Lancé en 2015, le statut auto-entrepreneurs semble ne plus être une solution à l’informel et au chômage. Le bilan en est la parfaite illustration.
Des milliers de jeunes Marocains cherchent à remplir leur vie, d’un avenir meilleur, et voir qu’ils sont encore nombreux à n’avoir que faire de notre pitié, ou de notre considération ponctuelle, montre qu’ils ont encore de l’espoir de voir leurs idéaux s’accomplir.
Ce que veulent nos jeunes c’est de l’estime. Quoi de mieux qu’un job pour la générer ? C’est cela qui leur donnera de la considération, et qui les renforcera contre des attaques psychologiques vicieuses qui les prennent quant ils n’ont plus aucune résistance.
Un job, c’est facile à dire, et avancer ce principe sans comprendre que c’est tout le système économique qui est à revoir, serait pure démagogie.
Alors comment trouver les moyens pour créer de l’emploi et créer des espaces d’épanouissement...?
· Le populisme finit par affamer les peuples
Depuis les événements du 16 mai, des moyens sont injectés dans des actions sociales de proximité. C’est bien, mais cela ne résoudra pas tout. Le but doit aussi être de trouver des solutions pour contribuer à créer des richesses.
Que l’on ne se méprenne pas...Rappelons pour ceux qui n’étaient pas encore tout à fait réveillés que notre pays a beau être le plus beau du monde, il n’en est pas moins qu’il a peu de ressources, et pour les démagogues dont le credo est d’avancer que le partage des richesses changerait quelque chose, qu’ils se renseignent... cela ne servirait qu’à rendre malheureux ceux qui ne le sont pas. L’histoire l’a systématiquement prouvé : ce genre de « solutions » populistes finit toujours par affamer des peuples entiers.
Alors, que pourrions-nous faire pour trouver les moyens de créer des emplois ?
Les ressources de l’Etat sont aujourd’hui englouties par la masse salariale de l’administration publique et ses frais de fonctionnement (40 milliards de dirhams au total).
Imaginez que nous donnions à l’Etat des ressources supplémentaires, « contrôlées » (pas pour embaucher d’autres fonctionnaires) pour :
• Construire, développer les infrastructures (par la même occasion, attirer de nouveaux investisseurs) ;
• Mieux payer ses fonctionnaires actifs et performants (pour aussi limiter les « envies » de corruption) ;
• Avoir les moyens de mieux éduquer nos enfants ;
• Aider les idées de génie à être financées ;
• Construire des centres de vie pour handicapés, pour les exclus, pour les sans familles.
Ceci est en partie la vocation du Fond Mohammed V, qui se nourrit de la vente des sociétés publiques. L’idée est ingénieuse, mais limitée à une source de financement qui se tarira vite. Certaines solutions doivent aujourd’hui être initiées par actes citoyens...
Il y a 2,6 millions de salariés et fonctionnaires contribuant directement à payer les administrations, les routes, les barrages, l’armée, la police, les hôpitaux, les logements sociaux, les instituteurs et le facteur... Et cela, en partie par l’impôt sur le revenu, prélevé à la source. Eux sont aujourd’hui les seuls actifs à pouvoir avoir...un peu... la conscience tranquille en participant à l’effort d’équilibre économique et social de notre nation...Et encore, parce qu’ils n’ont pas le choix !
Les entreprises citoyennes -car transparentes- et leurs salariés ont certaines fois le sentiment de maintenir à bout de bras notre pays, en luttant en plus contre une concurrence déloyale...
· Combien avez-vous versé au noir ?
Combien sont-ils, issus des professions libérales, à déclarer leurs revenus en globalité, et en agissant ainsi dans le respect des lois ?
Des richesses importantes se font chez des entrepreneurs peu scrupuleux, commerçants, médecins, ou plombiers...uniquement parce qu’ils esquivent toutes formes d’impôts. Pour ceux qui déclarent réellement leurs gains : « chapeau bas ».
