De nombreux artistes marocains dénoncent l’avidité des organisateurs de festivals à s’accaparer du cachet du chanteur en échange de l’inscription de son nom à l’un des évènements d’été. Ils appellent le ministère de la Culture à intervenir.
Dans le cadre du festival Futurspektiv dont la vocation est de présenter les « nouveaux maîtres flamands » à Budapest, une écrivaine d’origine marocaine, Rachida Lamrabet, est venue parler de ses écrits remarqués et récompensés dans son pays d’adoption, la Belgique. Elle a débuté comme romancière en 2007 avec Terre de femme, et vient de publier une collection de nouvelles réunies sous le titre de Un enfant de Dieu.
Est-ce votre expérience de juriste dans le Centre pour l’égalité des chances à Bruxelles qui vous a conduit à l’écriture ?
Rachida Lamrabet : J’ai toujours eu une relation spécifique avec le langage, le néerlandais, langue dans laquelle j’écris. C’est sans doute cette fascination pour la langue et son maniement qui m’ont amenée à l’étude du droit. De plus, dans ma vie professionnelle je rencontre des gens et j’entends des histoires fascinantes qui m’ont donné envie de travailler cette matière que je reçois. Il aurait été dommage que toutes ces histoires s’évaporent dans la nature. Je ne pouvais pas me contenter de les classer dans des dossiers et les ranger avec un numéro. Je devais continuer à les travailler pour les donner à la société car ce sont des histoires assez bouleversantes et importantes.
Pensez-vous être une représentante d’une génération qui cherche un équilibre entre ses origines maghrébines et la culture du pays où elle a choisi de vivre ?
R.L. : Je trouve difficile de représenter une communauté. C’est une tâche lourde que je ne pourrai pas porter toute seule et que je n’ai d’ailleurs pas demandé à remplir. Il est vrai que je suis issue de l’immigration et que ma communauté ne se fait pas entendre. Elle est en cours d’émancipation, en train de se procurer une place dans la société, mais c’est un combat souvent très difficile en raison de plusieurs facteurs. Pour ma part, j’estime que je me forme au fur et à mesure. J’ai une notion de l’identité qui n’est pas statique car elle évolue en permanence avec ce que je vois et entends. Ce qui est important pour moi c’est d’avoir l’impression que je suis chez moi en Belgique, que j’appartiens à cette société à laquelle j’ai vraiment envie de participer et où je veux être heureuse.
Quel est le sens du titre de votre roman Terre de femme ?
R.L. : C’est le nom que les jeunes gens habitant au Maroc donnent à l’Europe. Ils ne disent pas l’Europe, mais Terre de femme. Ils ont de nombreux préjugés : ils croient qu’en Europe ce sont les femmes qui règnent et que l’homme y perd sa masculinité du moment qu’il y pose le pied. Cela illustre les préjugés que nous pouvons avoir les uns et les autres.
Qui est le personnage de Mariam pour qui Younès abandonne son pays pour traverser la mer et finalement y perdre la vie ? Il sait pourtant que la vie en Europe n’est pas facile non plus.
R.L. : Oui il part car il n’a aucune perspective dans son pays. Ce qui est dangereux c’est quand on ne trouve pas de place chez soi pour y prendre racine. Sans cette base, pas moyen de s’épanouir, d’être soi-même, libre et heureux. Quant à Mariam, j’avais devant moi plusieurs jeunes femmes d’origine marocaine que je voyais chercher leur chemin dans la société moderne. Certaines se perdaient un peu en étant convaincues que le seul moyen de s’émanciper était d’effacer tous liens avec le passé, les parents et la culture d’origine. C’est d’ailleurs l’idée que se fait la société belge et les sociétés occidentales en général, le fait qu’il y a une incompatibilité entre l’islam et la culture occidentale. Comme beaucoup de jeunes pensent donc qu’il est impossible de trouver une sorte de « modus vivendi » entre les deux, ils prennent souvent des décisions draconiennes, autrement dit effacent l’autre. Or, ce n’est absolument pas la solution.
Que pensez-vous qu’il faille faire ?
R.L. : Il est nécessaire de garder à l’esprit que nous avons en commun le même désir d’être heureux, d’être bien avec les autres. Je ne comprends pas pourquoi la diversité fait peur. Nous avons tous les mêmes problèmes. Il y a actuellement un discours mené en Flandre sur les « normes et les valeurs » flamandes pour les nouveaux arrivants. En quoi diffèrent-elles des autres ? Si le discours continue dans ce sens je pense que ce n’est pas positif : on divise la société de cette manière-là. On a peur que l’identité flamande soit atteinte ? Il faut avoir un peu confiance en l’autre et accepter que le monde bouge.
Milena Le Comte-Popovic - Le Journal Franophone de Budapest
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