Au Maroc, des ingénieurs et autres consultants en informatique ont trouvé la formule pour échapper au fisc. Ils proposent de manière informelle leurs services aux grandes entreprises qui les paient via des intermédiaires.
Une ambiance étrange régnait sur la joutya de Derb Ghallef ces deux dernières semaines. Les étalages croulant sous les DVD piratés de films, disques et logiciels avaient quasiment disparu. En lieu et place, on proposait des... produits d’origine. Désormais, il faut le demander expressément pour que l’on vous sorte de derrière le comptoir le bac des produits illégaux.
Il faut dire que, durant 17 jours, l’opération menée par le ministère de la communication, sous la pression des diverses organisations de protection des droits d’auteurs, a ébranlé le bastion marocain de la revente de matériel copié. « L’objectif était de réaliser une attaque symbolique visant à prouver que Derb Ghallef n’est pas une zone de non-droit » explique-t-on du côté de l’Association marocaine de lutte contre le piratage.
Cependant, il faut dire que la prise est modeste : 283 000 disques ont été saisis. Ils devaient officiellement être détruits jeudi 27 mars. Les produits sont à la fois nationaux et internationaux, les films représentant la plus grande part des saisies. Les logiciels ne sont concernés que par 300 disques. Pourtant, le BSA (Business softweare alliance) mène un lobbying intense contre le piratage depuis quelques années. La raison du regain d’activité de cette association est qu’en 2007 les professionnels évaluaient le manque à gagner à 200 MDH pour l’ensemble de l’industrie. Bertrand Homell, DG de Microsoft Maroc, évalue à 70% la part de marché raflée à son entreprise par le piratage. Autre indice de l’ampleur du phénomène : « Le Maroc a importé 42 millions de disques vierges dont seulement 5,6 millions ont rejoint le réseau légal. On suppose donc que la différence a été injectée dans le réseau parallèle », explique Khalid Nokri, secrétaire général de l’Association des éditeurs et producteurs de phonogrammes.
Lorsqu’on sait qu’en 2007, les différentes opérations de saisies avaient porté sur 3,7 millions de disques piratés, qui avaient été détruits, on se rend compte de l’immensité de la tâche. Les observateurs du secteur sont réalistes. Selon eux, il s’agit d’une « action sur le long terme, pour donner l’exemple et s’attaquer au problème dans tout le Maroc et de manière continue et illimitée dans le temps. »
Le risque d’une lourde sanction fait reculer certains faussaires
De quoi inquiéter les pirates en tout genre qui restent cantonnés dans des petits ateliers. Une usine de production nécessitant un investissement de 3 MDH, rares sont les entrepreneurs qui investiraient une telle somme dans une activité aussi risquée qu’illégale ! Une exception cependant : en 2007, une prise de 1,5 million de DVD dans un atelier tenu par un étudiant en médecine avait fait des vagues et la peine de 10 mois de prison ferme encourue par le contrevenant avait refroidi les ardeurs des opérateurs de la place. « Si on risque de la prison pour une activité qui n’est même plus aussi rentable que par le passé, autant l’abandonner », explique un revendeur de la place, reconverti dans le commerce de jouets. Depuis cinq ans, en effet, le prix du DVD contrefait est passé de 20 DH à 15 DH avant de chuter à 10 DH. Il est même possible de le négocier à 7,50 DH aujourd’hui. C’est sur ce découragement que les opérateurs tablent pour faire reculer le phénomène.
Mais les experts s’accordent à dire qu’il s’agit d’un travail de longue haleine. Raison pour laquelle des opérations de sensibilisation et d’information sont entreprises pour mettre fin à une activité qui, néanmoins, fait vivre toute une frange de la population. C’est ainsi que « la répression s’accompagne de solutions de reconversion », explique-t-on du côté du BSA. A ce titre, des programmes sont mis en place dans le cadre de l’Initiative pour de développement humain (INDH).
Malgré tout, nous sommes dans une société de consommation et de loisirs, et tant que les divertissements seront trop chers par rapport au pouvoir d’achat de l’ensemble de la population, le piratage continuera d’exister et d’être attractif, et tant qu’un marché existera, il y aura de l’offre. Il est à noter par ailleurs que l’effondrement des prix du matériel (disques et graveurs) donne la possibilité aux particuliers de télécharger directement ce dont ils ont besoin. Les réseaux existent et les logiciels de téléchargement sont connus.
Source : La vie éco - Noredine El Abbassi
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