Les investissements de 42 milliards de dirhams annoncés le 7 janvier au Palais royal de Tanger, devant le Roi Mohammed VI en personne, et en présence d’une partie du gouvernement marocain, sont suivis avec beaucoup d’intérêt de l’autre côté du Détroit. En témoigne la présence massive des médias espagnols (TVE, l’agence Efe) et divers organes de presse ibériques lors de la cérémonie. Mais aussi, les agitations continues au niveau du port d’Algésiras et, dans une moindre mesure, de Tarifa, obligés de partager leur fonds de commerce en manutention et en transbordement avec un Tanger Med dont les extensions prévues devait porter la capacité à 8 millions de conteneurs.
En plus des ouvrages portuaires, le port marocain se dotera d’ici 2013 d’une zone industrielle fonctionnant en guichet unique sur une surface de 5000 hectares et une longueur de 80 kilomètres. Officiellement, comme l’a expliqué Said Hadi, président de directoire de TMSA, agence spéciale chargée de l’administration du port de Tanger Med, ces investissements viennent en réponse à une « montée rapide de la demande des industriels ».
En effet, depuis le lancement du projet par le Roi, en 2002, pas moins de 400 entreprises ont investi la zone franche de Tanger. A cela il faut ajouter, bien évidemment, le méga projet de Renault-Nissan dans la zone de Melloussa, et qui verra la création de 36.000 emplois. D’ores et déjà, il est acquis selon les déclarations des dirigeants du groupe français, et selon les commentaires du ministère marocain de l’industrie et du commerce, que le projet en question n’est pas remis en question. « Le retard portera sur un ou deux modèles » indique-t-on. Au-delà de la bataille commerciale, les deux ports constituent, chacun en ce qui le concerne, des arguments géostratégiques dans la bataille pour le contrôle du Détroit. L’influence britannique étant désormais réduite à un rocher, il reste la main mise de l’Espagne qui tente de contenir le mouvement de réhabilitation économique du Nord du Maroc.
Trait d’union entre l’Europe et l’Afrique
Pour le Maroc, qui revendique les enclaves de Sebta et Melilla (occupées par l’Espagne), ainsi que quelques uns des nombreux bouts de terre litigieux entre les deux Etats, cette mise à niveau consacre d’abord la politique de trait d’union entre l’Europe et l’Afrique. Côté espagnol, la question de l’extension du port de Tanger Med, qui fait débat, constitue une préoccupation beaucoup plus politique qu’économique comme le montrent les sorties récentes de quelques députés du parti populaire (PP) qui reprochent aux socialistes d’avoir minimisé les incidences économiques de la montée en puissance du port marocain sur la région. Quant aux autorités portuaires d’Algésiras, elles militent plutôt pour la coopération et la complémentarité, consciente qu’un acteur important comme Maersk est partie prenante dans le port espagnol qu’il a presque créé et géré en solo depuis 1986, où il est chef de file (via sa filiale AP Moeller Maersk) d’un consortium qui gère le premier terminal.
En fait, rappelle cet économiste marocain, l’avantage comparatif de Tanger Med se gagnera plus sur terre que sur mer grâce aux zones industrielles qui attireront beaucoup d’entreprises européennes et, de ce fait, généreront du trafic au départ et vers Tanger. « Algésiras a profité beaucoup de l’essor du commerce Asie-Europe et du trafic sur le Détroit. Tanger Med tirera les dividendes des mouvements de délocalisation d’usines ». De plus, rappelle-t-il, « le port d’Algésiras, construit dans un bassin limité, ne dispose pas d’une capacité d’extension illimitée et, étant européen, n’a pas beaucoup de latitude pour la compression de ses coûts d’exploitation ». Des arguments qui ne pourront pas être validés avant la fin 2009 quand le port marocain dépassera comme prévu le cap des 1,5 millions de conteneurs.
Source : Les Afriques - Adama Wade