Brutalités policières, tortures, viols, disparitions, assassinats… selon les défenseurs des droits de l’Homme. Rien de tout cela pour le gouvernement marocain. « Face aux rumeurs et aux informations contradictoires », explique un communiqué officiel, une commission parlementaire a été dépêchée, vendredi, à Sidi Ifni, afin de vérifier les allégations de mauvais traitements lors des émeutes du 7 juin dernier.
Habitants et forces de l’ordre s’étaient alors affrontés après une semaine de blocage du port. Formée le 18 juin, la commission, composée de 15 membres de tous bords politiques, est chargée de faire toute la lumière sur ce qui s’est réellement passé. Pour sa première sortie, elle restera trois jours à Sidi Ifni pendant lesquels « elle devrait consacrer son temps à l’audition des responsables régionaux et locaux et à l’écoute de certaines familles », a expliqué à Afrik.com un membre de la commission qui a souhaité garder l’anonymat. Selon cette même source, la commission serait prête à dégager les éventuelles responsabilités de hauts responsables. « Mais tout dépend des conclusions rendues à l’issue de l’enquête. Une fois les informations recueillies, il faudra les recouper et les confronter. C’est ensuite qu’on pourra faire un bilan définitif de ces événements ».
Le gouvernement pourra, à cet instant, engager des poursuites judicaires ou classer le dossier. L’enquête durera « six mois maximum » pendant lesquels la commission et des sous-commissions se rendront plusieurs fois à Sidi Ifni et feront des « convocations personnalisées quand ce sera nécessaire ».
Malgré le retrait des militaires quelques jours auparavant, « la situation n’est pas complètement stabilisée », explique Abdellah Birdaha, président local de l’Association Marocaine des Droits de l’Homme (AMDH). à Tiznit, localité située non loin de Sidi Ifni. « Des manifestations ont lieu régulièrement comme signe de soutien aux habitants de la ville », ajoute t-il. Près de 9000 personnes ont ainsi manifesté avec la population locale, dimanche dernier, à l’appel de l’association Attac Maroc et avec le soutien de partis politiques, syndicats et ONG, des « caravanes ».
Des défenseurs des droits de l’Homme pessimistes quant aux résultats de l’enquête
« Ce n’est pas la première fois que des commissions sont créées dans toutes sortes d’affaires et on en a eu des expériences très négatives », souligne Khadija Ryadi, présidente de l’AMDH. « Elles ne donnent aucun résultat et c’est surtout très formel », ajoute-t-elle. D’ailleurs, aucune invitation ne leur ont été lancées selon l’AMDH. Aux dires du président du Centre marocain des droits de l’homme (CMDH) Khaled Cherkaoui, « cinq personnes du mouvement associatifs sont incarcérées ». Parmi elles, M. Sbaalil, arrêté jeudi chez lui, peu après une conférence de presse. Le président local du CMDH à Sidi Ifni était « présent à Rabat pour présenter un rapport préliminaire sur les causes des émeutes et les violations commises depuis le 7 juin », explique M. Cherkaoui. « C’est un acteur important dans ce dossier et il a des sources d’informations. Mais il est devenu gênant pour le gouvernement », affirme t-il, même s’il ne connaît pas la raison officielle de son arrestation.
« En tant que défenseur des droits de l’homme, on ne peut qu’espérer que les choses aillent mieux. Mais sincèrement, je ne pense pas qu’elles changeront. L’AMDH veut une commission indépendante et objective avec des membres connus pour leur honnêteté », nous a confié Mme Ryadi. Or, comme elle le fait remarquer, la commission est présidée par Noureddine Moudian, parlementaire issu du parti majoritaire au pouvoir, l’Istiqlal. « Il faut qu’il y ait une réelle volonté d’aller jusqu’au bout sans avoir à se freiner ou à l’être », ajoute-t-elle. Mais pour le membre de la commission que nous avons contacté, ses confrères et lui-même « n’ont pas de conclusion toute prête ».
Cette source interne confirme tout de même la tenue d’une réunion, mercredi dernier, entre la commission et le ministre de l’Intérieur pendant laquelle ce dernier a présenté, une nouvelle fois, la version officielle. « Aucun mort n’est dénombré et il ne reste plus que onze personnes incarcérées ». Il a aussi justifié l’intervention des forces de l’ordre « après que tous les moyens pour trouver une solution réaliste et raisonnable à cette situation, aient été épuisés ». Le Parti de la Justice et du Développement (PJD), dont des membres font partie de la commission, a aussi rendu des conclusions similaires la semaine dernière à l’issue de leur propre enquête à Sidi Ifni. Mustapha Ramid, président du groupe, est aussi le premier vice-président de la commission... Mais celle-ci reste, selon la source, toujours « objective » et chaque groupe parlementaire « a le droit de faire sa propre enquête et n’engage que lui ». Quant aux allégations des défenseurs des droits de l’Homme, l’homme explique que leurs enquêtes n’ont pas été faites « selon les standards aux normes ». « Il ne faut pas prendre tout ce qui se dit pour la vérité. Néanmoins, la commission va se charger d’étudier leurs rapports et se renseigner », promet-il.
« L’objectif numéro un est de chercher la vérité », indique la source interne. Cela passe aussi par la vérification la version officielle émise par le gouvernement. En attendant les résultats de l’enquête parlementaire, des rapports définitifs des organisations tels que la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH) et l’Organisation marocaine des droits humains (OMDH) vont être publiés sur les événements, tout comme le CMDH et l’AMDH. Pour le moment, aucune des deux organisations ne sont en mesure, actuellement, d’affirmer un quelconque bilan. « Nous allons présenter un rapport le 8 juillet qui reflètera la réalité des événements passés avec, à l’appui, des photos, des vidéos des témoignages, des vidéos et des comptes-rendus des visites chez des civils bien clairs pour prouver notre bonne foi », conclut M. Birdaha.
Source : Afrik.com - Hanan Ben Rhouma