Il aura alors fallu de la patience, le lobbying de l’APSB, et du temps aussi avant de les voir revenir. Or, pour 2008, c’est vers un remake de ce scénario catastrophe que l’on semble se diriger. Parce qu’elles affichent aujourd’hui d’importants matelas financiers mis en face de leurs réserves techniques, mais qu’elles se revigorent après une longue convalescence, les compagnies d’assurances ont l’impression d’avoir été jetées avec l’eau du bain. En tout cas, elles se sentent en première ligne par rapport aux dispositions du projet de loi de Finances.
Premier motif d’inquiétude : la suppression du système dérogatoire des plus-values mobilières. Le régime de base d’imposition des plus-values constatées ou réalisées en cours ou en fin d’exploitation est constitué par l’article 161 du code général des impôts. Ce régime accorde, sur option, soit des abattements, soit une exonération de l’IS lorsque des plus-values sont réalisées à l’occasion de cession ou retrait d’éléments corporels ou incorporels de l’actif immobilisé et des titres de participation.
La loi de Finances pour l’année 2006 a accordé un système dérogatoire applicable jusqu’au 31 décembre 2007. Système repris par la loi de Finances 2007. Mais pour 2008, changement de cap puisque le projet de budget, non seulement n’a pas reconduit la dérogation mais propose de supprimer l’exonération totale de l’IS, dont bénéficiaient ces plus-values. Comme un malheur ne vient jamais seul, il faut compter avec le projet d’augmentation de la TPCVM pour lequel l’on dirige visiblement vers un taux de 15%.
Enfin, le secteur des assurances, et toujours pour ce même budget 2008, est bien servi au titre de différentes taxes d’assurances qui voient leur niveau augmenter : maritime, qui passe de 6,90 à 14%, vie et capitalisation de 3,45 à 3,5% et l’automobile de 13,80 à 14%. Ces hausses doivent se répercuter de manière mécanique sur les niveaux de prime.
Sur le plan technique, les arguments ne manquent pas. La suppression du système dérogatoire des plus-values entraînerait, à coup sûr, une hausse des tarifs d’assurances, et une baisse des rendements financiers servis aux assurés. Le niveau de ces plus-values est décisif tant pour la détermination du niveau de prime que de la distribution de la participation aux bénéfices (PB) servis aux assurés. Enfin, pour assureurs soumis continuellement à la gymnastique des règles de solvabilité, un autre dégât collatéral réside dans les efforts de provisionnement qui impacteraient inévitablement les résultats des compagnies.
Pour mesurer l’ampleur des dégâts potentiels, rappelons simplement que les portefeuilles actions et parts sociales des assureurs et réassureurs s’élèvent à fin décembre 2006 à 44,5 milliards de dirhams en valeur de bilan ! Un retrait massif d’une partie de ces capitaux ne serait donc pas sans conséquence pour la Bourse. Et il n’est pas sûr que les produits de ces cessions y retournent forcément.
Le projet de budget 2008 a-t-il suffisamment intégré ces enjeux ?
Le secteur, qui demande le maintien du système dérogatoire, redoute que cette situation conduise à des arbitrages opportunistes, voire spéculatifs qui ne coïncident pas nécessairement avec les intérêts économiques du pays. La position des entreprises du secteur est d’autant plus motivée qu’elles sont assujetties à l’IS au taux de 37% contre un taux de droit commun de 30%, tel que prévu dans le projet de loi de Finances 2008. Ce qui pour le moins est jugé inique.
Des abattements dans les autres pays
• En France, les plus-values dégagées lors de la cession de titres de participation représentant au moins 5% du capital social de la société, dont les titres sont cédés et détenus depuis au moins 2 ans, bénéficient d’une exonération totale de l’IS. Lorsque le seuil des 5% n’est pas atteint mais que le prix de revient des titres cédés atteint 22,8 millions d’euros, les plus-values en question sont taxées au taux de 15%.
• En Belgique, les plus-values réalisées sur les actions et parts sociales sont totalement exonérées de l’impôt sur les sociétés, sans condition de réemploi et sans condition d’intangibilité.
• Au Royaume-Uni, les plus-values de cession des titres de participation d’au moins 10% détenus pendant une période continue d’au moins 1 an, au cours des deux années précédant la cession, sont exonérées de l’impôt sur les sociétés.
L’Economiste - Mohamed Benabid