France - Intégration : un processus en panne

27 janvier 2004 - 00h29 - France - Ecrit par :

En temps normal, ce rapport n’aurait sans doute qu’à peine été commenté. Mais à quelques encablures de la campagne électorale pour le scrutin régional de mars et à 48 heures de l’adoption en Conseil des ministres du projet de loi sur la laïcité - qui prohibe les signes religieux à l’école -, le document n’est pas passé inaperçu.

Lundi, le Haut Conseil à l’Intégration a estimé que la politique d’intégration et d’égalité des chances devait être « refondée ». Cette instance, qui regroupe quinze personnalités indépendantes, en veut notamment pour preuve le sort des catégories de la population « oubliées » de ces politiques : singulièrement les jeunes « aujourd’hui abandonnés à eux-mêmes » dans les quartiers en difficulté. Le Conseil - présidée par la très chiraquienne philosophe Blandine Kriegel - a par ailleurs condamné le concept sarkozien de discrimination positive. Il a aussi plaidé pour que toute la communauté issue de l’immigration puisse bénéficier de cours de français et d’éducation civique, et pas uniquement les nouveaux arrivants dans le cadre de leur contrat d’intégration. Enfin, il a pressé les autorités à mieux promouvoir les exemples de réussite au sein de la communauté issue de l’immigration et à donner davantage de visibilité médiatique aux minorités.

Lundi, les auteurs du rapport du Haut Conseil ont explicitement condamné la tendance actuelle au communautarisme et au repli sur soi. Mais le document lui-même n’aborde pas la question du voile islamique. Sur ce sujet brûlant, précisément, les positions se figent. « Il y aura une loi », vient ainsi de répéter le Premier ministre en personne. « La République (...) ne peut accepter de se laisser ronger de l’intérieur », a justifié Jean-Pierre Raffarin. Face aux « intégristes et aux fondamentalistes », elle « doit se défendre et prendre les moyens pour se faire respecter, y compris par la loi ». Une nouvelle fois, le chef du gouvernement a démenti toute dissension sur ce sujet au sein de son équipe, et a assuré n’avoir pas une vision « anti-religieuse » ou « agressive » de la laïcité.

La future loi, néanmoins, déchire toujours le pays. Alors que, dans leur ensemble, sept Français sur dix la soutiennent, selon un sondage publié lundi(*), 53 pc des Français d’origine musulmane s’y opposent, contre 42 pc qui l’approuvent. En outre, près d’un Français musulman sur deux (45 pc) applaudit les manifestations contre l’interdiction du voile qui ont été organisées récemment par des groupuscules islamistes radicaux, à Paris comme en province.

Radicalisation des jeunes ?

C’est surtout le volet du sondage relatif aux jeunes qui interpelle. Il indique que 65pc des 18-24 ans sont contre la loi et que, dans cette catégorie de la population, les partisans des démonstrations de force des islamistes sont majoritaires (56pc). Enfin, il révèle qu’une minorité non négligeable (30pc) de jeunes Français de confession musulmane remet même en question le sacro-saint principe républicain de séparation de l’Eglise et de l’Etat.

Ces données accréditent la thèse d’une radicalisation communautariste de la dernière génération issue de l’immigration. Elles peuvent être mises en rapport avec les enseignements d’une autre enquête récente, selon lesquels 40 pc des jeunes Français d’origine maghrébine (soit deux fois plus qu’il y a dix ans) se sentent désormais plus proches du mode de vie de leur milieu familial d’origine que de celui des Français en général.

(*) Sondage à prendre avec prudence : seuls 400 des 4 à 5 millions de musulmans de France ont été interrogés.

La libre Belgique

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