Rappelez-vous simplement l’achat de votre logement ou celui de vos proches... combien avez-vous été obligé de payer « au noir ? »
N’est-il pas révoltant de voir que justement parce qu’ils ne sont pas en conformité avec les textes, ces mêmes entrepreneurs malhonnêtes ne réinjectent pas d’argent dans leurs affaires, ne développent pas celles-ci, ne déclarent pas leur personnel, ne créent pas d’autres emplois, car cet argent n’est pas censé exister ! Bien sûr, il est toujours plus facile de faire des « coups », et de « planquer » ensuite l’argent !
N’est-il pas injuste que des milliards de dirhams échappent chaque année ainsi à une réinjection dans des projets de développement solides ?
Comment lutter contre cela ?
· Le « tout-contrôle » est irréaliste
Comment obliger les sangsues économiques à contribuer de force à cet effort de construction qui doit se faire d’abord par les citoyens ? En multipliant les contrôles de l’inspection des finances et fermant tout ce qui n’est pas conforme ?
Irréaliste, et complexe, car il n’y a jamais de preuves de transactions non déclarées...Et aussi parce que les vendeurs à la sauvette et autres cireurs de chaussures ne doivent pas être sacrifiés au nom de l’inflexibilité, du moins pas tant qu’il n’y a pas de job de substitution à leur donner.
Obliger les entrepreneurs sans foi ni loi, à contribuer en faisant le décompte de leurs biens ...? Usine à gaz...dangereux. Ce serait encore l’occasion d’autoriser les règlements de comptes.
La solution pourrait être plus « soft » : en faisant en sorte qu’a chaque transaction, achat, à chaque fois que nous sortons des sous de notre poche, d’exiger une facture en bonne et due forme.
Attention, le discours du malhonnête dit : « C’est moins cher pour vous sans factures » !
Ce discours est un attrape-nigaud, car vous, vous payez vos impôts, et vous payerez d’une façon ou d’une autre, le manque d’argent collecté par l’administration fiscale... lui, le malhonnête, il n’est pas touché, non, il ne subit aucune pression car il ne paie jamais rien.
En agissant de la sorte, nous obligerions ainsi chacun à rentrer de gré ou de force dans le circuit économique...
Si le mouvement citoyen prend forme, il faudra en parallèle que les départements des finances créent des boîtes aux lettres, qui permettront de réceptionner les factures que l’on se mettra un point d’honneur de réclamer. Ce sera sur la base de cette collecte, que pourront s’effectuer des audits, au hasard.
Au final, ce sera la crainte de voir débarquer des contrôleurs des finances, avec des preuves de transactions passées qui mureront dans le temps, les entrepreneurs sangsues, en de respectables entrepreneurs citoyens.
Cette solution changerait-elle la vie des consommateurs ? Demanderait-elle beaucoup d’efforts...? Non. Elle permettrait simplement qu’à chaque fois que l’on dépense de l’argent, que l’on puisse en même temps alléger un peu notre conscience, nous, qui pouvons nous permettre de dépenser, parce que nous avons un job...
N’est-ce pas vraiment le moins que l’on puisse faire ? Le reste...Ce sera en partie aux gouvernements de l’impulser, et de rendre des comptes sur la pertinence de l’utilisation de l’argent collecté. Cette pertinence devra être jugée sur sa capacité à définir des lois, des infrastructures, et des « incentives », propices à la création d’emplois. Propices à réintégrer nos jeunes en leur donnant l’opportunité de créer eux-mêmes, par leur mérite, de la fierté. Donnons-leur juste le « coup de pouce », en agissant avec citoyenneté et transparence, en rendant encore plus performantes nos entreprises, car la performance, la « gagne », peut aussi faire tache d’huile auprès des jeunes, pour peu que les règles du jeu soient connues et accessibles à tous.
D’ici là, avis aux sponsors : à quand des badges « Donne-moi une facture, pour aider mon pays » ?
Amine Jama
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