Les Nations unies ont apporté un démenti formel au sujet d’une éventuelle démission de Staffan de Mistura, l’envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU pour le Sahara.
Le plan d’action anti-corruption initié par le gouvernement Jettou en mai 2005 franchit une étape importante avec la publication au Bulletin officiel du 17 janvier 2008 (numéro 5596) de la Convention des Nations unies contre la corruption (CNUCC), signée par le Maroc en 2003, et ratifiée en mai 2007. La ratification et la publication au B.O. de la CNUCC mettent ainsi fin à une longue polémique qui a opposé le ministère de la modernisation des secteurs publics et l’Association marocaine de lutte contre la corruption,Transparency Maroc (TM), cette dernière ayant toujours reproché à l’Etat marocain son incapacité à respecter ses engagements au niveau international, et sa non-détermination à traduire sur le terrain son plan d’action anti-corruption.
Société civile, pouvoirs publics et citoyens sont en effet conscients que la corruption, petite et grande, continue de gangrener la société et l’économie et que seuls une concertation et un travail, vigoureux et la main dans la main, de ces trois composantes sont à même de juguler le fléau.
Le Maroc est passé du 79e rang en 2006 au 72e en 2007, mais...
Rapports et enquêtes ne laissent pas de doute quant à la propagation de ce mal qui ronge le pays. Bien qu’il connaissant une légère amélioration, le classement du Maroc dans l’Indice de perception de la corruption (IPC) reste peu enviable. Il est en effet passé du 79e rang en 2006 au 72e rang en 2007 et il connaît une augmentation timide de sa note, qui passe de 3.2 à 3.5. Pas de quoi se laisser aller à une autosatisfaction béate, selon TM. Dans son dernier rapport moral présenté à sa réunion annuelle du 26 janvier 2008, l’association marocaine appelle à plus de vigilance. Cette dernière demeure, selon elle, nécessaire. « Le niveau élevé de la corruption est important et semble s’aggraver de jour en jour. Aucun secteur ne peut prétendre y échapper, ce qui est particulièrement grave pour ceux appelés à jouer un rôle vital dans le fonctionnement de l’économie et la satisfaction des besoins des citoyens justice, santé, services publics et police ».
Voilà les quatre secteurs montrés du doigt comme étant les plus corrompus. Chiffres à l’appui. Une enquête réalisée à la fin de 2006 révèle que 60% des chefs de famille ont payé des pots-de-vin entre juillet 2005 et juillet 2006. 62% des enquêtés considèrent que le gouvernement ne lutte pas assez ou pas du tout contre la corruption. Pire : 15% considèrent que le gouvernement l’encourage. Dans ce panorama peu réjouissant, même le secteur privé n’arrive pas à tirer son épingle du jeu : pour se faire payer, une entreprise est souvent obligée de graisser la patte de quelques responsables peu scrupuleux de l’entreprise débitrice.
Que fait le gouvernement pour endiguer le mal, à défaut de pouvoir l’éradiquer ? Ratifier et publier dans son Bulletin officiel une convention onusienne contre la corruption n’est pas une fin en soi. Encore faut-il mettre sur pied des mécanismes de suivi et accompagner le plan d’action décrété par le gouvernement d’actes concrets. Nous savons les grands axes de ce plan d’action, sur lesquels le gouvernement Jettou puis le cabinet Abbas El Fassi ont voulu articuler leurs efforts afin de se conformer aux dispositions de la CNUCC et essayer d’améliorer le classement du Maroc dans l’indice de perception de la corruption.
Le plan se décline en six axes : enraciner les valeurs et les normes d’éthique et de moralisation ; renforcer la transparence dans la gestion des marchés publics ; améliorer le système de suivi, de contrôle et d’audit ; simplifier les procédures administratives ; éduquer ; sensibiliser et communiquer. Maillon important dans ce dispositif : l’Instance centrale de prévention de la corruption (ICPC), dont les membres et le président doivent être nommés d’un jour à l’autre. D’ores et déjà, au sein du ministère de la modernisation des secteurs publics, l’on parle de plus de 30 actions transversales et 40 sectorielles pour plus de transparence dans la gestion des services publics, le respect des valeurs éthiques et la bonne gouvernance.
