actuels. Si l’on retranche de ce montant les 10,5 milliards de DH budgétés par l’Etat au titre de la compensation destinée aux hydrocarbures, on aboutit à 10,5 milliards de DH. Sans tenir compte du fait que d’ici là les cours du baril continueront certainement de flamber.
C’est à la lumière de ces éléments que les distributeurs disent vouloir attirer l’attention des pouvoirs publics sur la gravité de la situation. Car, avec 5,5 milliards, et certainement beaucoup plus dans les mois à venir, « il y a des menaces sérieuses sur l’approvisionnement du marché », met en garde le GPM.
En effet, la charge étant de plus en plus lourde sur leur trésorerie et leur capacité d’endettement, certaines sociétés ont de plus en plus de mal à trouver des financements bancaires - généralement facilités et lignes de fonctionnement - pour financer leurs achats. « Si l’on continue sur ce rythme, certaines sociétés ne pourront plus s’approvisionner au mois de juin ».
A cela il faut ajouter le fait qu’un solde de 5,5 milliards de DH engendre des frais financiers d’environ 300 MDH par an supportés par les distributeurs. « L’Etat ne peut pas prendre de retard dans les versements et nous demander, en plus, de payer les frais engendrés par ces retards ».
Face à cette situation, l’Etat, lui, semble à court de solutions. Tout en confirmant que les arriérés à la mi-avril sont effectivement de 5,5 milliards de DH, le directeur de la caisse, Najib Benamour, explique que « l’on ne peut pas raisonnablement demander des versements de 2 milliards de DH par mois pour la simple raison qu’ils n’ont pas été budgétés ».
M. Benamour, tout en affirmant comprendre la détresse des pétroliers et en rappelant que la caisse fait son possible pour liquider les dossiers à temps, estime qu’il ne peut faire mieux. Qui dit liquidation ne veut pas forcément dire paiement car il faut attendre que le ministère des finances débloque les fonds - quand il y en a -, ce qui prend généralement quelques jours de plus.
Parmi les solutions proposées par les membres du GPM : augmenter les prix à la pompe. « Il n’y a pas de recette magique, c’est soit le client final qui supporte soit le distributeur ». Pour couper la poire en deux, les professionnels proposent que des augmentations soient opérées de manière discriminatoire pour certains produits et pas d’autres.
Concrètement, le GPM demande à l’Etat d’augmenter les prix du gasoil 350, des essences (super et super sans plomb) et surtout le fioul. De combien ? Ils n’ont pas d’idée précise mais « cela permettra au moins d’amortir le choc ». En effet, il faut savoir que le litre de gasoil 350 vendu aujourd’hui à 9,13 DH vaudrait 10,95 DH s’il n’était pas subventionné. Le super, lui, vaudrait 11,81 DH/l au lieu de 10,25 DH et le fioul 4 268 DH la tonne au lieu de 2 874 DH actuellement.
Les arguments des pétroliers sont simples : ces produits (le gasoil 350 et le super) sont davantage utilisés par une classe aisée qui peut supporter une hausse de prix. Quant au fioul, pourtant utilisé par l’ONE pour produire de l’électricité, les pétroliers estiment que « l’Etat n’a qu’à agir sur la tarification de l’électricité pour faire en sorte que le renchérissement des coûts de production ne soient pas ressentis » et que, par ailleurs, « il n’est pas logique aujourd’hui que les industries utilisent du fioul subventionné pour produire ».
Maintenant, il faut attendre la réponse du gouvernement. Les pétroliers ont demandé audience au ministre des affaires économiques et générales, Nizar Baraka, pour lui faire part de leurs préoccupations et lui exposer leur solution. Mais il n’est pas sûr que Abbas El Fassi, en ces temps de dialogue social, accepte de toucher aux prix à la pompe. En mars déjà, et à la veille du premier round avec les syndicats, la proposition faite par Salaheddine Mezouar de les augmenter de 0,50 DH n’avait pas reçu de suite favorable.
Source : La vie éco - Saâd Benmansour
Ces articles devraient vous intéresser :