Les gendarmes de la Brigade de recherches de Bouliac ont démantelé un réseau d’exploitation d’ouvriers agricoles. Six personnes ont été mises en examen jeudi 12 décembre, dont un couple de Marocains placé en détention provisoire.
Que recherchent les jeunes ? Pourquoi sont-ils de plus en plus nombreux à vouloir partir vers d’autres horizons ? Qu’ils soient scolarisés ou non, chômeurs ou actifs, du milieu rural ou urbain, l’idée de l’émigration les habite.
C’est justement l’objet d’une étude réalisée en début 2007 à l’initiative de la fondation Zakoura Education et de l’ONG italienne Mlal Projetto Mondo. Ceci dans le cadre d’un projet de promotion de la migration responsable, à travers les circuits légaux, dans la région Tadla-Azilal. Une région qui, malgré ses potentialités, est caractérisée par une forte pulsion migratoire, notamment vers l’Italie et l’Espagne. L’étude, dont la finalité est la mise en place d’actions de sensibilisation et d’information adaptées aux besoins des jeunes, a ciblé près de 183 personnes âgées de 12 à 30 ans. Dont des collégiens, des lycéens, des étudiants, des chômeurs et des salariés, issus des milieux rural et urbain.
D’après les résultats de l’étude, 40,4% des jeunes interrogés accordent une grande importance à l’émigration. Toutefois, ils ne la considèrent pas comme l’unique choix de projet de vie. Ils reconnaissent volontiers l’existence d’autres alternatives, mais en ont une vision très vague.
Près de 70% d’entre eux favorisent les circuits légaux. Et contrairement aux clichés habituels, la migration n’intéresse pas seulement les jeunes en situation de précarité ou en quête d’emploi. Mais aussi les jeunes scolarisés, qualifiés ou diplômés, dont les familles disposent de revenus réguliers. Il convient tout de même de préciser que les jeunes ruraux sont les plus enclins à s’évader.
Le sous-emploi et les conditions difficiles du travail en milieu rural les prédisposent à l’émigration. Près de 43% d’entre eux disposent déjà d’un passeport, contre 21% pour les jeunes du milieu urbain.
Par ailleurs, le phénomène exerce son attrait sur des candidats de plus en plus jeunes. Les collégiens, par exemple, ont un niveau de connaissance des circuits de l’émigration, y compris clandestine, égal à celui de leurs aînés. Aussi, les filles sont de plus en plus nombreuses à céder au mythe migratoire.
Quel est le secret de cette aspiration sans cesse grandissante pour la migration ? L’étude a révélé plusieurs éléments de réponse liés à la perception positive de l’émigration par les jeunes. Cette dernière est surtout considérée comme le moyen par excellence d’améliorer sa situation socioéconomique. Elle est aussi considérée comme le moyen le plus rapide pour accéder à l’argent et à la consommation. Les jeunes questionnés évoquent également les aides publiques et le niveau des salaires en Europe. Ils estiment que le même travail qu’ils exercent au Maroc (agriculture, bâtiment, etc.) rapporte plus d’argent en Europe. Cela dit, les raisons évoquées ne sont pas toutes économiques. Pour certains, partir à l’étranger, travailler et soutenir sa famille procurent un solide statut communautaire.
Les jeunes recherchent donc en partie la reconnaissance et le respect de leurs proches et de la communauté. Aussi leur image de soi est valorisée par le sentiment d’utilité.
Pour d’autres, c’est une échappatoire à la vie locale, jugée trop monotone, sans aucune animation et en manque d’infrastructure de base dédiée aux jeunes. « Ici, chaque jour, c’est la même chose. Tu n’as rien à faire. Le jour est comme la nuit. C’est toujours pareil », raconte un jeune de la commune d’Oulad Zemmane.
Pour les jeunes scolarisés, l’émigration est la solution à la défaillance du système éducatif national, jugé trop étroit.
Les jeunes diplômés espèrent, de leur côté, trouver des emplois en adéquation avec leurs qualifications à l’étranger. Par ailleurs, plusieurs personnes ont évoqué les opportunités offertes en termes de liberté, d’égalité des chances et de respect des droits de l’homme en Europe. Les jeunes filles sont, quant à elles, plus intéressées par la migration matrimoniale.
L’idéalisation des avantages de l’émigration, la méconnaissance des difficultés liées à la vie en Europe et la perte de confiance en les systèmes économique, social et culturel du pays, participent grandement à l’enrichissement du mythe migratoire. D’où la nécessité d’entreprendre de larges actions d’information sur les risques de l’émigration clandestine, les contraintes de la vie à l’étranger et les opportunités offertes au niveau national. Sans oublier la mise en place d’infrastructures diverses dédiées à la jeunesse.
« Je serai clandestin »
Dans la région Tadla Azilal, l’émigration est devenue une tradition. Son mythe s’est amplifié par les images de réussite affichées par les anciens émigrés lors de leur retour au pays. De son côté, la famille soutient, d’une manière directe ou indirecte, les projets migratoires des jeunes. Des fois, les parents vendent la terre et le cheptel pour envoyer leurs enfants à l’étranger, dans l’espoir d’un bon retour sur investissement. Mais face au durcissement des conditions d’émigration, les moyens utilisés et les circuits empruntés sont le plus souvent illégaux.
En ce qui concerne les jeunes ayant des ressources limitées, l’émigration clandestine (Lahrig) est le seul moyen qui se présente. Certains se glissent dans les camions ou les voitures de leurs proches émigrés pour passer les frontières. D’autres défient le danger et recourent aux zodiacs, avec un coût variant entre 10.000 et 20.000 DH. Les plus aisés achètent des contrats de travail ou des papiers falsifiés. Le prix d’un contrat varie entre 80.000 et 100.000 DH.
Les candidats à l’émigration préfèrent investir cette somme pour partir en Europe, et vivre une vie de clandestin, plutôt que de s’intégrer dans leur localité d’origine.
L’Economiste - Ahlam Nazih
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