Rappelons que, pour parfaire ce programme et chercher les moyens les plus efficaces pour le mettre en pratique, une délégation marocaine présidée par Mohamed Abbou, ministre de la modernisation des secteurs publics, s’est envolée, le 28 janvier, pour Bali, en Indonésie, afin de prendre part aux travaux de la deuxième conférence des Etats parties signataires de la convention. La centaine d’Etats l’ayant ratifiée se réunissent pour la deuxième fois après l’entrée en vigueur de la convention en 2005 pour se concerter et échanger leurs expériences.
Beaucoup s’interrogent sur la finalité de l’ICPC, sur ses missions, et, surtout, sur son niveau d’efficacité dans un climat de corruption qui n’épargne quasiment aucun secteur. Le décret de création de cette instance est clair : il lui sera confié la mission de proposer au gouvernement les grandes orientations en matière de lutte contre la corruption, de recueillir toutes les informations sur cette corruption, et si elles s’avèrent vérifiées, de les transmettre au parquet (voir encadré ci-dessous). L’ICPC, créée et financée par l’Etat, aura-t-elle le pouvoir de mener des investigations sur les cas portés à sa connaissance ? Rien n’est moins sûr. Sa mission sera plutôt, comme son nom l’indique, purement préventive. Et c’est le reproche que lui fait Transparency Maroc.
L’ICPC a deux limites, explique le nouveau secrétaire de TM, Rachid Filali Meknassi. « La première, dit-il, est qu’elle n’est indépendante ni juridiquement ni financièrement, et reste une sorte de service rattaché au Premier ministre. La deuxième est qu’elle n’aura ni pouvoir d’investigation ni autorité sur les administrations pour leur imposer de lui donner, en toute transparence, les informations qu’elle leur demandera. Si l’instance constate des malversations, elle n’aura pas plus de pouvoir qu’un simple citoyen pour envoyer le dossier au Parquet qui, lui, a le plein pouvoir d’engager ou non des poursuites judiciaires. Ce n’est nullement l’agence dont le profil est évoqué dans les termes de la convention onusienne, à savoir un outil efficace pour pousser à davantage de transparence ».
Selon Transparency Maroc, l’instance ne fait pas double emploi avec son propre observatoire
Toujours est-il que, profitant d’un appui financier de l’ambassade des Pays-Bas, d’un montant de deux millions de dirhams étalés sur deux ans, TM a lui-même mis sur pied à la fin de 2007 un observatoire de prévention de la corruption (OPC). Sa mission principale est, à l’instar de l’ICPC, de réunir les informations disponibles sur la corruption, de les exploiter, et de les communiquer à qui de droit. Chaque vendredi, deux personnes engagées par l’observatoire sont à l’écoute des doléances des citoyens. La fonction a été confiée aux deux avocats radiés du Barreau de Tétouan lors de la fameuse affaire de dénonciation de la corruption qui a lieu dans les tribunaux de Tétouan. Cet organe fait-il double emploi avec l’ICPC ? Non, répond M. Filali Meknassi, « L’ICPC a d’autres chats à fouetter. Nous pensons que si l’observatoire fait ses preuves, il lui faudra trouver des partenaires, et pourquoi pas cette instance même. L’essentiel est que l’observatoire soit une source d’information fiable sur la question ».
Force est de reconnaître que l’adhésion du Maroc à la Convention des Nations Unies contre la corruption, la création de l’ICPC et la suppression il y a deux ans de la Cour spéciale de justice ne sont que trois mesures transversales dans un chantier de réformes qui ne fait que commencer. Souvenons-nous, pour mémoire, qu’il y a à peine dix ans, dénoncer la corruption était un acte politique sévèrement réprimé.
