Le premier Marocain à avoir brillé en championnat du Golfe est un Mellali parti aux Emirats arabes unis, quelques années à peine après l’indépendance de cet Etat. Nous sommes en 1974, Ahmed Najah rejoint le club d’Al Aïn, avec lequel il décroche le titre de champion un an plus tard. Le défenseur s’intègre d’ailleurs tellement au sein de son nouveau milieu footballistique que sa nouvelle vie lui coûte sa sélection avec les Lions de l’Atlas lors des phases finales de la Coupe d’Afrique des nations à Addis Abeba en 1976. Mais qu’à cela ne tienne. Le talentueux défenseur prolonge sa collaboration avec Al Ain en devenant entraîneur après avoir mis fin à sa carrière de joueur. Il a tracé le chemin suivi par d’autres quelques années après lui.
En 1979, Mustapha Mahrouf choisit la même destination, les Emirats. Le joueur de l’ASS (Association sportive de Salé) atterrit à Al Ahly, club de Dubaï très proche de la famille Al Maktoum, et gagne le championnat en 1980. Il remporte, deux années successives, le trophée de meilleur buteur du championnat. La fin des années 1970 connaît aussi l’intérêt d’un autre championnat pour les joueurs “made in Morroco”, celui d’Arabie Saoudite, qui attire en 1979 deux Rajaouis : Abdellatif Beggar, tragiquement décédé dans les attentats du 16 mai 2003, et Mustapha Choukri alias Petchou.
C’est un nom très connu du football marocain de l’époque, Ahmed Sabri, coach d’Al Wahda, reconverti depuis en journaliste sportif à Al Ittihad Al Ichtiraki, qui les a recrutés au profit de ce club saoudien. Mais un événement tragique met fin à cette présence marocaine. En janvier 1980, Petchou décède dans des conditions mystérieuses. Son ami et coéquipier Beggar retourne au Maroc. S’ensuit une bonne décennie durant laquelle les footballeurs marocains évoluant dans un championnat du Golfe sont très rares.
El Bahja, le prodige
Il faut attendre le début des années 90 pour qu’une nouvelle génération de Marocains joue pour des clubs saoudiens, bahreinis, qataris ou émiratis. “Ces années ont été marquées par une grande ouverture de ces clubs aux joueurs étrangers, Brésiliens et Tunisiens, notamment”, explique ce journaliste sportif. C’était l’occasion pour de nombreux Marocains de plier bagage et se diriger plus à l’est. Mais, malgré leur plus grande volonté, ces joueurs ne sont pas arrivés à s’habituer à ces nouveaux championnats professionnels. Sauf un : l’international du Kawkab de Marrakech, Ahmed El Bahja, s’est fait remarquer lors des phases finales de la Coupe du Monde, tenue en 1994 aux Etats-Unis avec, au programme, ce fameux match de premier tour entre les Lions de l’Atlas et la sélection saoudienne.
Si le dernier mot lors de cette rencontre est revenu aux Saoudiens, certains éléments de l’équipe nationale n’ont pas démérité. Les dribbles d’El Bahja, ses pirouettes et sa hargne combative ont beaucoup séduit les techniciens du club Al Ittihad de Jeddah. Le sociétaire du Kawkab n’hésite pas longtemps. “C’était une excellente opportunité pour évoluer dans un milieu professionnel tout en gagnant de l’argent”, explique Ahmed El Bahja. Et il s’acclimate parfaitement à sa nouvelle situation footballistique. Preuve en sont ses grandes performances avec ce club, aussi bien en championnat qu’en coupe du roi Fahd. Il réussit même à s’imposer en grand attaquant au jeu très inventif, et est sacré à plusieurs reprises meilleur buteur du championnat saoudien. Quelques années plus tard, il choisit de rester au royaume wahhabite en signant avec Al Nasr, club phare de la capitale Ryad, et participe au championnat du monde des clubs au Brésil, compétition à laquelle a participé un certain Raja de Casablanca.
Condition physique
Mais ce joli parcours professionnel fait l’exception. Au milieu des années 90, la réussite d’El Bahja inspire d’autres footballeurs marocains. En 1995, Salaheddine Bassir, attaquant rajaoui prometteur, s’envole pour le club saoudien Al Hilal. Au bout de deux ans de contrat, le talentueux buteur bute sur “une mentalité de dirigeants et de joueurs tout à fait différente” de celle qui règne au Raja, son club d’origine. Malgré l’affluence des offres locales, il choisit une autre destination pour continuer sa carrière professionnelle : l’Espagne.
Et il n’est pas le seul à plier bagage. Un autre attaquant, et non des moindres, Mustapha Bidoudane, retourne au Maroc. Après un brillant début au sein du FUS, ce jeune attaquant décide “d’essayer le professionnalisme” en Arabie Saoudite avec le club du Chabab. Huit mois plus tard, c’est le constat d’échec personnel, même si durant son séjour, il remporte une coupe asiatique et joue une finale de super coupe. “Ces gens-là veulent un homme à tout faire, et non un joueur de football discipliné tactiquement qui puisse évoluer au sein d’un groupe”, commente-t-il. Un souvenir qui ne le quitte pas, même après avoir rebrillé à son retour au GNFE I, avec le FUS et, plus tard, le Raja.
Pourquoi cette série de défections ? “Les raisons sont nombreuses, explique cet entraîneur aguerri aux championnats du Golfe. Le climat, trop humide et trop chaud pour les joueurs marocains, impose des séances d’entraînement tard dans la soirée, difficile à supporter pour un métabolisme qui a l’habitude de s’entraîner de jour et de se reposer la nuit.” Ce technicien évoque également le mode de vie “nonchalant” sous ces cieux. “Même le régime alimentaire, trop gras et trop lourd, n’est pas particulièrement adapté à la pratique de sport de haut niveau”, poursuit-il. Et de conclure que ces problèmes d’adaptation poussent justement de nombreux joueurs à opter pour ces destinations arabes en fin de carrière. “Ils y gagnent de l’argent sans mettre en péril leur avenir footballistique”. Avant de prendre définitivement sa retraite, Noureddine Naybet a foulé quelques pelouses qataries avec Al Arabi.
Il en est de même pour Saïd Chiba qui, après avoir évolué en France et en Espagne tout au long des années 90, s’est retrouvé en championnats qatari (2002-2004) et émirati (2004-2005). Youssef Chippo est dans la même configuration. Après avoir évolué au Portugal et en Angleterre, il a choisi le Qatar pour ses dernières saisons en tant que footballeur professionnel, au sein d’Al Sadd et d’Al Wakrah. Une excellente manière d’entamer une préretraite, sans trop se fatiguer, tout en gagnant de l’argent.
Zoom : Sous d’autres couleurs
Beaucoup d’athlètes, essentiellement des spécialistes du demi-fond, choisissent de changer de nationalité. Le phénomène n’épargne pas les footballeurs. Ismaïl Ouajghou a succombé à la tentation, puisque le jeune joueur a été naturalisé émirati. Faouzi Ouichou a également fait ce choix, mais avec le Bahreïn cette fois-ci. Et c’est cette même nationalité bahreïnie que Youssef Rabeh, jeune fussiste (sociétaire du Fath de Rabat), a rejeté in extremis même si, de l’avis de plusieurs observateurs, l’offre était plus qu’alléchante. Après avoir atteint la demi-finale de la Coupe du Monde juniors en 2005, les spotlights se sont braqués sur lui et il a fallu l’intervention de Fathi Jamal pour que le joueur décline l’offre.
Source : TelQuel - Farida Ghazoui