Une délégation du parti Les Républicains, menée par Éric Ciotti, a annoncé sa visite au Maroc du 3 au 5 mai prochains dans le but de poursuivre « une relation de fraternité et de responsabilité » avec le royaume.
C’est la radiographie d’une « triste farce » que livre aujourd’hui la Cimade (service oecuménique d’entraide, qui se consacre à l’accompagnement des étrangers). Le titre du rapport qu’elle consacre à « la circulaire du 13 juin 2006 relative à la régularisation des familles étrangères d’enfants scolarisés » est éloquent : « De la loterie à la tromperie ».
Maître d’oeuvre de cet épisode ? Nicolas Sarkozy. En juin 2006, l’ex-ministre de l’Intérieur publiait une circulaire ouvrant des possibilités exceptionnelles de régularisation aux parents sans papiers d’enfants scolarisés. Depuis des mois, les militants du Réseau éducation sans frontières (RESF) faisaient peser, en effet, sur lui et ses services une pression constante. « C’est dans ce contexte d’intense mobilisation que Nicolas Sarkozy annonce, le 6 juin 2006, la possibilité d’être régularisées pour des familles "dont les enfants sont nés en France, ont toujours été scolarisés et ne parlent pas la langue de leur pays d’origine" », rappelle la Cimade.
« Coup politique ». Une semaine plus tard, la fameuse circulaire est publiée, soumettant une éventuelle régularisation à six critères. Certains « objectifs » comme les deux années de résidence en France d’au moins un des parents ou la scolarisation effective d’un enfant au minimum. D’autres « subjectifs » comme l’ « absence de lien de cet enfant avec le pays dont il a la nationalité » ou « la réelle volonté d’intégration ». 33 538 demandes sont déposées dans les préfectures. Mais, méfiantes, les associations s’interrogent sur les arrière-pensées politiques de Sarkozy.
Dans son rapport, la Cimade tranche, jugeant que toute cette affaire n’a été, pour Sarkozy, qu’un « coup politique ». « Casser le mouvement de mobilisation engagé autour des familles en accordant quelques milliers de régularisations puis donner des gages de fermeté en affichant plus de 24 000 refus de séjour semblent avoir été les véritables objectifs poursuivis. »
La Cimade démonte soigneusement l’opération. Selon elle, le ministre a eu pour obsession, dès la parution de son texte, d’ « éviter le "succès" de la circulaire » et de « limiter le nombre des régularisations ».
Immédiatement, les préfectures ont été assaillies. « Cet afflux, pourtant prévisible, ne semble pas avoir été anticipé ni préparé par le ministère », accuse la Cimade. Parce qu’il n’a jamais été question de régulariser toutes les familles répondant aux critères ? Signe révélateur, selon les associations, « certaines préfectures ont refusé de délivrer des formulaires de demande de régularisation ou d’enregistrer des demandes, empêchant les familles d’accéder à la procédure ». A Paris, au contraire, les étrangers sont d’abord très bien accueillis : « Les familles se présentaient pour déposer leur dossier et se voyaient proposer un entretien le lendemain ou la semaine suivante », et certaines « ne respectant pas tous les critères étaient régularisées ».
« Mentir ». Le 24 juillet, changement de ton. « Ce jour-là, devant les préfets réunis, [Sarkozy] "resserre les boulons" et évoque un quota de régularisations : "On peut raisonnablement s’attendre à ce que 20 000 demandes soient présentées, ce qui aboutira, au total, à attribuer des cartes de séjour à 6 000 personnes." » Commentaire de la Cimade : « Cela s’appelle fixer un quota et conduit à faire mentir la promesse initiale d’un examen particulier de chaque dossier. » Après cette date, les portes de la préfecture de Paris se referment : « Les délais pour obtenir une convocation à l’entretien s’allongent. La préfecture de Paris, qui jusqu’alors fixait les rendez-vous très rapidement, n’en donnait plus, attendant les directives. La plupart des dossiers suivis et déposés à partir de ce moment furent rejetés. » Sur quels critères ? « Les décisions de refus montrent que les liens conservés avec le pays de nationalité ont été très souvent mobilisés pour rejeter des demandes répondant pourtant aux critères », souligne la Cimade, qui dénonce également dans beaucoup de cas la « non-motivation des refus des régularisations ».
Complice. Patrick Peugeot, le président de la Cimade, a des mots très durs. « A travers la manière dont ont été traitées ces milliers de familles, c’est de la maltraitance quotidienne des étrangers et du désordre imposé dans les services préfectoraux que ce rapport témoigne », écrit-il. L’avocat Arno Klarsfeld, nommé médiateur par Sarkozy, a été complice de cette farce, et a multiplié les déclarations contradictoires, affirmant d’abord que « la régularisation sera "généreuse" », puis que « l’Etat ne peut pas régulariser tous les parents qui ont des enfants scolarisés ». En conclusion, Patrick Peugeot « [exhorte] les futurs élus de ce pays à régulariser ces familles, afin que ces milliers d’enfants ne grandissent pas dans le sentiment que leur vie aura été l’otage d’une opération de communication ».
Libération.fr - Caroline Coroller
Ces articles devraient vous intéresser :