« Al Istichara », nom donné à cette instance de réflexion, démarrera de fait ses travaux. En mai 2001, un accord-cadre se dégage de ces mois de consultation, prévoyant entre autres un mode électif. Entre-temps, le ministre de l’Intérieur et des Cultes Chevènement démissionne Daniel Vaillant lui succède et prend en charge mollement le dossier. Après le 11 septembre et l’arrivée de Nicolas Sarkozy, la question de l’islam devient un enjeu considérable. Des banlieues ostracisées, au bord de l’explosion, des médias de plus en plus virulents quant à l’islam convaincront le nouveau ministre d’accélérer le processus d’installation d’un Conseil du culte musulman de France. La nécessité d’avoir un interlocuteur représentatif s’imposait. Des élections sont organisées les 6 et 13 avril 2003, remportées haut la main par la Fédération nationale des musulmans de France (FNMF), une constellation d’associations religieuses d’obédience marocaine (présidée par Mohamed Bechari, un ancien fonctionnaire marocain installé en France). Avec 18 sièges au conseil d’administration, soit près de 44% du total des 41 fauteuils, elle se taille la part du lion. L’UOIF, assimilée à une structure fondamentaliste, obtient 16 sièges ; la GMP (Grande mosquée de Paris), proche de l’Algérie, 5 sièges et 14, 6% des suffrages. Le comité de coordination des musulmans turcs de France obtient 2 sièges.
Première constatation, l’islam militant de France d’obédience marocaine est important par son implantation, ses vecteurs de diffusion, par la discipline de ses adhérents et leur attachement à leur pays d’origine.. Explication : si ces résultats confirment que les Français et résidents d’origine marocaine sont, certes, parmi les plus pratiquants des musulmans de France, ils démontrent surtout qu’ils ont une implantation associative homogène sur l’ensemble du territoire français. De plus, et selon le ministère de l’Intérieur français, 40 % des imams de France viennent du Maroc. Par ailleurs, la FNMF bénéficie largement du soutien des représentations consulaires en France qui n’ont pas hésité à faire sa promotion. Les Marocains sont aussi les plus disciplinés : par le biais de ces représentations diplomatiques, « le réflexe national » a été largement suivi et le vote des Marocains résidents en France a été massif. L’UOIF, cette organisation, largement décriée, vit officiellement en dehors de tout clivage national. Elle est parvenue, par son score honorable de 16 sièges, à séduire tous les musulmans qui sortent du clivage Maroc-Algérie. Œuvrant pour un islam proche de l’idéologie fondamentaliste internationale des Frères Musulmans, sa force réside dans sa capacité à fédérer les énergies locales. C’est au petit jeu des alliances que ce PJD de France s’est montré le plus efficace, lui permettant ainsi de réaliser des scores impressionnants en particulier dans la région parisienne. Statutairement le Conseil du culte musulman s’est pourvu de plusieurs commissions qui seront chargées de traiter de tous les éléments ayant trait à la vie quotidienne des musulmans de France. Certaines sont plus prestigieuses, plus importantes ou plus rémunératrices que d’autres. Le 1er juillet 2003, la FNMF obtiendra la présidence des commissions en charge des imams, de la viande halal (la taxe rapporte près de 80 millions d’euros chaque année), l’enseignement et les affaires juridiques. Seule la commission « audiovisuelle » (l’émission religieuse diffusée sur la chaîne du service public français France 2 tous les dimanches à 7h30), sera confiée à la Mosquée de Paris. L’UOIF prendra en charge l’aumônerie, c’est-à-dire le contrôle du discours religieux dans les prisons de France. En somme, toutes les activités génératrices de revenus sont confiées au camp marocain, l’association la plus radicale obtient (et ce n’est pas un mince avantage) d’islamiser les prisons françaises et l’Algérie d’amadouer les élites par le biais de la télévision. Avec ces « charges » rémunératrices, l’islam français est contrôlé de fait par les Marocains. Mais cette option de prime abord modérée, est en-train de s’avérer fausse pour le gouvernement français. Les deuxième et troisième générations d’origine marocaine sont très loin de l’islam populaire de leurs parents et la FNMF n’a pas su préparer une image attractive d’un islam officiel marocain moins « agressif ». Face à Tariq Ramadan et aux tablighistes largement implantés dans la communauté, « l’islam politique » des dirigeants de la FNMF n’a pas fait long feu.
Le Journal Hebdo