Depuis la promulgation de la nouvelle loi « asile et immigration » en France, les expulsions sous OQTF visent désormais plusieurs catégories d’étrangers autrefois protégées par la loi.
Avec la crise, le chômage explose en Espagne. Premiers touchés,les immigrés,très nombreux dans le pays. À Tolède, où ils seraient près de 20.000, Youssef, jeune Marocain, a perdu son travail de plongeur dans un restaurant. Il raconte sa vie,entre espoir et privations.
Comme chaque matin, paquet de CV à la main, Youssef Oualich fait la tournée des restaurants. Il y a un mois, le jeune Marocain a perdu son travail de commis de cuisine dans une brasserie du quartier Santa Barbara. Arrivé l’an dernier en Espagne, il n’a pas droit aux indemnités de chômage et puise dans ses minces économies pour tenir le coup.
Repartir au pays ? « Certainement pas ! Ce serait la honte », tranche-t-il. Il a déménagé dans un appartement moins cher, un petit trois pièces de la vieille ville qu’il partage avec cinq compatriotes. Dépense le moins possible. Et prie le ciel pour que la chance lui sourit.
Depuis que la crise s’est abattue sur l’Espagne, le chômage grimpe en flèche. Trois millions de sans-emploi en janvier. Sans doute quatre millions l’année prochaine. Les immigrés sont les premiers touchés. Ils sont arrivés massivement au milieu des années 1990 et ont largement contribué au « miracle économique ». Mais les presque 4% de croissance annuelle appartiennent au passé.
Le bâtiment, qui employait force Marocains et Roumains, est à l’arrêt. Le tourisme, naguère spécialité des petites mains sud-américaines, connaît son pire hiver depuis quinze ans. Quant à l’agriculture, voilà que des Espagnols sans emploi se remettent au ramassage des olives ou à la cueillette des tomates. Du coup, le taux de chômage de la main-d’oeuvre étrangère a presque doublé en un an. « Et à Tolède, il atteint 80% », assure Mohamed Bouzarad, animateur de la Coordination des immigrés locale.
Pour inciter au retour, le gouvernement Zapatero propose des aides : la totalité des indemnités de chômage contre la promesse de ne pas revenir avant trois ans. Mais ils sont peu à l’accepter.
« La plupart des Marocains pensent que cette crise est l’affaire de deux ou trois ans et qu’il vaut mieux tenir, explique Mohamed Bouzarad. Beaucoup se disent aussi que, de toute façon, la vie au Maroc sera encore plus difficile. »
Cette attitude donne lieu à des situations humaines difficiles. Nombre de Marocains ont acheté leur logement, car il est difficile de louer. « Au chômage, ils n’arrivent plus à payer les traites. Ils renvoient femme et enfants au pays et louent leur maison à des compatriotes qui s’y installent à plusieurs », raconte Mohamed Rouif, responsable de l’Association des travailleurs immigrés marocains en Espagne (Atime).
« Ils renvoient femme et enfants au pays »
Et voilà des familles qui s’éparpillent. Des gosses contraints d’abandonner école et copains pour aller vivre dans un pays que, souvent, ils ne connaissent pas. « Ce que vivent les immigrés est très dur, confirme Amparo Herreros, au syndicat Comisiones Obreras, l’équivalent de la CGT. En plus, ils sont totalement perdus sur leurs droits ; ne savent pas s’ils vont garder leur permis de travail s’ils n’ont plus d’emploi. Ou s’ils vont toucher des indemnités. »
Des solidarités s’organisent pour leur venir en aide. Deux fois par semaine, on se presse dans les locaux de Caritas, calle de la Vida Pobra (rue de la Vie-Pauvre !), pour la distribution de nourriture et de vêtements. « On reçoit trois fois plus de monde, constate Désirée Gomez, la coordinatrice en montrant le couloir encombré de poussettes. Mais notre subvention n’augmente pas, on la touche même en retard. »
Et puis, comme partout, il se trouve des rapaces pour profiter du malheur d’autrui. Dans leur petit appartement du Vieux Tolède, Ilyas, 21 ans, un des colocataires de Youssef, détaille devant un thé à la menthe la malhonnêteté d’un exploitant agricole. « En décembre, j’ai ramassé les olives pendant deux semaines. Chaque jour de 6h à 21h, pour 35 €. On était vingt, tous des Marocains. Le dernier jour, le patron nous a dit qu’il avait des problèmes de trésorerie et que le chèque allait arriver. Cela fait deux mois que j’attends. »
À son côté sur le canapé du salon, sa soeur Insaf s’étrangle d’indignation. Puis raconte comment, en répondant à une annonce d’employée de maison, l’homme lui a assené quand elle a parlé salaire : « Ah, non pas de salaire ! C’est seulement logée-nourrie. ».
Sans travail, presque sans argent, les trois jeunes Marocains tiennent le coup. « On mange surtout des pois chiches et des pâtes », dit Youssef qui, le mois dernier, a dû payer la part de loyer (100€) de son copain Ilyas. Youssef, titulaire des équivalents marocains d’un Deug en économie et d’un BTS en informatique, venu travailler à la plonge. « C’est payé 1100€ par mois pour 80 heures par semaine. Le double de ce que je gagnerais au Maroc dans l’informatique. »
Youssef qui rêve d’une vraie vie, d’un travail, d’une famille. Qui ne perd pas espoir, mais soupire : « À 29 ans, ne rien avoir à soi, quand même, c’est dur ! »
Maroc : Ouest France - Marc Mahuzier
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