Une réponse du chanteur Ihab Amir à un de ses abonnés Instagram suscite la controverse au Maroc.
La fabuleuse carrière de Dj Youcef, de son vrai nom Youssef Erraji, commence à 15 ans dans les boîtes les plus prisées de Casablanca avant de prendre son élan notamment à Toulouse. Grâce à ses mix endiablés, il séduit les plus grands artistes maghrébins comme Jedwane, Cheb Mami, Cheb Bilal et bien d’autres, qui l’invitent à ouvrir leurs spectacles. Interview.
Comment le célèbre Dj que vous êtes s’est-il retrouvé dans la production ? Qu’est-ce qui vous a motivé ?
En tant que Dj, ce qui m’a motivé d’abord, c’est le plaisir de composer soi-même sa propre musique et de faire découvrir ses émotions quand on joue ou compose Et puis, sincèrement, après avoir longtemps mixé différentes compilations qui se sont certes très bien vendues, j’ai pensé que le moment était venu d’évoluer. Et donc, de passer à la production en tant que telle.
En tant que producteur, quel type de musique préférez-vous ?
Je suis plus attiré par la musique orientale, le raï et aussi les fusions qui sont très appréciées. Je m’investis tout particulièrement dans le raï et le R’n’B, ce qui me permet d’obtenir le Raï’n’B qui marche actuellement bien. Mais il faut savoir que tout producteur a un but commercial. Par conséquent, on est plus portés sur tout ce qui marche et/ou ce que veut le public.
Le fait d’avoir été Dj apporte-t-il un plus au producteur que vous êtes devenu ?
Absolument. Un Dj est avant tout une personne qui sent les tubes. C’est-à-dire, il sait sur quoi les gens veulent danser, le genre de musique qui peut marcher dans les discothèques et sur les ondes des chaînes radio. Il a une oreille attentive. Ce qui est naturellement utile au producteur qui a intérêt à savoir sur quel artiste investir, à quel niveau faire participer d’autres artistes ou quand jouer en solo, etc.
Où peut-on vous situer, par rapport aux jeunes producteurs maghrébins de France ? Emerge-t-on facilement sur la scène française ?
Ce n’est pas aussi facile qu’on voudra le croire. Cela dit, je crois avoir trouvé ma voie dans cet univers en pleine évolution. Je suis arrivé dans un milieu oriental qui n’était pas assez structuré. On a donc fait un travail de fond et apporté une nouvelle touche. On a encadré les artistes et la musique à travers une véritable production et de bons arrangeurs. Mais il m’est difficile de me situer par rapport à d’autres producteurs parce qu’il n’y en a pratiquement pas dans le raï. Mis à part les grands labels et maisons de disques qui investissent énormément sur les artistes sans vraiment connaître cette musique. Alors que nous, on la connaît suffisamment pour savoir comment la remasteuriser. On lui consacre le temps qu’il faut au point de manger et dormir au studio jusqu’à ce le produit soit prêt. Quoi qu’il en soit, le public n’est pas dupe : il sait faire la différence entre ce qui est bon et ce qui ne l’est pas.
Je pense occuper une position assez importante dans le milieu musical maghrébin. Par exemple, le tube que j’ai produit de Cheba Maria avec Bouchnacq s’est classé parmi les quatre premiers du top au Moyen-Orient. Ce n’est pas rien, d’autant plus qu’on a réussi le pari de sortir notre musique de son giron et d’accéder au marché oriental. On a réussi à s’attaquer à la grosse production orientale et émiratie. J’en suis très fier.
De plus en plus de jeunes puisent leur inspiration dans la musique d’avant. Faut-il y voir un recul ? Quel est votre commentaire ?
Les gens écoutent la musique d’avant certainement parce que, aussi paradoxal que cela puisse paraître, ils en ont ral-le bol de ce qui se fait aujourd’hui. Ils veulent donc revenir à l’authenticité. Et, de toutes les façons, on existe parce qu’on a un jour écouté la musique des anciens. Personnellement, j’écoute encore Stevie Wonder, Nass El Ghiwan et bien d’autres anciens. Si tout ce beau monde n’avait pas existé, on ne serait pas là aujourd’hui.
Mais étant donné que la mentalité et la mode évoluent, il faut bien se poser quelque part et s’adapter à l’époque actuelle. Par ailleurs, grâce aux moyens actuels (ordinateur, synthé, etc.), on peut se hisser au top avec la musique authentique. C’est dire qu’on peut s’en inspirer pour produire quelque chose de bien qui intéressera les jeunes.
Est-ce facile de mixer, dénicher et produire en même temps des artistes ?
Je mixte toujours, et continue à me produire dans des spectacles, concertset festivals. En même temps, je m’investis dans la production. Il n’y a pas de souci à ce niveau puisqu’une équipe m’assiste dans mes tâches. Aussi, j’ai appris à déléguer d’autant plus que je ne peux pas être au même moment partout.
Par ailleurs, j’ai appris à dire non lorsque mon emploi du temps ne me permet pas de faire plus. Ce qui m’évite de retomber dans les erreurs du passé lorsque je répondais à tout le monde et ne parvenais pas à respecter mes engagements. En déléguant, j’ai mis de l’ordre et tout le monde est satisfait.
En tant que chercheur d’artistes, comment détectez-vous l’artiste qui peut faire la bonne affaire ?
La réalité du marché du disque est telle qu’on n’a pas droit à l’erreur. Pour aller plus vite, on ne travaille qu’avec des personnes qui ont un certain succès et qui sont appréciées. Ça peut paraître un peu cruel, mais c’est ainsi que les choses fonctionnent. C’est la loi du marché qui l’impose. Notre travail consiste juste à les « fabriquer » par rapport à leur propre univers. Autrement dit, tout ce qu’on fait, c’est de leur donner une ampleur.
Le succès n’est pas toujours au rendez-vous ?
C’est vrai. Mais grâce au business-plan et aux devis, on est au jour d’aujourd’hui en mesure d’apprécier à leur juste valeur les potentialités d’un artiste, de savoir s’il va plaire ou non au public et à quel niveau on peut intervenir pour le rehausser. Cela dit, l’apport de l’artiste dans cette entreprise est capital.
Source : Libération - Alain Bouithy
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