Le plan du gouvernement comporte d’autres actions, dont quelques-unes, entamées sous le ministère de Mohamed Boussaïd, sont reprises par son successeur. Deux importantes lois ont été adoptées dans ce sens, celle contre le blanchiment d’argent, et la batterie de textes juridiques votés par le Parlement sur la déclaration du patrimoine. La première bénéficie depuis novembre dernier d’une large campagne de sensibilisation pour faire connaître ses tenants et aboutissants, campagne orchestrée par Bank Al Maghrib, le ministère de la justice et le ministère de l’économie et des finances. Les responsables de ces trois départements expliquent à l’envie que cette loi est en mesure, si elle est bien assimilée et appliquée, d’« améliorer l’environnement des affaires et prémunir l’économie marocaine contre tout dérapage ». Les coupables de blanchiment, eux, sont sévèrement réprimés par cette loi puisque les peines, pour les personnes physiques, peuvent aller de deux à cinq ans et les amendes de 20.000 à 100.000 de dirhams. Pour les personnes morales, l’amende va de 500.000 jusqu’à 3 millions de dirhams.
Quant à la loi relative à la déclaration du patrimoine, elle constitue à coup sûr, si ses dispositions sont appliquées, un autre maillon important dans l’arsenal de mesures juridiques de lutte contre la corruption. Elus locaux, conseillers, députés, walis, membres du Conseil constitutionnel et autres hauts responsables de l’Etat sont donc obligés de déclarer leur patrimoine. La loi n’est pas nouvelle, dans son esprit du moins, puisqu’elle date de 1992, mais son application s’est révélée impossible, le texte ne précisant pas comment, quand, ni devant qui faire sa déclaration. Reprise par le gouvernement Jettou, elle a été adoptée par le Parlement, mais elle a été cassée par le Conseil constitutionnel. Ce gouvernement, précise Azeddine Diouri, secrétaire général du ministère de la modernisation des secteurs publics, « n’a pas laissé les choses traîner. Lors du premier conseil de ce gouvernement, la loi modifiée a été sur sa table de réunion, et elle a été adoptée par le premier conseil des ministres ». Le 21 janvier dernier, elle est votée par la Chambre des représentants, et devra avant d’entrer en vigueur passer devant la Chambre des conseillers et devant le Conseil constitutionnel.
Trois autres mesures sectorielles prévues par le plan d’action sont adoptées. Il s’agit de la carte nationale biométrique qui contribuera à la prévention de la corruption, en simplifiant les procédures d’obtention d’un certain nombre de documents. Cette carte remplacera quatre documents administratifs : l’extrait d’acte de naissance, le certificat de nationalité, le certificat de vie et l’attestation de résidence. En réduisant le nombre de documents, on réduira en effet par le même coût les occasions de la petite corruption.
Deuxième mesure sectorielle mise en chantier : depuis l’année dernière, le ministère a mis sur internet un portail des marchés publics. Dans une première phase, les entreprises pouvaient télécharger les cahiers des charges et connaître les programmes d’investissement de toutes les administrations marocaines. On est passé cette année à une deuxième phase où l’entrepreneur pourra suivre son marché, son approbation via internet. La troisième phase, selon M. Diouri, « serait de pouvoir soumissionner par internet. L’année dernière, on a déjà passé un décret sur les marchés publics qui prévoient ces transactions électroniques. Il y a aussi la loi sur la signature électronique qui est adoptée. Tout ce package fait partie d’un programme entamé par l’ancien gouvernement. L’actuel gouvernement en a hérité, l’enrichit et accélère le rythme de sa mise en œuvre. »
« Il ne faut pas oublier, ajoute M. Diouri, une troisième mesure sectorielle : le renforcement du rôle des inspections générales au niveau des ministères pour renforcer leur rôle ».
C’est dire qu’un bon bout de chemin a été parcouru, du moins au niveau de l’arsenal juridique mis en place pour lutter contre la corruption et se conformer aux engagements du Maroc au plan international. Mais une autre partie s’engage, plus délicate : appliquer tous ces textes juridiques, autrement dit appliquer la loi, et changer les mentalités.
Source : La vie éco - Jaouad Mdidech
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