Double peine : happy end pour un père de famille marocain

26 décembre 2006 - 00h37 - France - Ecrit par : L.A

« C’est trop beau pour être vrai ! J’avais fini par ne plus y croire. Et, soudain, c’est arrivé comme un cadeau de Noël ! » Hassana Boulahia a du mal à contenir son émotion. Vendredi encore, son mari, détenu depuis deux semaines au centre de rétention de Marseille, était sur le point d’être expulsé vers le Maroc, la laissant en France avec leurs deux enfants de 5 et 10 ans. Une manifestation était prévue à Montpellier, afin de dénoncer la « double peine » dont ce Marocain allait être la victime imminente.

Soudain, coup de théâtre : vers 17 heures, alors que les manifestants se dirigeaient vers le local du député UMP du Petit Bard (le quartier de Montpellier où habitent les Boulahia), la préfecture appelle Hassana Boulahia et l’informe que « le ministère » a stoppé le processus d’expulsion. A 23 h 30, Hassan Boulahia retrouvait ses enfants et son foyer. Pour quelles raisons le ministère de l’Intérieur a-t-il brusquement décidé de ne plus expulser Hassan Boulahia ?

Ce Marocain de 33 ans, titulaire d’une carte de séjour de dix ans, est arrivé en France à 15 ans dans le cadre du regroupement familial. Il va à l’école, passe un CAP dans les métiers du bâtiment, se marie à 22 ans. En 2001, il se fait pincer en train de vendre quelques grammes d’héroïne et écope de six ans de prison. Pendant cinq années, son épouse, qui travaille comme aide-soignante, viendra tous les dimanches au parloir de la prison de Nîmes, puis de celle de Tarascon.

Carreleur

Dans son rapport de détention, le chef des gardiens parle d’un prisonnier dont le comportement, « exceptionnel », « mérite des éloges ». Alors que sa peine touche à sa fin (grâce à une remise d’un an), Hassan se réjouit de retrouver sa famille et veut « recommencer sa vie ». Un entrepreneur lui a déjà signé une promesse d’embauche comme carreleur. Mais, quelques mois à peine avant sa mise en liberté, il reçoit un courrier de la préfecture des Bouches-du-Rhône lui notifiant qu’il sera expulsé vers le Maroc à sa sortie de prison. Le motif ? « Menace grave pour l’ordre public. »

Cette décision du préfet est d’autant plus étonnante que, lors du procès, les juges avaient refusé de suivre le procureur qui réclamait, en plus de la prison, une interdiction du territoire. Et que la commission d’expulsion, saisie à titre consultatif, a rendu en janvier un avis défavorable. Portée par sa femme, le MIB (Mouvement de l’immigration et des banlieues) et les Motivé-e-s de Toulouse, une mobilisation s’organise. Avec comme slogan : « Y’en a marre que Sarkozy se pavane à la télé en disant qu’il a aboli la double peine ! »

Plusieurs mois

Jeudi soir, Libération a contacté le cabinet du ministre de l’Intérieur pour demander en quoi Hassan Boulahia représentait une « menace grave pour l’ordre public » ? Vendredi, peu avant la manifestation, un conseiller a expliqué : « Sans vouloir désavouer le préfet des Bouches-du-Rhône, nous considérons que M. Boulahia a le droit de rester en France en attendant la décision du tribunal administratif », saisi par l’avocat du condamné pour faire annuler l’arrêté d’expulsion, et dont l’audience risque de n’avoir lieu que dans plusieurs mois. Interrogation d’un militant du MIB : « ça veut dire que, si la presse ne s’en mêle pas, et que donc son image ne court aucun risque, Sarkozy va continuer à faire fonctionner la double peine ? »

Libération.fr - Pierre Daum

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Sujets associés : France - Expulsion

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